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EAN : 9782020056335
189 pages
Seuil (01/10/1980)
5/5   1 notes
Résumé :
Ce volume rassemble, sous un nouveau titre, les poèmes et les proses de Gerard Manley Hopkins précédemment publiés dans Reliquiae et Le Naufrage du Deutschland.
Dans une traduction qui fait l'admiration des spécialistes, Pierre Leyris réussit l'impossible gageure : choisir dans l'oeuvre du poète victorien ce qu'elle offre de plus significatif et de plus puissant.
Ainsi les poèmes (avec le texte anglais en regard) dont Le Naufrage du Deutschland, chef-... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je ne me sens guère de taille à présenter ici l'un des plus grands artistes, avec Keats, de la langue anglaise. Mieux vaut que le lecteur se reporte aux bonnes présentations que l'ouvrage recensé donne de lui. Qu'il sache toutefois que Hopkins, malgré sa réputation de poète difficile, est abordable. Je suis allé à lui grâce au romancier fantastique et de SF Dan Simmons, qui s'est servi d'un de ses vers pour intituler un de ses plus beaux romans, "L'échiquier du mal", en anglais Carrion Comfort. Il y a donc des passerelles improbables entre des domaines littéraires que l'édition sépare par une cloison étanche. "Carrion comfort", ou, si l'on veut, "immonde réconfort", c'est le nom que le poète chrétien Hopkins donne au nihilisme de son temps comme du nôtre, quand la pulsion de mort l'emporte sur le désir de vivre. C'est que tout l'art, raffiné et sublime, du poète, est un art chrétien, c'est-à-dire au service de la vie, et plus particulièrement de la vie éternelle que le croyant recherche dans la nature et auprès de son Dieu, si terrible soit-il. En de rares et brefs poèmes, la vie mystique de Hopkins se dévoile - et ce qui peut rester pour nous, c'est au moins l'art poétique inégalé qu'il développe. Nous pouvons au moins visiter cette poésie comme on se promène dans les ruines gothiques des anciens monastères anglais.
(Ajouté en 2020) :
Il n'existe pas en français d'édition complète, bilingue ou unilingue, de l'oeuvre de Gerard Manley Hopkins. Né en 1844, dans une fratrie de poètes, de mystiques et d'intellectuels, Gerard connut le destin le plus étrange : ses brillantes études, ses dons éclatants de poète et d'artiste, le firent remarquer des Préraphaélites. Il participa à la renaissance catholique d'Oxford autour de Newman, le conduisant à la conversion au catholicisme, à l'entrée dans l'ordre des Jésuites et au sacerdoce. Dans l'Angleterre victorienne, pareille évolution condamnait à une totale marginalité. Sa sévère vie monastique lui fit détruire une grande partie de ses poèmes de jeunesse, mais ne parvint pas à étouffer son génie. Au contraire, elle fit de lui un poète mystique, amoureux de la nature où il lit la présence divine. Je recommande en particulier les poèmes dédiés aux oiseaux, aux saisons et à la mer. La présente traduction de Pierre Leyris me paraît plus accessible au lecteur français que celle de Bruno Gaurier, que je consulte aussi. Paradoxalement, le français est parfois plus obscur que l'anglais qu'il traduit, tant les vocables saxons prennent toute leur force poétique en version originale.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[L'art de lire et de critiquer.]
On dit que les vaisseaux qui partent du port de Londres emportent (ou avaient coutume d'emporter naguère) de l'eau de Tamise pour la traversée : impure et putride à l'appareillage, peu à peu ses impuretés se déposaient, et en quelques jours elle devenait pure et suave, meilleure et plus saine qu'aucune eau du monde. Authentique ou non, ce fait sert mon propos. Quand on nous présente une chose aussi nouvelle que le sont les tentatives du Deutschland [poème écrit par Hopkins], nos premières critiques ne sont pas les plus justes, les plus profondes ni les plus durables, mais tout bonnement celles qui nous viennent le plus aisément. Elles sont barbares et ressemblent aux propos du vulgaire ignorant. C'est ce qui vous est arrivé. Le "Deutschland", à sa première traversée, roulait beaucoup : il a dérangé votre assiette, épaississant et troublant votre esprit de vase vulgaire et de communes vidanges (j'ai besoin de suivre l'image) et c'est malheureusement le moment que vous avez choisi pour "soutirer" vos critiques toutes puantes (c'est l'image qui veut cette expression) et toutes fangeuses ; tandis que, si vous aviez laissé vos pensées décanter, elles se seraient trouvées clarifiées et mieux à mon goût. Aussi n'y ai-je pas prêté grande attention, voyant bien qu'elles n'étaient qu'un premier soutirage. Idem pour "L'Eurydice" [autre poème] - qui est bref et facile et que je vous prie de lire plus d'une fois...
Pour rendre justice à l'Eurydice, vous ne devez pas le lire négligemment avec les yeux, mais avec les oreilles, comme si le papier était en train de vous le déclamer. Par exemple, le vers "She had come from a cruise, training seamen", lu sans accentuation ni déclamation, n'est qu'un rapport de la Lloyd's ; convenablement lu, c'est une toute autre affaire. C'est l'accentuation qui en fait la vie.

[Lettre à Robert Bridges, 13 mai 1878, p. 156]
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C'est vrai qu'il va beaucoup plus loin que Shakespeare dans l'étrange en pressant, en forçant comme il le fait les virtualités de la langue. Certaines de ses expressions, même une fois maîtrisées par le lecteur, ne s'acceptent qu'en fonction de l'ensemble de son système verbal, et encore en manière d'idiotismes. Celle qui a le plus tardé à nous devenir familière est sans doute ce "leaves me a lonely began" (littéralement "me laisse un esseulé commençai") qui termine le poème "To seem the stranger ..." (Paraître l'étranger) Le poète a dit qu'à toute parole de son coeur le plus sage, ou le ban confondant d'un ciel noir, ou l'enfer, mettait barre. C'est le fait de garder cela pour lui non communiqué, non entendu, ou entendu sans plus, sans qu'on y prenne garde, qui le "laisse un esseulé commençai" ou, comme nous avons traduit très lointainement, "me laisse à zéro, seul". Employer substantivement un parfait paraît proprement aberrant, le serait sans doute de la part de tout autre que lui. Et, pourtant, il faut avouer que "débutant" ou "commençant" n'exprimerait pas l'idée d'avoir débuté, de s'être déjà efforcé et de se retrouver dans la position de, d'être essentiellement non seulement un débutant, mais un /ayant débuté/. On peut penser que nous aurions dû garder le même tour en français, n'ayant pas à corriger Hopkins. Notre excuse est qu'une forme aussi extrême ne s'accepte qu'à l'intérieur d'un système cohérent, lequel ne saurait être transposé en bloc d'une langue à l'autre, leurs génies s'y opposant.
(Note 1 : Lorsque, Dans King Lear 3-6-109, Edgar constatant que le vieux roi est persécuté par ses filles comme lui-même l'est par son père, s'écrie : He childed as I fathered, cela sonne comme du Hopkins.)

Préface p. 12.
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Not, I'll not, carrion comfort, Despair, not feast on thee ;
Not untwist - slack they may be - these last strands of man
In me or, most weary, cry "I can no more". I can ;
Can something, hope, wish day come, not choose not to be....

Non, Désespoir, non, putride pâture, je ne veux pas me repaître de toi ;
Ni dénouer, si lâches soient-ils, ces derniers ligaments de l'homme
En moi, ni, à bout de misère, crier : Je n'en peux plus ! Je peux ;
Je peux quelque chose, espérer, souhaiter que le jour vienne, ne pas choisir de n'être pas ...

pp. 136-137
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XVII (Le Naufrage du Deutschland)

Ils combattirent le froid de Dieu -
N'en pouvant mais et tombant sur le pont
(Qui les broyait), dans l'eau (qui les noyait), roulant
Avec la mer en fête sur l'épave.
La nuit rugit, de pair avec un choeur navrant de coeurs navrés -
Plaintes de femme, pleurs d'enfant que rien ne venait arrêter -
Jusqu'à ce qu'une lionne se dressât, faisant front au charivari,
Qu'une prophétesse primât sur le tumulte, qu'une langue virginale retentît.

They fought with God's cold -
And they could not and fell to the deck
(Crushed them) or water (and drowned them) or rolled
With the sea-romp over the wreck.
The woman's wailing, the crying of the child without check -
Till a lioness arose breasting the babble,
A prophetess towered in the tumult, a virginal tongue told.
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Videos de Gerard Manley Hopkins (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gerard Manley Hopkins
Gerard Manley HOPKINS – Hommage de Jean Mambrino (France Culture, 1977) Une émission spéciale animée par Jean Mambrino diffusée le 29 avril 1977 sur France Culture. Présences : André Dhotel, Diane de Margerie, Jean Mambrino, François-Xavier Jaujard, Patrick Reumaux. Lecture : Jean Topart, Catherine Sellers et Jean Faubert.
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