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4,09

sur 798 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Les 80 premières pages m'ont permis de décider si je parviendrais à supporter les digressions incessantes de l'auteur et ses multiples niveaux de parenthèses. Je me suis habitué et j'ai beaucoup apprécié le travail de recherche de Philippe Jaeneda. J'avais lu "je vous écris dans le noir" de JL.Seigle et je dois reconnaître avoir beaucoup plus appris dans ce roman sur cette affaire et sur son contexte.
Un bon roman très complet avec des digressions utiles sur le contexte de la guerre ou le contexte social et judiciaire des années 50 mais dans lequel les petites histoires personnelles de l'auteur n'apportent rien.
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Une pointe de Truman Capote, un dose de Norman Mailer (voire de Dos Passos) et un zeste de Hunter H. Thompson: voilà, vous avez un Jaenada!

Alléchant? Oh que oui!

Philippe Jaenada s'empare du faits divers avec talent, sensibilité et une bienveillance qui manque cruellement au monde actuel. Jaenada prend son lecteur par la main et lui raconte son histoire: comment il a écrit ce livre, et pourquoi.

Cette narration, très personnelle, faite de digressions sur la vie de l'auteur, a pour effet d'impliquer totalement le lecteur, suspendu aux lèvres de l'écrivain tout au long de ce très gros roman, lequel connait quand même certaines longueurs qui ne nuisent pas pour autant à ses mérites.

Dans La petite femelle, Jaenada revient sur un fait divers qui a marqué son époque, l'histoire de Pauline Dubuisson qui, en 1951, tua son ancien amant Félix Bailly de trois coups de revolver.

Nous sommes dans l'immédiat après-guerre, la presse flaire le sang lorsqu'elle apprend que Pauline est une "pute à boches", et lâche les fauves aveuglés de haine, emplis d'un besoin de vengeance cathartique, sur la petite femelle.

La hyène, la salope. Une misérable petite putain. Une fille sans âme, une garce, un monstre. Une meurtrière qui a tué plus qu'un homme, qui a tué la pureté. Mauvaise, féroce, perverse, diabolique, insensible, amorale, tous ces mots lui ont été appliqués, plutôt jetés dessus, dans la presse et dans les rues, partout en France. Madeleine Jacob, chroniqueuse judiciaire sans pincettes ni scrupules, a écrit dans Libération (le journal qui a été créé dans la clandestinité en 1941 et a couvert l'après-guerre jusqu'en 1964, pas celui de Sartre et July) : « Orgueilleuse, obstinée, sensuelle, égoïste, méchante et comédienne. Tout cela se lit au premier regard sur le visage pâle, émacié, de Pauline Dubuisson. »

A cette vague nauséabonde, Jaenada répond:

C'est bien, de se contenter du premier regard, Madeleine, ça évite de perdre du temps avec les traînées dans son genre.

Le ton est donné, Jaenada s'est fixé une mission: comprendre.

Et pour ce faire, il rouvre l'enquête. Minutieusement, à tâtons, il va fouiller l'histoire (absolument passionnante) de Pauline, de son enfance à son décès. Point par point, il va reprendre l'enquête policière, en démontrer les incohérences, les non sens, les erreurs, et ce qui est terrifiant, c'est qu'il ne fallait pas moins de 700 pages pour en faire la liste.

Il va analyser les minutes de ce procès bâclé qui s'est déroulé dans un climat de tension intolérable, sous les assauts conjoints de la populace et de la presse qui auront raison de la Justice, et dont le seul mérite aura été de faire prendre la Robe à un tout jeune homme: Jacques Vergès.

Pauline est une héroïne tragique. Fragile, victime d'une éducation défaillante, elle se construit en temps de guerre. Elle a tué, c'est certain, Jaenada ne prêche pas l'absolution, mais demande Justice pour celle qui est devenue à ses dépens, le symbole de ce qu'un pays brisé, peinant à se révéler, doit oublier.

Et Pauline va payer, plus que de raison. Elle paiera pour sa dignité, sa modernité, son refus de de soumettre ou de justifier ses choix de vie.

Jaenada souligne l'abjection de ces emballements médiatiques populistes qui sacrifient l'humain pour amuser la foule, folie répugnante décuplée avec l'apparition des réseaux dits "sociaux" , encore aggravée par l'impunité de l'anonymat.

Jaenada en appelle à la raison, à l'humanité des lecteurs.

Raphaëlle Leyris a écrit dans le Monde:

La Petite Femelle est le récit d'une chute (...) la beauté du livre tient au fait que le geste de l'écrivain consiste à se pencher vers elle pour l'aider à se relever

Au final, je ne pense pas pouvoir mieux dire.

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Le fait divers, associé au sensationnalisme, au voyeurisme, à l'indiscrétion, a longtemps eu à mes yeux une connotation négative, sordide. Je réalise à présent que l'image que j'en avais était davantage fondée sur la manière dont les médias l'exploitent que sur le fait divers lui-même, tranche de vie dont la dimension inhabituelle suscite naturellement la curiosité, mais pas seulement... La littérature, en s'emparant régulièrement du fait divers (parmi mes lectures de ces dernières années, je pense notamment aux affaires Génovèse, évoquée ICI et LA, Manson, ou encore Perrais), démontre souvent qu'il est par ailleurs révélateur du contexte culturel, social, historique d'une époque et d'un lieu.

Philippe Jaenada, après s'être penché sur la personnalité du célèbre braqueur Bruno Sulak, s'intéresse ainsi à l'affaire Dubuisson, qui défraya la chronique au début des années 50. Pauline Dubuisson, étudiante, a tué son ex petit ami en lui tirant dessus à trois reprises. Lors de son procès, elle sera présentée comme un monstre, une femme sans coeur ayant fraternisé avec l'ennemi pendant la guerre, une femme vénale aussi, dépitée d'avoir laissé passer sa chance d'épouser un gentil garçon de bonne famille et promis à un brillant avenir...

En reprenant chaque détail de l'enquête, en décortiquant les rapports, les témoignages, les dépositions, les plaidoiries, les articles de presse, dont il analyse chaque élément sous un nouvel éclairage, Philippe Jaenada lui rend l'humanité qui lui a été volée, déchire l'image du monstre pour faire apparaître celle d'une jeune femme à la personnalité complexe, qui abritait sous sa carapace des fêlures menaçant à chaque instant de l'engloutir.

Il revient sur son enfance et sa jeunesse, son éducation par un père qui pense reconnaître chez sa fille le fort tempérament et les capacités dont il se prévaut lui-même. Il place en elle l'espoir de l'élever à un niveau d'éducation et d'intelligence hors du commun. Il engage une préceptrice à domicile jusqu'à son entrée au collège, et lui enseigne des valeurs morales et philosophiques inspirées de Nietzsche : la vie étant un combat, il convient pour le gagner de maîtriser ses émotions en toutes circonstances, de viser l'excellence, et, en cas d'échec, de savoir tirer sa révérence...
La mère, éternelle dépressive, est inexistante. Pauline a également deux frères aînés, trop "médiocres" pour capter l'attention paternelle, et dont son préféré, parce qu'il est "le seul être léger de la famille", meurt, jeune, dans un accident. Alors âgée de neuf ans, elle est dévastée par cette disparition...

Pendant l'occupation, les Dubuisson restent à Malo, près de Dunkerque, plongée dès le début de la guerre dans une atmosphère apocalyptique (car bombardée par l'ennemi lors de la célèbre évacuation des forces britanniques qui y ont battu en retraite, prises en étau par l'armée allemande) et qui sera l'une des dernières villes françaises à être libérée, ayant été transformée en place forte par une garnison allemande. le père de Pauline entretient un commerce florissant avec l'occupant, chargeant sa fille alors adolescente et déjà très attirante de missions régulières auprès de ses nouveaux clients. Elle finit par avoir une aventure avec d'eux d'entre eux ; elle ne le sait pas encore, mais ces épisodes contribueront à sa chute...



Car lors de son procès, c'est un véritable acharnement que subira Pauline, chaque élément de son passé sera réinterprété de manière à démontrer son caractère perverti, au besoin certains témoignages seront remaniés, l'accusation se fendant même de quelques mensonges que l'avocat de la défense, davantage préoccupé de la rédemption de sa cliente que de lui rendre justice, ne prendra guère la peine de démentir... aucune circonstance atténuante ne lui sera accordée -la possibilité même n'en sera pas abordée-, les déclarations contredisant sa nature soi-disant intéressée, froide et malveillante seront occultées.

Philippe Jaenada, à l'inverse, s'attache au contexte dans lequel a grandi Pauline, et va même plus loin, en adhérant à la version de la jeune femme, qui évoque, pour expliquer la mort de son ex fiancé, un accident. Il nous livre ainsi un portrait de femme rendu bouleversant par la tendresse et le respect avec lesquels il investit l'histoire de sa vie, insistant sur l'injustice avec laquelle elle a été d'emblée condamnée par une société au sein de laquelle elle n'avait pas sa place... Car Pauline se voulait avant tout une femme libre et indépendante, s'investissant dans des études de médecine à une époque où l'ultime réussite de la femme consiste à faire un beau mariage puis à s'occuper de ses enfants.
Là où ses juges -qui attendent d'une femme des pleurs et des supplications (d'où vient donc cette bougresse qui ose garder la tête haute ?)- ont vu mépris et froideur, il voit la dignité et la fierté que lui a inculqué l'éducation paternelle. Il sonde, sous sa discrétion et son apparente indifférence, sa détresse et sa solitude. Il lui rend son intégrité, le droit d'avoir été amoureuse, sincère, altruiste.

Et tout cela en faisant montre d'un véritable talent de conteur, capable de rendre passionnant le siège de Dunkerque, de mêler Histoire et anecdotes en une parfaite osmose, truffant son texte de digressions, de commentaires souvent drôles, assumant un parti pris communicatif pour cette petite femelle qu'il a su rendre inoubliable.

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On ne gagne pas à tous les coups...

La Serpe m'avait retournée comme une crêpe, instruisant à charge puis à décharge contre Georges Arnaud, et emportant très brillamment la mise: une réhabilitation sans faux-pli de son héros.

Sulak vient de me conquérir sans la moindre résistance et je voudrais qu'on pût remonter le cours du temps et rectifier les terribles pas de côté de la scoumoune pour redonner à sa vie la trajectoire sans accroc de funambule au grand coeur qu'il aurait méritée, et lui éviter la fin funeste qui a été la sienne.

Bref, voilà deux fois que Jaenada réussit haut la main dans deux romans-fleuves-enquêtes à me subjuguer par sa documentation, me convaincre par sa logique exigeante et m'embobeliner dans son ironie irrésistible, ses parenthèses poilantes dans lesquelles sa petite vie dérisoire et attachante emboîte le pas à celles, illustres, qu'il entreprend de débrouiller. .

C'est dire si mes attentes étaient gigantesques en lisant, après tout le monde, La petite femelle , le livre qui l'a rendu célèbre auprès du public..

Je n'avais pas très envie de le lire, après l'excellent Je vous écris dans le noir , de Jean-Luc Seigle, qui portait sur le même sujet: la vie de Pauline Dubuisson, tondue à 20 ans, en 1945, condamnée en 1953 pour le meurtre -ou l'assassinat?- de son amant et morte par suicide en 1963, à 36 ans.

Ce n'était pas le Jaenada de trop, rassurez-vous: j'aime toujours autant le bonhomme, le styliste inimitable qu'il est, j'aime toujours qu'il essaie sans désarmer de réhabiliter les maudits, les incompris, de faire comprendre les introvertis , les taiseux, de confondre les idées préconçues, de demonter les mauvais procès et de faire éclater au grand jour les erreurs judiciaires.

Mais cette fois-ci, il ne m'a pas entièrement convaincue. Pourquoi?

D'abord c'est trop long, trop appuyé, trop répétitif et même décentré telle la fin, avec ces biographies successives (et peu succinctes ) des co-détenues de Pauline, au moment le plus pathétique, celui où, pour la dernière fois, la jeune Pauline repart au combat, à sa sortie de prison et tente une nouvelle vie- une veritable faute de composition.

Non que toutes les digressions soient inutiles: j'ai adoré toute la reconstitution de la vie à Dunkerque sous l'occupation, dont j'ignorais les particularités- à l'exception de l'éprouvante bataille qui vit l'embarquement tragique des Anglais- . Autant j'ai trouvé cette digression indispensable à la compréhension de l'intrigue et à celle des choix de la toute jeune Pauline dans cette "poche"funeste de Dunkerque - autant les longueurs et les interminables mises au point sur le procès de 1953 , certes inique et scandaleux, avec le trio infernal Floriot-Lindon-Jadin comme des Erinnyes vengeresses accrochées à leur proie, finissent par jouer à contre-emploi et à fatiguer la bienveillance du lecteur - par un étrange retour de balancier de ce qui s'est produit au procès, où tant d'acharnement a fini par paraître suspect...

Troisième raison de mon bémol: Pauline elle-même, plus difficile à faire aimer que le pudique Georges Arnaud, ou le flamboyant Bruno Sulak, avec toutes ses ombres, tous ses silences, toutes ses ambiguïtés.

Jean-Luc Seigle a, d'une certaine façon, tourné la difficulté de la défense de Pauline en lui donnant la parole et en se fiant à la fiction de ce point de vue interne où l'écrivain rêve son héroïne plus qu'il ne la connaît.

Jaenada, lui, répugne à faire appel à la fiction : sa défense se veut objective, fondée sur les faits...mais ceux-ci semblent lui résister, tant l'héroïne a de facettes contradictoires-qui sont autant de titres de chapitres, jolie trouvaille, d'ailleurs, mais qui en dit long , je trouve, sur sa propre difficulté à cerner Pauline...- de ce fait on a l'impression qu'il piétine, qu'il ressasse, qu'il a du mal à être clair....

C'est ce que j'ai ressenti souvent, dans la partie consacrée au procès, où même les parenthèses amusantes sur les déboires sentimentaux ou la passion pour les saucisses de l'auteur m'ont paru non plus d'hilarants apartés entre lui et nous, mais de pesantes et épuisantes diversions...

Reste un beau portrait de jeune fille, nuancé, et complexe- voyez les titres des chapitres en table des matières!- née trop tôt, dans la mauvaise famille et au mauvais moment, figure moderne et tragique d'une liberté de choix refusée aux femmes, fussent-elles de ravageuses petites femelles...


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L'histoire de Pauline Dubuisson, criminelle par passion, est disséquée minutieusement par l'auteur pendant plus de 700 pages. Sa jeunesse en eaux troubles à Dunkerque, dans les années 40, la désigne de fait comme une femme sans vertu, immorale, voire dangereuse. le reste, c'est-à-dire sa relation amoureuse et tortueuse avec Félix, la victime, ne viendrait que confirmer la personnalité trouble de Pauline et donc sa capacité à tuer de sang froid. L'auteur veut nous convaincre du contraire; il épluche les procès-verbaux, les articles de presse, les compte-rendus judiciaires, les lettres personnelles pour nous présenter une autre femme, perturbée par une éducation sans sentiment, rigide, dédiée à la réussite. Si elle n'est pas innocente, elle n'est pas non plus à accabler; il lui trouve nombre de circonstances atténuantes et cherche à réhabiliter sa mémoire.
Si le début du roman/biographie passionne, la redondance des faits et de leur dissection fatigue un peu. Dommage.
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La vie tragique de Pauline Dubuisson : une enquête en extrême profondeur menée de main de maître de l'humour noir incisif.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2017/11/14/note-de-lecture-la-petite-femelle-philippe-jaenada/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Merci monsieur Jaenada d'avoir secoué ma vie. merci Pauline, bien malgré toi, de m'avoir fait monter des larmes à mes yeux. Merci !
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Un soir d'automne particulièrement pluvieux, devant une cheminée, une bonne bouteille disons de Crozes-Hermitage, on s'installe avec le pote Philippe qui va nous raconter une drôle d'histoire. Une histoire vraie, qui a défrayé la chronique.

Pauline Dubuisson a été condamnée aux travaux forcés à perpétuité en 1953 pour avoir tué son ex-amant, Félix. Pauline a été dressée par son père à tout encaisser sans broncher, a couché très jeune avec des allemands sous l'Occupation, a fait de brillantes études pour devenir doctoresse, a toujours été libre mais, tragiquement (on pourrait penser à Phèdre mais on s'abstient parce que « Racine peut susciter la fatuité » – j'ai enfin réussi à caser cette splendide phrase de Nathalie Azoulai, ça m'aura pris près de deux ans), s'est convaincue être amoureuse de son amant Félix qui l'a quittée après s'être vu refuser trois propositions de mariage. Rejetée par ce dernier, elle déciderait de se suicider devant lui. La scène cafouille et voilà notre Félix, le gendre idéal – pour celles qui aiment les mollassons, raide mort juste avant son mariage avec la belle-fille idéale – pour ceux qui aiment les insipides, trois balles dans son buffet d'athlète.

Notre pote donc nous raconte toute l'histoire, depuis l'ascendance de Pauline jusqu'à sa mort, tragique encore (c'est que Pauline pourrait être une héroïne d'Euripide (pas de Sophocle parce que j'ai appris récemment qu'on casait Sophocle pour illustrer les polars, ça ferait bien paraît-il)). Et autant vous dire qu'il la connaît sacrément bien cette histoire. Mieux que quiconque. Sauf Pauline bien entendu.

Évidemment, parce qu'on picole, qu'on a le temps au chaud devant notre cheminée, la pluie peut bien battre les vitres, le pote digresse beaucoup, raconte quelques anecdotes savoureuses de sa propre vie, parle aussi beaucoup de la vie sous l'Occupation, de la société des années 50, de la Justice de ces années-là ("Paul Baudet [l'avocat de Pauline] est né à Bourges en 1907, et garde de mauvais souvenirs de son enfance (ce qu'il considère plutôt comme une bonne chose : selon lui, une enfance heureuse ne prédispose pas au métier d'avocat)", à force de fréquenter les avocats, forcément, la phrase me plaît), des autres stars meurtrières de ce temps-là, les Yvonne Chevallier (acquittée aux termes d'un procès improbable), Denise Labbé (la matricide maso), Sylvie Paul (« le lumineux mais cruel regard »)...

L'indulgence dont le poto Philippe fait preuve envers ces femmes et envers Pauline surtout est parfois un tantinet cul-cul mais enfin, défendre envers et contre tout la liberté d'exister pour tout individu, quel que soit son sexe, et le droit fondamental d'une justice équitable est un message qui doit être répété et rester audible surtout ; la bienveillance imprègne chaque page de la Petite Femelle. Cette bienveillance nous réchauffe le coeur autant que le pinard (ou la tisane pour les sobres - dont je ne suis pas) qu'on peut déguster en lisant cette histoire, enfin en écoutant Philippe Jaenada qui est un conteur hors-pair.
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Je n'ai pas écrit d'avis de lecture depuis un moment, mais ce n'est pas pour autant que j'ai arrêté de lire, bien au contraire. Si je ne parlerai pas forcément de toutes ces lectures, il en est une que je ne veux pas rater, pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce qu'on va bientôt parler de La serpe, le prochain roman de Philippe Jaenada, qui contient un personnage commun avec La petite femelle, à savoir Georges Arnaud, l'auteur du salaire de la peur, et qui lui aussi part d'un fait-divers ignoble.
Mais évoquons d'abord Pauline Dubuisson, accusée d'avoir tué son amant, lors de l'un des plus retentissants procès d'après-guerre. le roman retrace avec la plus grande rigueur, qui contraste souvent avec des remarques plus plaisantes, l'enfance et la jeunesse mouvementée de la jeune femme née dans la région de Dunkerque. D'une famille aisée, Pauline est la benjamine après trois frères, et pourtant c'est d'elle dont son père se sent le plus proche, tentant de lui inculquer sa philosophie (nietzschéenne) de la vie. Elle est à peine adolescente lorsque les Allemands occupent sa ville natale, et commerce rapidement avec eux, ce qui lui vaudra l'opprobre par la suite. Très intelligente, elle entame des études de médecine, mais Pauline semble toujours en avance, par sa liberté, sur son époque, et souffre d'un caractère cyclothymique exacerbé, qui la fait passer de moments joyeux à des périodes des plus sombres.

Le livre cherche à la réhabiliter d'une certaine manière, non en la déchargeant de toute culpabilité, mais en constatant combien le procès, à la fois celui de la cour d'assises et celui mené en parallèle par les médias, a été dressé uniquement à charge, noircissant le portrait d'une jeune femme qui n'avait rien du monstre qu'ils présentaient. Très bien documenté, ce roman, pourtant long, est tout à fait passionnant, même et surtout quand on le débute en ne connaissant rien de l'affaire. Des portraits des différents membres de la famille Dubuisson, aux années de guerre, avec des passages particulièrement marquants sur la guerre à Dunkerque, des faits eux-mêmes qui lui valurent d'être condamnée, jusqu'à sa mort, tout est très précisément documenté, argumenté, solide…

Et puis bien sûr, il y a le ton Jaenada, son humour, ses comparaisons inédites, et les fameuses digressions que l'auteur élève au rang de discipline artistique, pour le plus grand plaisir du lecteur, du moins celui que peut amuser une recherche sur l'histoire de la culotte Petit Bateau ou sur l'occurrence du mot « saucisse » dans ses précédents romans (d'ailleurs, Mr Jaenada, aucun article de mon blog ne contenant le mot saucisse, une recherche de ce mot permettra dorénavant de tomber directement sur le billet parlant de la petite femelle, contrairement aux recherches sur le mot « saucisson » qui donneront deux résultats supplémentaires).
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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Après le remarquable « Sulak », Jaenada se lance dans un travail gigantesque, pour démontrer que Pauline Dubuisson (accusée du meurtre de Félix Bailly en 1951, son ex petit ami), a été victime non pas d'une erreur judiciaire mais d'un procès honteusement à charge. Va alors s'abattre sur la jeune femme un flot de haine, de mensonges, de détournements de témoignages pour en faire une coupable calculatrice, froide et orgueilleuse. du pain béni pour une société misogyne ou l'émancipation féminine était vu comme un terrible fléau.
En plus de 700 pages (ne vous effrayez pas, ça se lit tout seul), Jaenada met en contradiction ces accusateurs, s'appuyant sur l'énorme travail de recherches effectué. Pauline Dubuisson le paiera toute sa vie (bien courte il est vraie), le trio de justice et la presse bien pensante se chargeant de la représenter de la pire des manières.
Avec le ton qu'on lui connait, Jaenada allège son récit d'évènements propres à sa propre vie, son humour toujours bienvenu en habille certains pour plusieurs hivers, même si parfois son empathie pour Pauline, lui fait écrire des vacheries gratuites sur certains protagonistes. Mais « La petite femelle » est avant tout un remarquable travail du meilleur avocat qu'aurait aimé avoir Pauline. Sa vie n'aura été que tragédies et injustices. Philippe Jaenada ne la réhabilite pas, il montre simplement que son procès n'aura été qu'une vague fumisterie. Et que «La petite femelle » méritait bien ce gros pavé. Passionnant.
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