AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,22

sur 1319 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Pour commencer cette critique j'en jette d'abord les premières impressions, car c'est une lecture émouvante. Oui, les émotions sont intenses et m'ont submergées comme autant de vagues de cette mer si présente dans ce livre.

Ceci dit, en détail :
Sur la construction de ce roman, j'ai apprécié l'empreinte de Molière avec une mise en place complexe, sur plusieurs scènes, la création d'un scénario où un personnage/ un groupe avec ses tares est épinglé, des pseudos héros mis en place en une résolution grâce à des situations cocasses. C'est finalement construit comme une petite pièce de théâtre et j'ai apprécié cette formule.

Sur les personnages et le héros de ce roman, on est sur un personnage hors norme. Déjà, car on le sent de la première à la dernière ligne, ce n'est pas seulement un héros qui incarne des thèmes choyés par VH (difformité, mauvais traitements sur les enfants, inégalités criantes des classes, poids d'un amour fusionnel etc. ) c'est aussi un héros qui incarne la voix de l'auteur et particulièrement lors de ses prises de paroles et pensées. Donc un héros qui envoi du sacrément lourd.
Les autres personnages, certains, caricaturaux, participent du drame et de la comédie qui se côtoient au fil des pages de ce roman. Certains sont très attachants tels Ursus, Tom-Tim-Jack, d'autres, notamment les personnages féminins manquent de profondeur et de sympathie, ils sont assez caricaturaux.

Les thèmes abordés et le déroulé du roman sont très entrainant, passionnant, émouvant, brefs ils constituent un très bon contenu. le fait que ce soit terriblement d'actualité (pour la plupart des sujets), en France, en 2024 m'a sidérée et quelque peu déprimée. Les prises de positions politiques dans le roman sont évidentes et osées. Attention quand même que si on ne partage pas les idées républicaines et socialistes ça doit être pénible ! ^^

Le style, parfois lourd de l'auteur, on s'y habitue, bien que cela ne facilite pas l'entrée dans le roman. Mais globalement, il y a beaucoup de sens dans chaque mot et pas mal de punchlines.

La dernière partie m'a énormément émue, les sentiments de Gwynplaine, tellement transparents sur ce que ressent l'auteur sont vraiment prenants. J'en ai pleuré sur les 50 dernières pages.

Une incroyable lecture que je recommande volontiers.
P.S. ne vous attardez pas sur le prologue qui spoile tout alors que ce qui est explicité est déjà très clair à la lecture.
P.P.S ne lisez pas toutes les notes de bas de pages qui rendent la lecture laborieuse sans apporter énormément au texte, en tout cas, en première lecture.
Commenter  J’apprécie          70
Bon, je vais tenter de ne pas faire comme Victor Hugo, c'est-à-dire trop long.
J'indique que, ayant lu plusieurs de ses livres, j'ai eu plusieurs heures de bonheur mais là c'est trop. Trop de redondances hugoliennes : ce qu'il exprime clairement en une phrase, il le décline ensuite en plusieurs, me donnant le sentiment qu'il fait étalage de ses possibilités à varier sur un thème. Je sais que cela fait partie de son style, reconnaissable, je sais qu'Hugo crée un monde en décrivant, crée une pensée en commentant, je sais que l'écriture d'Hugo est "logos" (à la fois "lieu" et "langage") mais j'ai trouvé que là il abusait et usait les figures de styles typiques de son style.. Énormément de courtes phrases contenant souvent une opposition ou une contradiction ( "il était dans une plaine et une colline, et il n'y était pas". " Il était palpable et évanoui"etc ). de même les citations latines (pas traduite dans mon édition Nelson). Presque une auto-parodie, une caricature de son style, en tous cas une surenchère. Ce qui fait le sel de ses poèmes nuit à ce roman, l'impression qu'il a lâché la barre et laisse le vent de sa maîtrise de la langue faire ce qu'il veut du bateau..
Trop. Beaucoup trop de passages qui n'apportent rien au récit, bien au contraire : il en avait déjà abusé dans Notre Dame de Paris (les chapitres sur l'architecture de l'ancien Paris..) mais là il a exagéré et j'ai survolé nombre de pages en diagonale (ce que je fais rarement). Pourquoi énumérer indéfiniment les noms et titres des Lords, ducs etc ? Il a dû copier des passages de livres et documents historiques. Les listes sont un genre : Charles Dantzig, par exemple, en a fait (encyclopédie capricieuse du tout et du rien), les variations sur un thème aussi mais c'est annoncé tel quel..
Pourquoi toute ces pages documentaires ? Quelques exemples auraient suffi et aurait évité d'attendre 300 pages avant de revenir à l'histoire des personnages qui nous intéressent..
On parle de son projet en 3 temps : un livre sur l'aristocratie, un sur la monarchie et le dernier sur la Révolution (ou la République ou la démocratie je ne sais plus). Quatre-vingt Treize (le 3ème) est beaucoup plus digeste.
Pour montrer qu'il sait faire des listes ? Je ne suis pas sûr qu'il ait agrandi sa culture en faisant cela et il a barbé, agacé, le lecteur que je suis. Pour quoi ? Il s'est laissé enivré dans son cabinet d'écriture tout en haut de Hauteville-House dominant la mer ? Je préfère quand Hugo se laisse moins emporté par ses élans lyriques.
Quel dommage car l'histoire est bonne, en général bien écrite (malgré mes bémols sur le style), prenante, émouvante, dramatique, édifiante.. le début, tout en ombres, en silhouettes.. est tout de suite prenant. le naufrage est à mettre dans une anthologie littéraire des naufrages. On a droit à des "morceaux de bravoure" où les excès (de reformulation etc) peuvent être tolérés mais, en l'occurrence, le principal passage "héroïque" ( le discours de Gwynplaine face aux Lords) métamorphose un personnage, qui jusque-là a peu parlé, en orateur hors-norme, car l'orateur est en fait Hugo lui-même, qui se fiche là de la vraisemblance romanesque, et ceci devient un point intéressant du livre : Hugo en filigrane dans cet écrit. Il est à Guernesey, en exil et l'exil forcé est au début et à la fin du "roman". Il se documente sur les lieux proches et cela donne le naufrage au début du récit.. Comment ne pas voir aussi Lord Clancharlie (le père) en exil comme un portrait d'Hugo en exil ?
La fin - que certain(e)s trouve mièvre ou décevante ou autre - m'a touché car j'y ai vu, peut-être à tord, la réminiscence cathartique de la noyade de sa fille et de son gendre, survenue 20 ans auparavant.
Il y a aussi dans ce texte de grandes réussites : par exemple, cet enfant que le narrateur omniscient (et omnipotent) regarde et décrit, de loin,de près, est comme le premier enfant du monde.. que l'écrivain démiurge est en train de créer, les phares des Casquets, la marche dans les rues nocturnes désertes, le sommeil des enfants, la soi-disante bonté du très riche..
Ma déception est à la hauteur de mon attente sur ce livre. J'ai un meilleur souvenir des Travailleurs de la Mer (dont le titre est d'ailleurs assez peu adapté à mon avis).
Expurgé de tous les passages encyclopédiques, listes, documents historiques etc, l'Homme qui Rit est digne des meilleurs récits de Hugo : ursus vaut bien Jean Valjean, Gwynplaine Gilliat et Déa Cosette.. N'est-ce pas ce qu'ont nécessairement fait les adaptations cinématographiques (que je n'ai pas vues) et les versions raccourcies (que je n'ai pas lues) ?
Commenter  J’apprécie          107
🤍 le crush de l'été.
Depuis la chronique de @sophie_plume, j'avais ce titre en tête. Je voulais découvrir Victor Hugo avec ce roman (la lecture d'une version abrégée des Misérables en primaire ne compte évidemment pas).
⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀
Et malgré l'exigence du texte (c'est qu'il aime les longues explications, les répétitions et les énumérations, notre Victor), j'ai été saisie par la beauté de ce roman, par la poésie qui s'en dégage à tout moment, par la vie qui y est insufflée.
⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀
Ce formidable roman est un tout : tour à tour roman d'aventure, roman philosophique, historique, roman d'amour… Victor Hugo pensait lui-même « n'avoir rien fait de mieux que L'homme qui rit ».
⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀
Je vais devoir m'en assurer en lisant maintenant le reste de son oeuvre 🤷🏻‍♀️
Commenter  J’apprécie          60
Disons le simplement, c'est un roman splendide, un vrai morceau de bravoure dans le plus pur style hugolien. le problème c'est qu'à vouloir allier un roman d'aventure, une critique approfondie de la société britannique, un pamphlet sur le théâtre et un traité de naufrage maritime, on finit par perdre un peu son public. J'ai failli décrocher quelque part au milieu du naufrage de l'ourque mais je me suis accrochée à la poésie plutôt qu'au jargon et finalement je suis parvenue à entrer dans l'histoire. Autre partie très aride, toute la description de la chambre des Lords, idem un beau morceau politique mais un peu ardu pour une lecture de roman. Un conseil, accrochez vous à la beauté de la langue, la fin en vaut vraiment la peine. Si on s'en réfère purement à l'intrigue, c'est haletant, c'est bien construit, c'est une leçon de courage, de force et cela rappelle qu'il est inutile de "sacrifier la perle (l'amour) pour avoir l'océan (les richesses)". Une vraie belle leçon d'humanité qui jalonne ce roman typiquement hugolien !
Commenter  J’apprécie          82
S'attaquer au grand Victor Hugo et finir cette lecture avec des sentiments mitigés, eh oui, malheureusement c'est ce qui m'est arrivé. J'avais lu, il y a très longtemps, Les misérables, et en gardais le souvenir d'une lecture passionnante. J'ai retrouvé ici l'écriture flamboyante de l'auteur qui me plait toujours autant, mais je me suis parfois ennuyée, d'autant plus que le livre I de ce roman m'avait envoutée et plaçait donc la barre très haut. Cette promesse n'a pas été complètement tenue.

Il s'agit de l'histoire de Gwynplaine, enfant mutilé par le désir d'un roi, qui sera abandonné une nuit d'hiver sur un rivage d'Angleterre. Son visage a été fendu pour la vie d'un éternel sourire, il est devenu à jamais et pour son malheur L'homme qui rit.
Recueilli par Ursus, l'homme et Homo le loup, avec Dea, bébé qu'il a recueilli sur le cadavre de sa mère, il deviendra le clou du spectacle que ce saltimbanque présente dans la banlieue de Londres. Dea et Gwynplaine sont amoureux. Dea aveugle ne peut voir la figure de son compagnon et ne voit que la beauté de son âme.
Tout est bien pour cette petite troupe, mais, écrit par Hugo, ce roman ne pouvait en rester là. Et le retournement de situation arrivant, qui semble bénéfique au premier abord, va précipiter les évènements vers une issue que l'on redoute tragique …

L'écriture d'Hugo prend toute son ampleur dès le livre I, qui est pour moi, hélas le plus réussi du roman. Je dis hélas, car c'est probablement une des raisons de ma demi déception pour la suite. Je n'y ai pas retrouvé cette osmose parfaite entre le fond et la forme, qui m'ont séduite autant l'une que l'autre.
J'ai aimé la description de cette tempête, le récit du naufrage, du lent cheminement de Gwynplaine à travers la lande glacée.La progression sur la lande glacée, au milieu des rochers escarpés fait écho à celle au milieu des flots déchaînés. Ces deux mondes, ces deux humanités s'opposent dans un déploiement magnifique où l'écriture poétique de Hugo prend toute son ampleur sans, à mon avis dans ce livre I, devenir grandiloquente, ce qui est avouons-le le péché mignon de l'auteur.
J'ai beaucoup aimé aussi cette introduction à ce qui constitue un des points clés du roman, la critique de l'aristocratie britannique. là aussi, dans ce livre I, l'ironie mordante de Hugo envers ces élus m'a séduite sans m'ennuyer, ce qu'il réussira très bien à faire par la suite :-(

Un début donc en fanfare pour moi qui ne sera jamais égalé par la suite, même si j'ai continué d'apprécier la prose, si certains passages m'ont fait sourire, d'autres ébloui par toujours cette flamboyance dans l'écriture.
Je n'ai pas retrouvé par la suite l'empathie que j'avais ressenti envers ces deux enfants, au départ. Gwynplaine et Dea adultes m'ont paru désincarnés, plus des symboles que de vrais personnages, regroupant dans leurs personnes tout ce qu'Hugo veut défendre et qu'il oppose à cette aristocratie qu'il méprise... Et Ursus restera mon personnage préféré.

Merci à tous mes compères pour cette lecture commune. Il est toujours si agréable et rassurant de pouvoir partager son ressenti et savoir que l'on n'est pas seule à peiner sur une lecture.
Commenter  J’apprécie          5714
« Dans une destinée, quand l'inattendu commence, préparez-vous ceci : coup sur coup. »

Victor Hugo est un auteur que j'ai découvert et aimé adolescente, mais sa bibliographie est tellement longue que beaucoup de ses récits me sont inconnus. Après « Les travailleurs de la mer », me voici donc à lire « L'homme qui rit », un titre qui cache beaucoup d'ironie et de souffrance.

Tout comme Quasimodo dans « Notre-Dame de Paris », l'auteur, dans « L'homme qui rit », met en opposition l'aspect physique et la moralité, le héros de ce roman étant un homme généreux mais affreusement défiguré.
Un autre trait que l'on retrouve dans ses romans : son écriture poétique, plutôt emphatique mais tellement belle, décrit admirablement les paysages et les personnages, diffusant une ambiance sombre parfois chaotique, mystérieuse mais singulière.

*
Dans ce récit, Victor Hugo nous fait voyager dans l'Angleterre de la fin du XVIIe siècle, sous le règne de la reine Anne Stuart.

L'histoire commence de manière poignante par une nuit d'hiver glaciale, dans une petite crique isolée de la baie de Portland. Des vagabonds, appelés « Comprachicos », abandonnent un petit garçon sur une plage déserte. Cet enfant nommé Gwynplaine, regarde le bateau s'éloigner sans émettre un seul cri de détresse.
Autrefois appréciés pour leur talent à mutiler et défigurer les enfants exhibés comme des monstres de foire, ces fugitifs devenus indésirables sont chassés du sol anglais.

Le petit garçon va errer, seul, pieds nus et affamé, dans la tempête de neige. Au détour d'une potence, Gwynplaine découvre un nourrisson à peine vivant, une petite fille aveugle et chétive serrant encore le sein de sa mère morte de froid alors qu'elle la nourrissait.
Plus tard, ils seront recueillis par un vieux vendeur ambulant un tantinet philosophe qui se fait appeler Ursus, et son fidèle loup, Homo.

« Une loquacité de charlatan, une maigreur de prophète, une irascibilité de mine chargée, tel était Ursus. »

« Homo n'était pas le premier loup venu. A son appétit de nèfles et de pommes, on l'eût pris pour un loup de prairie, à son pelage foncé, on l'eût pris pour un lycaon, et à son hurlement atténu en aboiement, on l'eût pris pour un culpeu; mais on n'a point encore assez observé la pupille du culpeu pour être sûr que ce n'est point un renard, et Homo était un vrai loup. »

C'est ainsi que nous faisons connaissance avec des personnages principaux que nous retrouvons par la suite, quinze ans plus tard, en 1705.
Gwynplaine a bien grandi, il est devenu un jeune homme doux et sensible, aussi beau intérieurement que repoussant extérieurement par son visage mutilé et défiguré qui lui laisse un rictus perpétuellement heureux.

« Qui était−il? Il ne le savait. Quand il se regardait, il voyait un inconnu. Mais cet inconnu était monstrueux. Gwynplaine vivait dans une sorte de décapitation, ayant un visage qui n'était pas lui. Ce visage était épouvantable, si épouvantable qu'il amusait. Il faisait tant peur qu'il faisait rire. Il était infernalement bouffon. C'était le naufrage de la figure humaine dans un mascaron bestial. »

La petite fille sauvée du froid, qui s'appelle désormais Dea, est d'une beauté rare et délicate. Elle est tombée amoureuse de Gwynplaine et de son visage éternellement souriant.

« Ils semblaient être nés chacun dans un compartiment du sépulcre; Gwynplaine dans l'horrible, Dea dans le noir. Leurs existences étaient faites avec des ténèbres d'espèce différente, prises dans les deux côtés formidables de la vie. Ces ténèbres, Dea les avait en elle et Gwynplaine les avait sur lui. »

Avec Ursus, ils forment une petite troupe de comédiens qui gagne sa vie dans des représentations théâtrales, au cours desquelles les spectateurs rient du visage grotesque de Gwynplaine.
Meurtri intérieurement par ce sourire gravé à jamais qu'il offre aux regards railleurs, Gwynplaine, surnommé « l'homme qui rit », trouve l'amour dans le regard innocent et pur de Dea, dans la bonté un peu sauvage d'Ursus, dans la force tranquille et la fidélité d'Homo qui se moque bien de son apparence.

Mais qui est Gwynplaine ? D'où vient-il ? Comment s'est-il retrouvé entre les mains de ces bohémiens spécialisés dans le trafic d'enfants ?

« le malheur avait mis le doigt sur lui, le bonheur aussi. Deux destinées extrêmes composaient son sort étrange. »

*
Victor Hugo a un talent indéniable pour dessiner avec minutie de magnifiques portraits, mes préférés étant ceux d'Ursus et d'Homo.
Il les peint avec grandeur et éclat, beauté et générosité, déployant une langue riche et profonde pour pénétrer les pensées et décrypter les profondeurs de l'âme humaine.

En ce qui concerne notre héros romantique Gwynplaine, l'auteur a adopté un style plus subtil, nous laissant voir un personnage simple et candide, mais torturé et plein de contrastes. Il se cherche et se questionne, et, sous la pression de la société et le regard des autres, souffre.

Dea est magnifiée, décrite par petites touches d'une grande délicatesse, dans des teintes nacrées et douces pour faire ressortir son innocence, sa pureté virginale.

*
Lire Victor Hugo n'est pas facile : il y a une sorte de grandiloquence et d'exubérance qui, à mon avis, dessert l'intrigue et les personnages en les diluant dans de nombreuses digressions.
Ainsi, mon intérêt a oscillé, ondulé, parfois bercée et enivrée par la poésie de l'auteur, d'autre fois engloutie sous de longues descriptions, développements ou analyses, intéressants au demeurant, mais trop détaillés et redondants.

Néanmoins, ces passages plus délicats à aborder valent la peine d'être franchis pour retrouver le fil du récit et la beauté de l'écriture, car n'est pas Victor Hugo qui veut.
Sa plume, verbeuse et érudite, fougueuse et passionnée, éloquente et poétique, décrit, raconte, perce les pensées. Et même la souffrance, la pauvreté, la laideur, la médiocrité et la nuisance humaines, sont magnifiées par une écriture d'une extrême beauté.

*
« L'homme qui rit » de Victor Hugo est un roman très intéressant car il éclaire et analyse la société de son époque.
Tout en explorant les thèmes de l'identité et du destin de l'homme, de l'amour et de la mort, il soutient des valeurs humanistes et aborde les droits de l'homme, la liberté, la justice sociale et les discriminations, la misère et l'exclusion sociale, offrant ainsi une critique subtile de la noblesse.
Ces thématiques trouvent une résonnance particulière encore aujourd'hui.

« … c'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches. »

Le ton est souvent d'une ironie noire, mordante et sarcastique, laissant courir une impression d'obscurité et de noirceur autant que de grotesque qui perdure le livre refermé.
L'auteur a réussi à créer un bel effet de clair-obscur en abolissant les frontières entre la beauté et la laideur, l'amour et la haine, le bonheur et le malheur. Il resserre la gamme chromatique autour des contrastes entre ombre et lumière, être et apparence, amour et désir, bonheur et ambition, pauvreté et noblesse.

*
Comme une proximité qu'il a créé durant ses années d'exil à Guernesey, l'océan est souvent présent dans l'oeuvre littéraire de Victor Hugo comme miroir et métaphore des pensées et de la destinée humaines.

« Sous de certains souffles violents du dedans de l'âme, la pensée est un liquide. Elle entre en convulsions, elle se soulève, et il en sort quelque chose de semblable au rugissement sourd de la vague. Flux, reflux, secousses, tournoiements, hésitations du flot devant l'écueil … »

C'est dans la première partie du livre que l'auteur fait preuve de toute sa puissance lyrique pour traduire l'esprit de l'océan, le déferlement de ses vagues poussées par le vent, sa puissance titanesque, l'animant d'un visage inhospitalier et démesuré, implacable et destructeur.
La tragédie qui se joue au début du récit est celle qui m'a le plus plu.

« Les navires sont des mouches dans la toile d'araignée de la mer »

*
Pour conclure, « L'homme qui rit » est un roman complexe, une satire de la monarchie anglaise, une fable sombre et triste qui oppose l'histoire simple et touchante de deux âmes innocentes prises dans l'étau de l'hypocrisie et de la cruauté humaines.
Politiquement engagé, Victor Hugo se fait tour à tour poète, conteur, dramaturge, historien, humaniste, transportant les lecteurs dans l'univers tragique, sans concession et sans espoir.

« Ainsi est fait le genre humain. Hostile, mais reptile. Dragon, mais ver. »

*
Je remercie mes compagnons de lecture pour cette incursion dans l'oeuvre de Victor Hugo. Que l'on adore ou que l'on soit plus réservé, tous ces regards croisés et ces échanges sont très enrichissants.
*
Commenter  J’apprécie          4280
Lire Hugo c'est entrer en littérature.

Car la première rencontre dans ce roman, ce n'est pas l'Homme qui rit, c'est Victor Hugo. Plus exactement son style, toujours le même, de la première à la dernière page. Hugo ne se contente pas d'une comparaison par-ci par-là, non il impose son ossature stylistique “être ceci c'est encore être cela”, “cela a besoin de ceci pour exister” etc et à partir de là il déroule tout un nuancier de maximes, comparaisons et de métaphores, presque jusqu'à la redondance parfois, pour que son lecteur touche au plus près et au plus complet de sa pensée, tenez par exemple :

“On résiste à l'adversité mieux qu'à la prospérité. On se tire de la mauvaise fortune plus entier que de la bonne. Charybde est la misère, mais Scylla est la richesse. Ceux qui se dressaient sous la foudre sont terrassés par l'éblouissement. Toi qui ne t'étonnais pas du précipice, crains d'être emporté sur les légions d'ailes de la nuée et du songe. L'ascension t'élèvera et t'amoindrira. L'apothéose a une sinistre puissance d'abattre.

Se connaître en bonheur, ce n'est pas facile. le hasard n'est autre chose qu'un déguisement. Rien ne trompe comme ce visage-là. Est-il la Providence ? Est-il la Fatalité ?

Une clarté peut ne pas être une clarté. Car la lumière est vérité, et une lueur peut être une perfidie. Vous croyez qu'elle éclaire, non, elle incendie.”

Vous-êtes encore là ? Je vous le concède, le père Hugo dérange, agace, son héritage moral est comme trop lourd à porter dans une société à l'individualisme exacerbé, plus Stendhalienne qu'Hugolienne regrettait Régis Debray dans un récent essai.

Déjà l'auteur de “L'Homme qui rit” n'amuse pas ses contemporains, lors de la parution du livre Barbey d'Aurevilly, acerbe, écrit (pas sur babélio ça n'existait pas encore hein…) : “Il (Victor Hugo) coupe le fil à son récit et à ses personnages avec des dissertations abominables” … ce qui est un comble quand on sait à quel point le dandy normand aime à s'écouter gamahucher avec force amphigouris et prolégomènes au carré, il bave son encre sur des kilomètres de feuillets, mais c'est pour ça qu'on l'aime, n'est ce pas !

Néanmoins il est indéniable que cet ouvrage d'Hugo n'est pas qu'un roman. L'écrivain total, poète, romancier, dramaturge et essayiste a voulu en quelque sorte disserter par l'exemple, s'intéressant, sous le prisme de sa Noblesse, à l'Histoire de l'Angleterre, où il s'est exilé après avoir traité de nabot et de guenon Napoléon III (malaise…). Hugo historien vient manger le pain de Michelet ! Les familles aristocrates, les intrigues royales, les coutumes notabiliaires et l'exercice du pouvoir font l'objet de longues et énumératives digressions, laissant le lecteur sonné par l'énoncé de tant de patronymes facultatifs à la narration qui se retrouve quelque peu archipelisée… Histoire donc, mais aussi politique, Hugo le député, l'orateur, n'oublie pas son combat pour la démocratie c'est à dire l'égalité, l'Etat de droit ; c'est le système des castes, des classes qu'il veut démolir dans un discours à la chambre des Lords à la fois enlevé et lucide (dans l'accueil qu'il reçoit de l'auditoire), une leçon de rhétorique en direct pour le lecteur, par l'un des plus grands tribuns de son temps !

“L'éloquence est un mors ; si le mors casse, l'auditoire s'emporte, et rue jusqu'à ce qu'il ait désarçonné l'orateur. L'auditoire hait l'orateur. On ne sait pas assez cela.”

Vous commencez à comprendre qu'en dépit du nom du bouquin, l'Homme qui rit n'est pas spécialement drôle…vous voilà prévenus. Mais si vous avez le courage de poursuivre avec Hugo alors vous allez vous régaler car c'est une superbe aventure littéraire, avec quel éclat Hugo nous plonge au coeur du déchainement des éléments, comme dit la chanson “il y a des tempêtes et des naufrages” dans l'Homme qui rit !

"Victor Hugo n'est pas de la race des hommes, il est né des temps du dragon." écrivait son rival Sainte-Beuve. L'intrigue est résolument romantique, la tragédie grandiloquente, des marginaux dans leur solitude et leurs infirmités physiques ou sociales se réunissent, ils puisent ainsi la force dans le groupe, dans la noblesse (car la vraie noblesse, Hugo la place chez eux) et la pureté des sentiments qu'ils éprouvent les uns pour les autres. Des personnages machiavéliques, merveilleusement décrits, à l'image de Barkilphédro : “Il était habile à cet art qu'on appelle la suggestion, et qui consiste à faire dans l'esprit des autres une petite incision où l'on met une idée à soi.”

“La femme nue, c'est la femme armée.” le romantisme s'exprime encore dans une intrigue amoureuse un peu binaire : la pureté contre la tentation, la vertu contre le vice, la pâleur maladive, condamnée contre le pourpre et les baldaquins.

"L'Homme qui rit est supérieur à tout ce que Victor Hugo a écrit depuis dix ans. Il y règne un souffle surhumain” Emile Zola. Comme avec le personnage de Notre-Dame de Paris, Hugo joue sur le duo laideur/bonté, à contrepied des croyances crétines de son époque (et de la nôtre). Gwynplaine, le personnage principal est en effet affublé d'un triste sourire, scarification indélébile, génie littéraire que de créer ce clown triste au sourire sardonique, à la postérité mondialement connue sous les traits du fameux Joker de la bande-dessinée Batman, dont le sourire se transfigura en un rire retentissant dans les salles obscures avec le concours de Jack Nicholson, Heath Ledger ou encore Joaquin Phoenix…

“– Ne ris donc plus !
– Je ne ris pas, dit l'enfant.
Ursus eut un tremblement de la tête aux pieds.
– Tu ris, te dis-je.”

L'Homme qui rit est comme une bouteille à la mer, jetée par un comprachicos repenti, arrivera t-elle jusqu'à vos rivages…

Qu'en pensez-vous ?
Commenter  J’apprécie          11619
Ce livre fût pour moi un immense saut dans l'esprit hugolien. Ce roman est, je pense, une oeuvre irremplaçable de son oeuvre, qui remet en question beaucoup des principes établi du siècle de l'auteur. On s'attache forcément au personnage, tant Hugo nous les décrit. Leur désespoir, leur mort, leur joie, leur amour, on le ressent, on le comprend. Ce livre nous fait comprendre de ces choses que l'on pense mystérieuse, et nous permet une véritable avancée dans notre appréhension de l'esprit humain. En plus du savoir qu'il nous apporte, L'homme qui rit est un véritable puit de ressources et de connaissances, qu'Hugo nous partage. J'avise les futurs lecteurs de prendre leur temps, et de faire des recherches régulièrement sur les mots, où les personnages historiques cités qu'ils ne connaissent pas. Vous ressortirez de votre lecture avec une culture bien élargie.
Un livre à lire, pour tout amateur du style Hugolien et de sa poésie. Un livre à lire, pour tout curieux des méandres de la sagesse et des émotions humaines. Un livre à lire, pour tout philosophe. Un livre à lire, pour tout amoureux.
Commenter  J’apprécie          10
A l'heure où j'écris ces lignes difficile de donner un nombre défini « d'étoiles » à ce livre, déjà parce que le système me déplait de plus en plus et surtout parce que la lecture me laisse sur de nombreuses questions et une véritable difficulté à savoir exprimer mon avis avec clarté et assurance.
Par où commencer ? Disons que L'Homme qui rit est une oeuvre complexe, et c'est peu de le dire. Elle est complexe déjà par le style hugolien qui ici ne semble s'embarrasser d'aucunes barrières : l'histoire, l'intrigue est ainsi dissolue dans un livre qui se laisse davantage aller à la digression qu'aux rebondissements. le style est assurément épique, flamboyant tout en étant aveuglant. J'en suis ressorti comme soufflé et essoufflé. A titre d'exemple prenons par exemple les longues digressions sur le fonctionnement de la monarchie et notamment le système de pairie au Royaume-Uni (fascinant…ou exténuant) ou les discours emportés, furieux d'Ursus et qui peuvent parfois tenir sur plusieurs pages, rendant ces élucubrations entêtantes (ou assommantes, encore une fois c'est selon…).
La complexité vient également (mais c'est en soi une continuité de mon propos précédent) de la structure même de cette oeuvre, de sa construction : qu'avons-nous devant nos yeux ? Un roman ? Oui, il y a bien une intrigue mais celle-ci pourrait finalement tenir sur bien peu de pages (et c'est bien le cas : au bout de 300 pages l'histoire n'en est encore qu'à ses balbutiements). Un ouvrage théorique/un essai ? C'est possible, même s'il s'agit parfois davantage d'un pamphlet hugolien ou de longues listes d'érudition historique. du théâtre ? Oui, mais sous la forme d'un roman. de la poésie ? Oui, mais en prose et surtout lorsqu'il s'agit d'évoquer le couple phare du roman. Bref, l'oeuvre est bâtarde, contrastée. C'est d'ailleurs le fond même du roman, qui ne cesse de proposer des antithèses et d'opposer des mondes, des personnages entre eux : la « haute » contre le peuple, la monarchie contre la république, Dea et Josiane, Dieu et Satan… Tout n'est que lutte permanente, aussi bien dans le récit que dans sa forme même.
D'où ma perplexité : si vous désirez lire un récit captivant, gare à vous : L'Homme qui rit laisse un goût d'inachevé malgré ses huit cents pages. Vous voulez une plongée dans l'Angleterre du XVIIe ? Oui, c'est érudit, mais cette plongée sera entrecoupée d'une histoire romantique bien trop naïve (poussive même). Il me semble donc que ce livre s'adresse avant tout aux « fans » d'Hugo, à ceux qui veulent en savoir plus ou du moins retrouver la verve et l'esprit de l'auteur des Misérables : toutes ses idées semblent se réunir ici dans un livre monstrueux.
Commenter  J’apprécie          70
Sourire en coin, façon Joker, Gwynplaine ne hante pas les rues de Gotham City pour chasser de la Chauve-souris mais l'Angleterre de la fin du XVIIe et début du XVIIIe siècle. J'écris en chiffre romain puisque certains musées voudraient les supprimer pour simplifier la lecture des visiteurs. Pourquoi ne pas dégenrer monsieur Patate tant qu'on y est ? Ah, ils vont le faire aussi. J'abandonne.
Enlevé par les Comprachicos, qui ne sont pas des guitaristes manouches mais des personnes au CV peu recommandables puisqu'ils mutilaient des enfants pour les revendre dans les foires, Gwynplaine est secouru et élevé par Ursus, un saltimbanque philosophe après avoir été abandonné par ses ravisseurs. L'amuseur possède un chien-loup appelé malicieusement Homo.
Défiguré au scalpel, Gwynplaine grandit dans une roulotte auprès de Déa une jeune fille aveugle et d'une grande beauté. Les deux enfants sont inséparables et tombent éperdument amoureux. A la différence de Quasimodo et d'Esméralada, Déa ne peut voir le monstre et tombe sous le charme de son humanité. La belle s'éprend de la bête.
Gwynplaine constitue l'attraction principale des spectacles joués par sa petite troupe. Nul nez rouge, puces savantes ou numéro de jonglage, son sourire monstrueux suffit à attirer les foules et sa notoriété finit par attirer la curiosité de l'aristocratie.
Comme il s'agit de Victor Hugo, les choses tournent mal. Si femme qui rit à moitié dans son lit, l'homme qui rit, comme la vache, finit plutôt à l'abattoir de l'histoire. Ecrit pendant son exil à Guernesey, la météo locale et ses humeurs politiques lui inspirent ce drame baroque qui tient plus de l'opéra ou du théâtre que du roman. Hugo n'écrit pas ici des chapitres mais des actes, tant sa puissance d'évocation grave chaque scène dans l'esprit du lecteur. le génie Hugolien mixe histoire et poésie, drame social et philosophie. Au-delà de son goût pour les monstres, le poète est impitoyable avec l'aristocratie et il dénonce une nouvelle fois la peine de mort et les errements de la justice.
Gwynplaine va découvrir qu'il est de noble ascendance et va siéger à la chambre des Lords mais il est éloigné de Déa. Moqué par ses pairs lors d'un discours d'anthologie qui met en cause l'aristocratie, ses privilèges et sa capacité à maintenir son peuple au régime, il fuit ses titres pour retrouver Ursus et sa belle dans un dénouement tragique.
Les descriptions sont parfois interminables, les titres des lords sont énumérés sur plusieurs pages comme si l'auteur organisait des entractes entre des scènes à forte intensité dramatique… et pour permettre à son lecteur de faire des pauses pipi car le livre fait quand même 800 pages. Mais quel style ! Sous sa plume, les personnages fricotent toujours avec le mythe et le ton grandiloquent, ridicule chez certains, se mue en séance d'hypnose ici.
Echec public à sa sortie, peut-être lié à un trop plein d'intentions, « L'homme qui rit » n'est pas le plus lu des romans de Victor Hugo, ni le mieux structuré, mais les discours d'Ursus, la scène du naufrage et celle du gibet en début de roman mériteraient un classement à l'Unesco. Pourquoi pas des mots puisqu'il est question d'y classer la baguette de pain ou certains fromages ?
Une histoire qui ne prête pas à sourire.

Commenter  J’apprécie          1159





Lecteurs (5451) Voir plus



Quiz Voir plus

Victor Hugo (niveau facile)

Lequel de ces livres n'est pas de Victor Hugo ?

Les Misérables
Notre-Dame de Paris
Germinal
Les Contemplations

10 questions
1239 lecteurs ont répondu
Thème : Victor HugoCréer un quiz sur ce livre

{* *}