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3,51

sur 4048 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un auteur reconnu qui se lance dans le genre de l'anticipation? Ou de la dystopie comme on dit maintenant?
Et bien, cela donne ce roman maîtrisé de bout en bout que j'ai lu à la fois avec fascination et répulsion.

Maîtrise car le présupposé de départ peut sembler fou : comment un professeur d'université intelligent, cynique, jouisseur et revenu de tout pourrait-il s'adapter à un régime islamiste?
Lui qui aurait tous les atouts intellectuels pour s'y opposer et qui aurait tout à perdre avec ce gouvernement, que va-t-il faire et comment cela va-t-il se passer?
On a un point de départ; on a un point d'arrivée et entre, le talent de Houellebecq pour rendre plausible ce qui peut sembler complètement tordu et absurde.
Ma première réaction de femme qui lit cet espèce de brûlot anti-féministe au possible? De l'horreur.
Car la soumission (celle du titre) est d'abord pour moi celle de la femme dans ce roman, avec le retour de l'éducation aux tâches ménagères, l'autorité toute-puissante de l'homme (père ou mari), le mariage arrangé (dès 14-15 ans à des hommes de 40 ans), l'instauration de la polygamie....tout cela avec des arguments "rationnels", tellement logiques (genre : retirer les femmes du marché du travail, c'est réduire drastiquement le chômage!).

J'ai ri (jaune) de certaines des trouvailles de l'auteur (la présidente du parti d'extrême droite qui se pose en résistante!) mais j'ai compris aussi la polémique autour de ce livre. Sous ses allures de science-fiction politique, il cite des personnalités, des phénomènes réels. Cela fait si vrai que c'en est vertigineux.

Moi qui ai l'habitude de lire de la dystopie, je me suis lancée dans ce roman comme je me lance dans mes dystopies de séries jeunesse et c'est ainsi que je l'ai pris. Une dystopie habile qui reflète comme toutes les œuvres du genre les inquiétudes et les thématiques de notre temps et qui va jusqu'au bout d'une hypothèse : et si...?
Evidemment, le fait que Houellebecq ait utilisé un cadre réel, existant, touche encore plus le lecteur mais c'est cela qui est diablement intelligent.
Bref, j'ai été emballée par l'intrigue et la façon dont l'auteur avance les événements de son intrigue comme d'autant d'arguments qui explique la posture d'arrivée de son protagoniste principal.
C'est cet aspect du roman qui m'a le plus convaincue.

De même que sa description du milieu universitaire, de son fonctionnement(de la sélection des enseignants à son financement en passant par leurs petites habitudes) ou des relations hommes-femmes. Des assertions pleines de provocation mais qui sonnent souvent tellement justes car l'auteur mêle adroitement vérité et présomption.

Par contre, j'ai trouvé son personnage principal détestable, malgré son intérêt pour Huysmans (il m'a donné envie d'aller le relire d'ailleurs). Son attitude envers les autres, la façon dont il aborde la vie, sa façon d'être, tout en lui me répugnait mais je n'ai pu m'empêcher de suivre ses péripéties jusqu'au bout grâce à cette intrigue prenante et à l'écriture de Houellebecq.

Bref, on m'avait beaucoup parlé de ce livre et j'appréhendais un peu de le lire à cause la forme d'anticipation politique qu'il présentait mais finalement, ce roman m'a fait réfléchir, parfois rire et grincer des dents mais jamais ne m'a laissée indifférente. Que demander de plus à un livre?
En fait, je préfère toujours lire un livre pour m'en faire mon opinion plutôt que d'écouter ce qu'on en dit.


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Auteur d'une thèse remarquée sur Huysmans, François enseigne à la faculté de Paris III Sorbonne. A chaque nouvelle rentrée, il se choisit une de ses étudiantes pour la mettre dans son lit. A l'approche des vacances d'été, celle-ci le quitte pour quelqu'un autre. Au bout du compte, la vie sexuelle de ce quarantenaire désabusé reste assez décevante. Nous sommes en 2022, à la veille des élections présidentielles. Devenu depuis longtemps le premier parti de France, le Front National caracole en tête des sondages. Assez loin derrière, le Parti Socialiste se retrouve au coude à coude avec un nouveau parti, « La Fraternité musulmane » menée par l'intelligent et très modéré Ben Abbas. Au soir du premier tour, celui-ci se retrouve second face à la candidate nationaliste. Il engage des négociations avec tous les autres partis qui acceptent de le soutenir et assurent ainsi son élection à la magistrature suprême. Tout cela est d'autant plus étonnant que le nouveau Président musulman qui rêve de recréer ni plus ni moins qu'un nouvel empire romain musulman n'a transigé sur rien. Les enseignants devront soit se convertir soit démissionner. L'enseignement de l'islam deviendra obligatoire dans toutes les écoles de la République. Les jeunes filles et les femmes seront voilées et encouragées à rester au foyer pour procréer et s'occuper de leur famille. La polygamie sera la norme. L'Université se retrouvant fermée sine die, François met quelques affaires dans son gros 4X4 et file droit devant lui vers le midi sur une autoroute étrangement déserte...
« Soumission », traduction française du mot « islam », est un livre qui laisse une impression mitigée mais qui ne méritait certainement pas les honneurs ou les infamies de la polémique à laquelle nous avons assisté ces derniers temps. Houellebecq en bon adepte de l'anticipation nous imagine une simple évolution du libéralisme athée et consumériste vers un islam assumé et pacifique, ce qui peut paraître un tantinet surréaliste dans un délai aussi proche mais pas si improbable que cela à moyen ou long terme, au train où vont les choses. le lecteur peut regretter néanmoins plusieurs invraisemblances dans l'intrigue. Si ce régime est aussi pacifique, comment se fait-il que les juifs de France quittent massivement le pays pour se réfugier en Israël ? Devant un tel bouleversement des coutumes et des moeurs, quid des réactions des patriotes, des identitaires, des féministes et autres défenseurs acharnés de la laïcité républicaine ? Soumission et toujours soumission ! Pour l'auteur, la France est morte et l'Europe en pleine décadente. L'islam sera leur dernière chance et l'espoir d'un nouvel âge d'or. Chacun appréciera. Que penser de l'intrigue elle-même ? Assez peu de bien. Il ne se passe pas grand chose en dehors des états d'âme du médiocre personnage principal, homme sans conviction ni principe qui semble flotter au fil de l'eau et est destiné de longue date lui aussi à la soumission au dominant. Vu la mollesse du bonhomme, il ne peut faire d'autre fin que celle-ci. le lecteur la devine d'ailleurs dès les dix premières pages. Sinon cette histoire n'est qu'une longue suite d'errances et d'allers et retours entre Paris et quelques lieux de la province profonde comme Martel, Rocamadour ou Ligugé. le lecteur devra suivre l'auteur qui met ses pas à un siècle de distance dans ceux de Huysmans, de Fontevrault à Bruxelles, se torture la cervelle autour de questions existentielles ou métaphysiques, rate ses retraites dans des monastères ou des abbayes, perd son temps dans des cocktails où il boit et cause énormément et en appelle souvent à Nietzsche et à quelques autres. Autant dire que tout cela manque un peu de rythme et de dynamisme. Si on y ajoute que le style reste assez plat, l'ensemble ne semble pas vraiment relever du chef d'oeuvre. Alors pourquoi tant de passion autour de cet ouvrage ? Provocation et transgression sont encore et toujours les clés du buzz médiatique. En général bon écrivain, Houellebecq est aussi quelqu'un qui sent bien les tendances, c'est un observateur madré qui ne manque ni de finesse ni d'intelligence conceptuelle. Dommage qu'il se montre aussi piètre sociologue, historien et politologue. Pas son meilleur titre. Pouvait mieux faire, surtout avec un sujet aussi porteur.
Lien : http://etpourquoidonc.fr/
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Michel Houellebecq ou l'art de passer de Huysmans à Youporn (et vice-versa).
Écrit à la première personne, ce roman nous immerge dans les préoccupations d'un universitaire quadragénaire qui établit un bilan peu réjouissant de ses perspectives d'avenir. La fréquentation des étudiantes à la Sorbonne ne lui donne plus autant de plaisir mais il n'a jamais su non plus instaurer de relation suffisamment durable pour s'installer dans une vie conjugale. Cela aurait pu avec Myriam, mais la jeune femme est juive et la situation politique de la France devient trop instable pour sa sécurité.

Nous sommes en effet à l'approche des élections présidentielles (fictives) et contre toute attente, le second tour oppose le Front national à un nouveau parti émergent : la Fraternité musulmane (« Le système politique dans lequel je m'étais, depuis mon enfance, habitué à vivre, et qui depuis pas mal de temps se fissurait visiblement, pouvait éclater d'un seul coup »). On assiste alors aux conséquences progressives du changement de régime politique et cela fait froid dans le dos… L'habillement féminin (« Elles étaient toutes en pantalon »), l'éducation des filles à l'école (« orientées dans des études ménagères »), Paris-Sorbonne récupérée par les Saoudiens et transformée en université islamique (« Les dignitaires arabes se mêlent aux universitaires français »), la fin de la laïcité dans l'Éducation nationale (il faut être musulman pour enseigner), la polygamie autorisée (pour les hommes bien sûr), la baisse du chômage due au retrait des femmes du marché du travail en échange d'une revalorisation considérable des allocations, l'évolution de l'économie nationale vers une économie familiale, et j'en passe…

La France de Mohammed Ben Abbes est d'autant plus saisissante que le scénario semble plausible. L'islam est-il appelé à dominer le monde ? Les ambitions du président vont en effet jusqu'à « une Europe élargie, incluant les pays du pourtour méditerranéen » (Turquie, Maroc, Tunisie, Algérie, Égypte).
Le héros est directement concerné par la situation : s'il veut récupérer son poste, il doit se convertir. S'ensuit une réflexion mêlant ses convictions personnelles et sa vie sexuelle (on comprend peu à peu le lien). Sur les traces de son auteur fétiche dont il est le spécialiste officiel, Huysmans, l'enseignant fait une retraite mi-intellectuelle mi-spirituelle à Rocamadour (et sa Vierge noire) puis à l'abbaye de Ligugé, « le plus vieux monastère chrétien d'Occident ». En parallèle, il se renseigne sur la religion musulmane.

L'embêtant c'est qu'aux réceptions, on est entre hommes (« Aucune femme n'avait été conviée, et le maintien d'une vie sociale acceptable en l'absence de femmes était une gageure bien difficile à tenir »). Par contre, il faut reconnaître que ses collègues qui sont restés semblent heureux avec leur(s) nouvelle(s) épouse(s) (« Une femme, ils m'ont trouvé ça »). Il paraît même qu'il existe des marieuses s'occupant de trouver l'idéale (mieux que Meetic !). Finalement, peut-être est-il aussi bien « d'accepter le monde dans son intégralité » sans se poser de questions : « Le sommet du bonheur est dans la soumission la plus absolue ».

Voilà donc l'argument déterminant : une femme en échange de ton adhésion. Est-ce à dire que les hommes se tournent vers la religion pour de mauvaises raisons ? En tout cas, pas pour la seule valable : la foi en Dieu. La cérémonie est d'ailleurs très courte, sans aucune exigence.
Les femmes musulmanes sont présentées comme « dévouées et soumises ». Quelle régression.
Et ces intellectuels reconnus qui au bout du compte raisonnent avec leur sexe, comme n'importe quel quidam. C'est désolant.
Bravo M. Houellebecq, vous avez réussi à me remuer avec votre monde (je l'espère) dystopique.
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J'ai lu ce livre il y a déjà quelques temps mais j'ai eu besoin d'une digestion lente et de sortir de la polémique qui l'entourait pour me forger une opinion.
Je suis de ces personnes qui dissocie l'oeuvre et l'artiste. Effectivement je ne suis pas une grande fan du personnage... En revanche, je lui trouve une qualité d'écriture certaine et je pense qu'il comptera comme un de nos auteurs phares.
Donc, sur ce roman, ma première réaction a été : mais pourquoi tant d'histoires autour de ce livre??? Je n'ai pas trouvé matière à polémique mais plutôt matière à réflexion sur notre société et son évolution. C'est un bon roman dystopique et j'ai apprécié sa lecture.
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« Soumission » me semble être une bonne dystopie, assez visionnaire sur certains points.
Commençons par parler du titre : il s'agit d'une triple référence. D'abord une référence à l'étymologie : « îSLâM, qui signifie « abandon à », « soumission à » » (Gabriel Mandel Khân, « Mahomet le prophète », Éditions France Loisir, 2002). Ensuite, une allusion à la soumission de la France, à celle de ses élites (politiques, médiatiques, intellectuelles…) et à celle de la société dans son ensemble. Enfin, ce titre se réfère à la soumission finale du narrateur et personnage principal lui-même.
Le livre est divisé en cinq parties. Dans la première, le narrateur commence par parler de lui et de Joris-Karl Huysmans, écrivain sur lequel il a fait une thèse, et à qui il se compare tout au long du livre. L'islam n'est mentionné qu'à partir du troisième chapitre, et surtout dès le quatrième qui introduit brièvement au contexte de la pénétration larvée de la Fraternité musulmane dans le milieu universitaire et dans le reste de la société. Cela n'est pas sans faire penser à certains romans décrivant la montée du nazisme dans l'Allemagne de l'entre-deux-guerres (Par exemple : Fred Ullman, « L'ami retrouvé »).
La description à travers le personnage de Myriam, de la douleur des Français de confession juive contraints à l'exil en Israël, est assez poignante.
Que dire de François, le narrateur dont le prénom n'est cité qu'une fois, professeur à la Sorbonne et spécialiste de Huysmans ? Il donne l'impression d'être extérieur au monde dans lequel il vit, un peu à la manière de Meursault dans « L'Étranger ». Cependant, contrairement au personnage de Camus, il fait preuve tout au long du roman d'une ironie mordante et mélancolique, très plaisante à lire et à citer.
Mon impression sur ce livre est donc globalement positive. Je ne suis pas en mesure de dire si je me plongerai dans l'oeuvre de Huysmans. Celle de Michel Houellebecq a peut-être plus de chances de m'attirer, même si je n'ai pas spécialement envie de le lire dans l'immédiat.
Je dois avouer que la conversion finale de François à l'islam, uniquement opportuniste et influencée par des fantasmes sur la place des femmes et la polygamie, m'a un peu refroidi. le reste du roman m'avait pourtant beaucoup plu, voire enthousiasmé.
Vous n'avez plus qu'à vous faire votre propre opinion.
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Je ne me suis pas ennuyé avec cette histoire où un parti religieux musulman prend le pouvoir en France.
François professeur à la Sorbonne est spécialiste de J.-K. Huysmans vivra donc l'arrivé au pouvoir de l'islam, aux nouvelle règle, la charia..
Lecture encore plus intéressante si l'on connait la religion islamique.
C'est le premier livre de Michel Houellebecq que j'ai lu et je n'ai pas été déçu.

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Ce roman de Houellebecq a déchaîné les critiques et les passions. Il s'agit d'un roman étrange et désenchanté, une sorte de politique-fiction, qui voit une alliance gauche, centre droit et islamique arriver au pouvoir en France en 2022. le narrateur, un universitaire alcoolique et célibataire spécialiste de Huysmans, fera son chemin, à la manière de Huysmans converti au catholicisme après des débuts "décadents", mais vers l'islam (la soumission du titre étant synonyme de conversion). Il y naturellement des pages sarcastiques pour le cirque politique et ses ambitions, mais pas tant que ça. le plus dérangeant dans ce roman c'est sa misogynie, encore beaucoup plus forte que d'habitude. Il y a aussi des paragraphes éblouissants sur la littérature et son pouvoir. Bref, une lecture qui s'apparente plus à un voyage en 4X4 sur des pistes défoncées qu'à unn trajet sur autoroute.
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Un roman dans lequel on retrouve le style bien particulier de Houellebecq: direct, simple et incisif, y compris pour énoncer des horreurs ou ce qui dérange. C'est ce qui fait toute la force de cet auteur. Je ne comprends pas pourquoi ce livre a provoqué une polémique alors qu'à aucun moment Houellebecq ne critique la religion, quelqu'elle soit. Houellebecq dérange car il combat la société hypocrite et bien pensante en énoncant des faits pour construire une fiction. D'ailleurs, celle-ci est digne d'une prophétie car des faits imaginés se sont produits : l'élection en 2017 d'un mouvement et non d'un parti politique classique, Bayrou dans le gouvernement, etc). La force de ce livre est de démontrer le côté "bête de troupeau" de l'être humain, l'abrutissement des sociétés. L'Islam n'est ici qu'un prétexte pour étayer ce propos. Jamais Houellebecq ne prend position: il énonce l'arrivée au pouvoir d'un parti musulman comme un fait, et montre comment chacun s'en arrange. Encore une fois, une polémique pour rien. A croire que critiques et journalistes ont pour mission de faire régner leur morale, leur hyprocisie et leur bienséance en interprétant tout et n'importe quoi de manière négative, et surtout les créations artisitiques. N'est-ce pas le début d'un totalitarisme des médias ?
Seul reproche: tous les passages sur Huysmans inintéressants (mais n'est-ce pas la manière subtile de Houellebecq de nous faire éprouver l'ennui de ces personnages ?)
Je recommande vivement ce livre, même si ce n'est pas le meilleur de cet auteur.
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2022 après deux quinquennats de François Hollande, dans un pays en pleine décadence, le parti des Frères musulmans l'emporte en France. François, un universitaire misanthrope, spécialiste de Huysmans (décadent du XIX° siècle) effrayé par les risques de guerre civile commence par fuir dans le Sud-ouest, d'abord parce qu'on y mange du confit de canard ce qui lui semble peu compatible avec la guerre civile et ensuite pour tenter de renouer, comme son héros Huysmans, avec le catholicisme de ses origines. Il échoue et finit par se convertir à l'Islam mais davantage par opportunisme (nouveau salaire qui lui est proposé, polygamie permettant de satisfaire le fantasme masculin d'avoir une épouse mûre pour la cuisine et une jeune pour d'autres plaisirs). Je ne comprends pas les polémiques autour de ce roman. J'imagine que certains pensent que l'auteur n'est pas allé assez loin quand on s'inquiète avec raison de la montée de l'Islam radical pendant que d'autres crient au racisme parce qu'on touche à l'Islam et aux valeurs des dominants et bien-pensants. Déjà, il s'agit d'une FICTION écrite par un écrivain provocateur, ensuite Houellebecq écrit bien et enfin, il est drôle. Un humour certes décalé, cynique et désespéré auquel il faut adhérer. Islamophobie? je ne vois pas, le leader musulman est loin d'être stupide, misogynie oui mais il faut faire la part de la provocation. Un peu de recul et d'autodérision font aussi du bien surtout dans une société en crise et désespérée (quand on pense à ce que faisait Desproges il y a 30 ans !). Restent des portraits très drôles des hommes politiques (François Bayrou), journalistes, soixante-huitards et une bonne analyse de nos sociétés occidentales où les élites parlent au nom du peuple sans se rendre compte du décalage avec lui, sans voir non plus la contradiction entre les idéaux progressistes et humanistes et les ravages du capitalisme, de la société mercantiliste. Un peu en-dessous tout de même du génial "la carte et le territoire" lu il y a plus longtemps.
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Huysmans au 21ème siècle : tel pourrait être le sous-titre du livre de Michel Houellebecq. L'auteur d'A rebours, figure du décadentisme, se retrouverait probablement, en partie du moins, dans le personnage principal de Soumission, François, un universitaire renommé spécialiste de Huysmans, justement. Remarquable intellectuel, François semble mener une vie morne, guère excitée par les relations ponctuelles qu'il entretient avec ses étudiantes, et vide de tout amour véritable. C'est à la faveur d'un bouleversement politique majeur que la vie de François connaît une rupture fondamentale. Fable politique très intéressante par l'analyse qu'elle porte, Soumission est le récit d'une fin et d'un renouveau : la fin du matérialisme athée occidental et le renouveau du spirituel. le roman, publié en 2015, fait évidemment réfléchir et porte un éclairage intéressant sur des problématiques extrêmement contemporaines

On aurait tendance à penser, naturellement, que la grande nouveauté proposée par ce livre réside précisément dans son prétexte narratif. A l'occasion des élections présidentielles 2022, après deux mandats désastreux de François Hollande, le candidat Mohammed Ben Abbes, leader du nouveau parti La Fraternité musulmane, devient président de la République après un duel avec Marine le Pen. La France devient alors une république islamique. L'habileté de la fable politique de Houellebecq provient de là : en introduisant la Fraternité musulmane comme parti crédible, Michel Houellebecq imaginait le bouleversement du clivage traditionnel entre la gauche et la droite. Ce qui découle de l'élection de Ben Abbes, c'est donc l'islamisation non pas tant de la politique, qui répond aux habituels jeux d'alliance et d'opposition, mais surtout de la culture et des institutions. En bref, Houellebecq imagine un bouleversement civilisationnel, lequel impacte non seulement la France, mais aussi l'Europe, qui s'ouvre alors aux rives méridionale et orientale de la Méditerranée. Évidemment, d'un point de vue purement sociétal et politique, Houellebecq oublie - volontairement, sans doute - les grandes aspirations qui parcourent la société actuelle et y suscite le débat : évoquons simplement l'écologie et le féminisme. On objectera alors que l'auteur est romancier, et non analyste politique. Cela étant, les lignes concernant les lignes de fracture entre la droite traditionnelle - ex RPR et UMP, aujourd'hui Les Républicains - et l'extrême-droite, ou entre les fractions de la gauche - la gauche laïque et la gauche anti-raciste - sont d'une remarquable concision et acuité politique. La Fraternité musulmane ne parvient pas au pouvoir car elle est politiquement dominante ; elle y parvient, en profitant du jeu politique traditionnel et des dynamiques de pouvoir qu'aujourd'hui encore, on pourrait observer (ainsi le rapprochement, salué ou renié, d'une partie des Républicains avec le RN, dont la force politique croissante menace, en réalité, l'existence du grand parti traditionnel de droite). On le voit bien : la fable politique est un prétexte pour interroger les valeurs de notre monde contemporain.

Dans cette optique, François est un personnage pratique. Sans conviction politique ou religieuse, il est le spécialiste d'un écrivain qui jugeait déjà très sévèrement son époque. François est aussi le symbole d'une déchéance occidentale, d'abord physique (il n'a que des rapports sexuels tarifés, ou alors il profite de son ascendance sociale et psychologique pour parvenir au coït ; de plus, il est alcoolique), puis morale (il rejette la famille, lui-même ne s'occupe pas de ses parents qui, à intervalle rapproché, décèdent ; il se tient en dehors de tout engagement, même lorsque celui-ci semble s'offrir à lui, comme avec Myriam, avant qu'elle ne quitte le pays avec ses parents pour émigrer en Israël). A travers François, Houellebecq dessine la fin de l'homme occidental ou, de ce que l'on a appelé dans une certaine presse, du mâle blanc occidental hétérosexuel. Au contraire de Des Esseintes, François n'a pas créé de bulle artistique élitiste, comme une protection procurée par le génie humain, mais il est porté par des dérives personnelles ; là où Des Esseintes rejette le déclin du monde, François, lui, l'observe et plonge au milieu de ses semblables.

La victoire de la Fraternité musulmane, ainsi que le parcours hasardeux de François, semble bien confirmer la défaite du matérialisme athée du monde occidental. Celui-ci a échoué. Après la mort de Dieu, proclamée par Nietzsche, le pacte socio-consumériste reposait sur la capacité de la société à toujours s'enrichir, à toujours produire davantage. La crise économique capitaliste, durable depuis la fin du 20ème siècle ou du début du 21ème siècle, révèle aux Occidentaux la perte de sens de leur société. La vacuité spirituelle, un temps remplie par les promesses d'une abondance matérialiste qui se réalisaient, apparaît avec cruauté à ceux qui sont laissés pour compte. La victoire de la Fraternité musulmane, et à travers elle de l'islam, démontre donc l'échec du modèle américano-européen en même temps que celui de l'Église. Pour Rediger, dont l'ascension sociale et politique se justifie par sa proximité idéologique avec les nouveaux maîtres du pouvoir politique français, les origines de cette victoire sont à rechercher dans l'islam même : une religion qui accepte le monde tel qu'il est et le déclare parfait, une religion dans laquelle les hommes se soumettent avec reconnaissance à leur Dieu, une religion qui offre un message plus simple que les discours parfois alambiqués des exégètes bibliques.

Si Soumission n'est certes pas le meilleur roman de Michel Houellebecq - on regrette les lignes de description d'actes sexuels, très crues et, à vrai dire, sans grand intérêt -, il a pour autant le mérite d'interroger des thèmes fondamentaux dans nos sociétés actuelles : la place de la religion et de la spiritualité, la définition de l'identité nationale. Alors que le spirituel semblait avoir cédé la place aux aspirations matérialistes, le regain d'attraction pour la chose religieuse décrit en réalité le grand malaise des sociétés occidentales. A rebours, justement, des aspirations sociales féminines, le roman de Houellebecq décrit aussi un retour au patriarcat, comme si la quête d'indépendance des femmes tout au long du 20ème siècle avait signifié, à travers la fin d'un modèle social et sociétal, la fin d'un modèle civilisationnel. Si la soumission du titre est celle des hommes à Dieu, elle est aussi celle des femmes aux hommes. En un sens, Soumission échoue à être un roman complet, synthèse de son époque entre les aspirations religieuses, écologiques, politiques, culturelles et sociales de tous les citoyens. Gageons cependant que c'est là la liberté de l'auteur. Michel Houellebecq n'est pas devin. Il est romancier.
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