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EAN : 9782070292769
160 pages
Gallimard (27/11/1975)
4.31/5   8 notes
Résumé :
"Ce recueil contient tous les poèmes de Jacque Dupin postérieurs à 1969. Dehors se compose de deux parties violemment antithétiques. Le Cri est une poésie abrupte, violente, Le Calme qui lui succède apporte une éclaircie. Ces poèmes en prose ou cette prose poétique éclate et s'organise en vers libres. Puis, à mesure que le livre avance, les poèmes se déchiquettent et semblent mangés de silence et de blanc".
(Bulletin Gallimard, nov. -déc. 1975.)
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

Avec celle d'autres poètes, à chaque fois que je reviens vers l'oeuvre de Jacques Dupin, elle suscite toujours autant ma curiosité.

Dans les nombreuses parties qui composent Dehors, le poète expérimente de multiples formes d'écriture (textes en prose, quatrain, poèmes de structure libre ou en un seul vers, etc.).

Mais le plus intéressant chez Jacques Dupin, une constante dans son oeuvre, c'est ce qui sous-tend son écriture, ce qui la structure. Dans ses poèmes, ce qui est dit n'est jamais rapporté à une origine précise, à une situation ou à un sujet déterminé. L'esquisse d'un lieu, d'un paysage, d'une présence, reste en l'état, comme suspendu. Ainsi, dans ce texte :

« Corps décapité d'un seul
l'humus, l'ondée, les feuilles,
l'éclaircie,
d'autres sentes, la forêt,
des feuilles obscures jetées
contre une épaule,
la lumière...

Qu'il se dresse, un corps sans limites,
même le sien, sa déchirure
ravaudée,
l'air siffle
entre ses genoux,
l'écart faiblit, le souffle
tant qu'il traversera ma main...

quelques mots désaccordés
pour mourir » *

La phrase est comme une mise en relation de diverses choses vagues, à peine construites, divergentes, nébuleuses. Elle n'a pas d'ancrage, pas de référence stable, de sujet identifiable, qui soit celui d'un monde reconnaissable. Tout paraît déconstruit, laissé là, à l'abandon.

Dans la poésie de Dupin, il n'y a pas la logique de l'identité, de la subjectivité, de l'ici comme centre de tout. Tout le travail d'écriture se déplace, se met en dehors de la pensée agissante. L'ailleurs de l'écriture, ne se confond pas avec ce qu'elle montre, avec ce qu'elle désigne ou signifie.

Chez Jacques Dupin, la poésie ne semble pouvoir exister que par le double mouvement de la destruction et la (re)création de la parole. Il apparaît comme sa condition. La poésie, pour exister, a besoin d'un vide, d'une vacuité. L'indéterminé, l'incohérence, l'informel sont chez Jacques Dupin des puissances vitales, créatrices du poème. Souvent dans ses textes, on trouve des nuances qui agissent comme des forces contraires, alliant la douceur et l'âpreté au creux des choses :

« chaque infime tassement de vertèbres
t'illumine

ni affres ni pullulement ta pensée

une macération de signes
dans l'oubli la chaux

puisqu'en la respirant
je t'opprime

comme en amour on quitte
une illusion

de territoire

l'intégrité d'un arôme
ingénu

et mutilant »

La poésie de Jacques Dupin a quelque chose en soi qui interroge, qui déconcerte. Elle ne répond pas aux questions, elle ne prétend à rien, elle ne fait que déposer la matière brute des choses, d'une présence, les multiplier, les déplacer, à l'écart de notre subjectivité, de notre rapport au monde et à la langue.

Ce déplacement à l'écart de notre subjectivité est une force créatrice qui nous rappelle que le langage est d'ici, mais aussi d'ailleurs, qu'il est au-dedans de nous mais aussi tout à l'écart, fascinant.

« Il n'y a pas de fin, tout peut reprendre, s'écrire, s'enchaîner : le cri, le calme, le dehors... »

.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Malevitch



Extrait 1

Fatal   /  comme en un glissement pur violent    /
premier visage   diagone

percer ce rempart   et jaillir   /  que le rouge et
le blanc s’affrontent  /  et s’annulent
                            que le noir coupe
le blanc   /  et que le blanc revienne du bord  / ou
de l’absence de limites  /  compact signifiant
                               que les
couleurs écrasées s’éteignent se retirent  /  nous han-
tent désormais comme exclues de l’œil
                            infaillible
                                 tirent
et recoupent  /  l’énergie dont il tremble lui de re-
naître  /  de se voir  /  encore /  le plus puissant
peseur de traces parmi l’abstraction de mon corps
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[...] le poème ressaisit, et transporte, au-delà de leur compréhension, son excessive lumière échancrée. Il demeure, pendant son reploiement, l'axe du renversement du réel, la puissance de dislocation qui féconde. Et relance...


(extrait de " Le soleil substitué ").

.
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Si près, cette nuit, de l’étouffement pur et simple entre quatre murs, entre deux montagnes, si près de sortir, d’être hors de soi, d’échapper à la morte distinction du dedans et du dehors, [..], d’être soulevés et brisés, d’être désunis, de changer de corps…

entre deux draps d’eau torrentielle, parmi les nuages rapides, mais la face contre terre, allant et dérivant, subissant l’attraction de l’absence de centre, jouissant d’un allégement inconnu…

nous sommes le non-lieu et le non-objet d’une gravitation de signes insensés. Des forces que nous ignorons, se heurtent, se composent, écroulant les vestiges, pans de murs, troncs foudroyés, lettres mortes, — et font monter le fond et ce que le fond retient et brasse, — et délivrent l’espace du travail nouveau…

Nous sommes le non-lieu et le non-objet de leur élan destructeur, le champ dévasté de leur conjonction et de leur divergence. Gisement à ciel ouvert. Espace de la douleur et de la chance parmi lequel, pour le dissimuler, s’élève encore, en reformant une durée absurde, l’encre du nuage, l’ébauche d’un texte impersonnel, — le commencement d’un corps éjecté de sa trajectoire.
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Videos de Jacques Dupin (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacques Dupin
Jean Frémon La Blancheur de la baleine éditions P.O.L où Jean Frémon tente de dire de quoi et comment est composé son nouveau livre "La Blancheur de la baleine" à l'occasion de sa parution aux éditions P.O.L et où il est notamment question de Michel Leiris, David Hockney, Emmanuel Hocquard, Bernard Noël, Alain Veinstein, Etel Adnan, Louise Bourgeois, Jannis Kounelis, Jacques Dupin, Claude Esteban, Samuel Beckett, Marcel Cohen, Jean- Claude Hemery, Jean- Louis Schefer, David Sylvester, Edmond Jabès à Paris le 2 février 2023
"Ce sont des écrivains, des peintres, des sculpteurs.
Aventuriers de l'impossible. Ce sont des bribes de leurs vies. Tous des chercheurs davantage que des trouveurs. J'ai eu le privilège de les côtoyer. Ce qu'ils poursuivent est ce qui toujours se dérobe. La grâce est une fieffée baleine blanche."
+ Lire la suite
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