Wouch !
C'est fou le panache que met Huysmans à décrire bassesse et veulerie chez l'humain ! Bon je dis ça parce que j'ai fini sur "Le dilemme" qui est sacrément glauque, cynique, noir et tout ce qu'on veut dans ce sens-là.
J'en trouve en plus l'écriture étonnamment moderne; bourrée de dialogues, de pensées des protagonistes on ne peut plus "tangibles". J'y retrouve curieusement un ton de "Maupassant", ce me semble, dans cette sombre histoire. Voilà pour le Dilemme, qui est une bien triste histoire de pingrerie de vieux schnocks uniquement préoccupés d'eux-mêmes...
Pour "le drageoir aux épices", et ses poèmes en prose, c'est juste incroyable, ces "peintures en mots". Outre qu'on y détecte un humour omniprésent (l'ode au hareng saur, il faut le faire quand même) (et sous forme de cynisme souvent), on trouve une plume élégante, ou gouailleuse selon les cas, un style d'une richesse inouïe, servis par un sens de l'observation au scalpel.
Un auteur "classique" (mais si peu classique finalement) que je ne connaissais pas, qui gagne à être connu, et dont je lirai sans aucun doute d'autres oeuvres d'ici peu ! Cette fois j'adresse un grand merci à Joualvert d'avoir attiré mon attention sur lui.
Je n'ai pas parlé de "pages retrouvées" : en fait, ce ne sont que des descriptions. De Paris pour la première, de Bruxelles pour la seconde. Pas ce que je préfère chez les auteurs en général, même si, ici, ça fait à peu près le même effet de lire celle de Paris que quand on regarde les toutes premières photos de Paris... C'est un peu comme si on lisait de la SF ! ;)
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Sonnet liminaire
Des croquis de concert et de bals de barrière;
La reine Marguerite,un camaïeu pourpré;
Des naïades d'égout au sourire éploré,
Noyant leur long ennui dans des pintes de bière;
Des cabarets brodés de pampres et de lierre;
Le poète Villon, dans un cachot, prostré,
Ma tant douce tourmente, un hareng mordoré,
L'amour d'un paysan et d'une maraîchère :
Tels sont les principaux sujets que j'ai traités :
Un choix de bric-à-brac, vieux médaillons sculptés,
Émaux, pastels pâlis, eau-forte, estampe rousse,
Idoles aux grands yeux, aux charmes décevants,
Paysans de Brauwer, buvant, faisant carrousse,
Sont là. Les prenez-vous ? A bas prix je les vends.
Tes amis ne t'écoutent pas. Ils sont à la taverne, sous les tresteaux, ivres d'hypocras, crevés de mangeailles, inertes, débraillés, fétides, couchés les uns sur les autres, Frémin l'étourdi sur le bon Jehan Cotard qui se rigole et remue les badigoinces, Michault Cul d'Oue sur ce gros lippu de Beaulde.
(Dans "Le drageoir aux épices")(Ce fou-rire...)
Singulièrement circonspect lorsqu'il s'agissait d'obliger un ami, Maître Le Ponsart n'eût pas prêté la plus minime somme à l'aveuglette, mais plutôt que d'avancer cent sous à un camarade mourant de faim, il eût, en admettant qu'il ne pût se dérober à ce service, offert de préférence à l'emprunteur un dîner de huit francs, car il prenait au moins sa part du repas et tirait un bénéfice quelconque de sa dépense.
(Dans "Le dilemme")
IX. Le hareng saur
Ta robe, ô hareng, c'est la palette des soleils couchants, la patine du vieux cuivre, le ton d'or bruni des cuirs de Cordoue, les teintes de santal et de safran des feuillages d'automnes !
Je crois te voir, ô Villon, l'hiver, alors que le glas fourre d'hermine les toits des maisons, errer dans les rues de Paris, famélique, hagard, grelottant, en arrêt devant les marchands de beuverie, caressant, de convoiteux regards, la panse monacale des bouteilles.
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