Il est des romans comme des films ou des tableaux. Certains, encensés par l'ensemble de la critique, ne me touchent absolument pas. Pas la moindre palpitation doucement ressentie. Pas le plus petit intérêt, même en cherchant bien entre les lignes. Je ne vais pas prétendre détenir la vérité car, en matière d'art, il est bien connu que « tous les goûts sont dans la nature humaine ».
Je vais donc faire profil bas et reconnaitre que, si 2001 l'Odyssée de l'Espace ressemble à un vide sidéral pour mon entendement, si la Recherche du Temps Perdu n'est que sublimes phrases mises bout à bout les unes des autres et ne constituant pas un roman mais une compilation hétéroclite, tout cela est dû à mon manque de culture.
Bref, je n'ai pas assez lu.
J'avais, bien évidemment, mis le nez dans ces Particules désenchantées lors de sa publication. Vingt ans se sont presque écoulés depuis, ce qui peut froisser un certain amour propre : oui, chacun vieillit. de l'encre a passé sous les chapitres. Des lignes, des paragraphes entiers, une malle entière de bouquins ont fait défiler leurs pages devant mes yeux, atteignant mon cerveau et, parfois, mon coeur.
Et si je relisais « Voyage au Bout de la Nuit » qui ne m'avait pas touché? Et si je commençais par le
Houellebecq pour me mettre dans l'ambiance?
C'est raté.
Comme souvent, les romans de fin de siècle pâtissent d'un pessimisme ambiant. Ici, ce n'est pas de la noirceur, c'est carrément l'opacité des grands fonds.
Pas une seule lueur d'espoir. Noir c'est noir. Comment alors entrer en résonnance avec ses particules? A qui s'identifier?
Ca y est! Je sais. Kubrick, Céline,
Houellebecq s'adressent à notre raison. Hugo, Chaplin à notre coeur.
Ce n'est pas la peine de revenir sur l'intrigue (inexistante) de ce roman. Tout le monde connait. Deux demi frères suivent un parcours qui les mènent à une déchéance programmée.
Bruno, enfant martyrisé dans un collège par la sauvagerie d'animaux humains que la nature ne peut produire seule, deviendra un obsédé sexuel doublé d'un raciste à vomir qui donne le prétexte à
Houellebecq de glisser quelques pages à la limite de la pornographie sans objet (la pornographie n'a, de toute manière, d'autre but qu'elle-même). Un peu comme ces cadres qui cachaient leur Penthouse dans les pages du monde.
Michel, chercheur en génétique, apparemment plus équilibré, finira par découvrir le futur de l'humanité : le clonage.
Ainsi se résume notre société selon la pensée Houellebecquienne : nous sommes tous des obsédés sexuels (ou autre) qui finiront par se reproduire sans l'aide du sexe.
Résumer le propos par cette double fin programmée : la dérive obsessionnelle et le clonage serait réducteur. Car il y a la maladie aussi (
Houellebecq ne fait aucune référence à la pollution qui asphyxie lentement la planète, seule responsable, selon moi, avec un certain obscurantisme typiquement humain qui se traduit dans la religion comme dans la haine de l'autre (sa méconnaissance) du déclin de nos civilisations.
Houellebecq se moque bien de l'écologie). Seulement, l'auteur a décidé que les victimes de cancers seraient celles par qui le monde aurait pu être sauvé, j'entends les femmes.
Si l'on fait exception de la glose scientifique à peine plus lourde à digérer qu'une mixture choucroute/couscous/cassoulet dont je ne résiste pas à vous abreuver de quelques lignes parfaitement indigestes : Soit il fallait renoncer au concept de particule élémentaire possédant, en l'absence de toute observation, des propriétés intrinsèques : on se retrouvait alors devant un vide ontologique profond - à moins d'adopter un positivisme radical, et de se contenter de développer le formalisme mathématique prédictif des observables en renonçant définitivement à l'idée de réalité sous-jacente. Si on passe outre ces scènes érotico-pornographiques sans objet. Si on tolère cette sorte de donneur de leçons purement philosophiques dont sont empreintes les pages restantes, alors je dois reconnaitre qu'il y a là, un vrai talent d'écriture. Noyé sous d'abominables fanfreluches existentielles censées certainement tirer le lecteur vers le haut mais pratiquement l'enfonçant dans les méandres de sa pauvre condition mortelle… Non, voilà que je me mets à écrire du
Houellebecq. Au secours!