« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, j'en ai marre de ressasser l'amertume et la négativité engendrées par la critique précédente, alors on…
-JULES VERNE EST ANTISEMIIIIIITE !!! C'est Dégueulââââsse !
-Mais qu'est-ce que tu racontes ?
-Bah c'est la critique du Château des Carpathes, non ?
-Ah ! Non, j'ai changé le planning, je t'ai pas dit ?
-Mais non, tu m'as pas dit, grosse limace ! Je fais quoi, moi, j'ai rien préparé, bordel !
-Rhôôôh, meuh t'en fais pas, tu vas bien trouver un truc négatif en cours de route…
-Un truc négatif avec ce titre-là ?!
-T'es Méchante Déidamie, utilise tes superpouvoirs ! Je sais pas, moi, invoque les puissances occultes du féminazisme si ça peut t'aider... Il reste une boîte de tomate dans le placard.
-Mmmh… d'accord… (pop de boîte de conserve qu'on ouvre) « O grand Hyâd'Efoth, écoute la supplique de ta servante… »
-Voilà. Pendant qu'elle cherche de son côté, présentons donc le sujet du jour : une bande dessinée titrée
Peau d'homme, signée Hubert au scénar' et Zanzim au dessin et à la couleur.
Or donc Bianca, jeune fille de bonne famille dans la Renaissance italienne, est fiancée à Giovanni. Elle se soumet à la volonté de sa famille, qui choisit pour elle son époux, mais déplore de ne rien savoir de lui avant le mariage. Sa tante lui confie alors un secret : elle possède une
peau d'homme qui, une fois enfilée, lui donnera en tout l'aspect d'un garçon nommé Lorenzo…
Parlons un peu du dessin pour commencer. Je ne suis hélas pas assez érudite en BD pour vous livrer une bonne analyse en règle du style : je me contenterai donc de déclarer que le dessin de Zanzim me rappelle
Sfar et
Hergé.
Sfar pour les yeux démesurés de l'héroïne,
Hergé pour la ligne claire et les amusantes spirales de mouvement. Ce menu détail me fait toujours sourire quand je le trouve.
La BD alterne un découpage classique avec des illustrations occupant toute la page, où l'on voit les personnages évoluer dans l'espace tout en conversant. Cela vous met, à mon humble avis, dans une double position : à l'extérieur de l'histoire, puisque vous vous trouvez au-dessus de l'intrigue et des dialogues, et à l'intérieur aussi, puisque vous vous impliquez dans la lecture en suivant les déplacements et les propos des protagonistes.
Quant à l'histoire… mmmh… comment dire sans tomber dans la capitale emphatique ?
Je l'ai adorée. J'ai adoré suivre Bianca dans ses aventures de l'autre côté du genre. Son ignorance de tout la force à observer, à comprendre et à se faire son propre avis sur les faits, sur les hommes et la société dans laquelle elle vit. Elle résiste à la bêtise et à l'obscurantisme prêchés par son frère. Elle change et se change, non seulement en homme, mais en femme libre, et son cheminement fait plaisir à lire.
Outre l'aspect initiatique, la BD dénonce avec force l'hypocrisie et le sexisme. Elle plaide avec énergie pour l'égalité de traitement. Certains constats de Bianca sur les nudités masculine et féminine restent vrais aujourd'hui. Et le livre prouve qu'il est possible de livrer au public de belles histoires aux messages forts sans pour autant assommer de bons sentiments, sans donner l'impression au lecteur qu'on enfonce des portes ouvertes. le monologue de Bianca m'évoque, par son intensité, la plaidoirie de Figaro et la repartie de Dorine dans Tartuffe, avec une dérision toute moderne cependant.
La conclusion propose un dénouement inattendu, bien que réaliste au regard des enjeux. Je n'en dis pas plus pour ne point divulgâcher.
(Méchante Déidamie, échevelée, barbouillée de tomate) : -« Sainte Misandra, nourris mon implacable vindicte et lance les harpies sifflantes et vengeresses sur la tête des écrivains blancs, mâles et hétérosexuels, juste parce qu'on aime ça, faire du mal ! Gloire à la vile méchanceté gratuite ! Livre-moi ton message ! »
-Ah, le rituel se passe bien, à ce que je vois…
(Méchante Déidamie, très essouflée)-Ca y est… la réponse… j'ai quelque chose…
-Excellent ! Je savais que tu arriverais ! Alors, qu'as-tu de pas gentil et de négatif à dire ?
-Bianca… pourquoi en avoir fait une femme au physique parfait ? Blonde, fine, blanche ? On peut pas figurer la glorieuse héroïne d'un roman d'émancipation si on n'est pas canon ? C'EST SEXISTE !
-Ah. Oui, je vois ce que tu veux dire. Peut-être parce que sa beauté parfaite l'isole des autres personnages qui tous possèdent un défaut physique, qu'elle représente une figure lumineuse et exceptionnelle ? Peut-être parce qu'on ne peut qu'aimer un personnage aussi beau à l'intérieur qu'à l'extérieur ? Quoi qu'il en soit, je trouve le fond et la forme de cette BD tellement admirables que je ne peux guère prendre ton reproche au sérieux…
-Moi non plus, mais ‘fallait bien trouver quelque chose. ‘Tte façon, cette critique, elle est pourrie.
-En conclusion :
Peau d'homme présente un récit multiforme : roman d'initiation, roman satirique, d'émancipation, sans oublier toutefois un humour plaisant pour alléger le tout. »
Et maintenant que la critique est terminée, je voudrais ajouter un mot.
Merci beaucoup,
M. Hubert. Puissent vos proches trouver la paix après votre départ prématuré de ce monde.