La liberté dans l'évolution : Le vivant comme sujet

J'avais lu il y a déjà quelques années un autre livre de cet auteur "Le monde des êtres vivants", attiré par le côté non conventionnel des thèses de l'auteur et, il faut l'avouer, la touche d'exotisme asiatique qui teinte ce livre. J'ai donc acquis ce livre, conseillé de plus par ma libraire (Millepages à Vincennes), qui, régulièrement, compile des ouvrages pourtant sur un thème choisi (ici, l'environnement). Bien mal m'en a pris , plus de vingt ans d'études scientifiques, de travail dans les sciences (recherche et enseignement) et un master en épistémologie m'ont ouvert cruellement les yeux. (Au passage, je précise que Millepages a aussi conseillé, lors de ce thème sur l'environnement, "Perdre la Terre" de Nathaniel Richter, un ramassis d'absurdités scientifiques; comme quoi, messieurs et mesdames les libraires, si vous n'y connaissez rien, ne conseillez pas...). Imanishi Kinji, dans cet ouvrage, défend sa thèse de l'écospécie : rien n'arrive au hasard, les espèces changent car elles doivent changer pour s'adapter à leur environnement. Cette thèse remet en cause l'évolution darwinienne. Oui mais... L'auteur accuse l'Occident de rejeter ces thèses sans raison car elles viennent d'Asie et non d'Occident. Or, il fait exactement pareil en rejetant la notion de hasard : issu d'un peuple aux traditions animistes, il se refuse, par principe et sans justification, d'accepter le hasard ; tout a une raison d'être pour rétablir les équilibres (c'est le principe des feng-shui et autres traditions et dérivés animistes). Premier problème. Par ailleurs, l'auteur, à l'époque de ces écrits, n'avaient pas accès aux expériences qui ont lieu ensuite en microbiologie, en biologie moléculaire, ainsi qu'aux découvertes en anthropologie, en paléontologie et en évolution. Ainsi, l'auteur déclame que la vie n'évolue pas facilement (contraire aux hauts taux de mutations observées chez les bactéries et autres espèces unicellulaires et contraire aux expériences de dérive génétique effectuées chez la drosophile et les Escherichia coli, notamment, qui montrent que des populations isolées au même patrimoine génétique, soumises aux mêmes conditions environnementales, évoluent aléatoirement et rapidement, voire disparaissent), que les espèces ont un but (théorie finaliste selon laquelle les individus constituant l'espèce tendent tous vers les mêmes modifications de leurs caractères ; comment ? c'est un mystère, Kinji ne l'explique pas mais on sent poindre des caractéristiques animistes, des histoires de flux, d'énergie, etc) et que les humains ont eu une évolution linéaire et non buissonnante (contraire aux données paléontologiques et génétiques récentes, qui montre de nombreuses coexistences d'espèces humaines et des hybridations). Que l'auteur, dans le contexte de l'époque, puisse dire cela ne me gêne pas. Ce qui me gêne, c'est la responsabilité de la maison d'édition qui, jamais, ne remet les propos de l'auteur dans le contexte historique. Jamais il n'est dit au lecteur que les données scientifiques actuelles ne valident pas ces thèses. Pire : les propos de l'auteur sont validés par quelques articles scientifiques, mais qui datent au mieux du début des années 2010 alors que le livre est édité en 2022 (en dix ans, il y en a eu des découvertes scientifiques !!!), voire des propos mensongers (dire qu'il est connu et validé que Néanderthal et Sapiens ne sont pas hybridés est totalement mensonger ; c'est le contraire qui est validé par la génétique : quasiment tous les Européens ont de l'ADN Sapiens et de l'ADN Néanderthal ; ce n'est pas le cas des autres populations car, tout simplement, Néanderthal vivait quasi exclusivement en Europe...). Bref, ce livre pourrait être intéressant pour étudier une théorie dans un contexte historique particulier. Mais l'éditeur a choisi de la présenter comme une thèse tout à fait plausible que les Occidents ont sciemment oublié, sans aucun rectificatif et sans aucun garde-fou. du coup, l'ouvrage dans cette édition est bon pour la poubelle car il ne vaut rien scientifiquement. Voire il permet la circulation d'idées fausses (ah, ces fake news...)