Bon, ne pas être trop longue sur ce pavé, ça va être dur...
Un beau et gros pavé dans la mare de la société machiste, phallocrate, où la norme de toute chose est le mâle mature entre 40 et péremption, où la femme n'appartient pas à l'humanité mais doit en être le pilier : le pilier des mâles, qui, eux, constituent le genre humain...Donc la femme, comme le montre avec pas mâle de talent
Philippe Jaenada, elle est faite pour être offerte aux hommes, pour leur bien-être, leur intérieur, leur soutien physique et moral ...Objet et non sujet, elle ne peut se penser seule, indépendante, autonome.
Donc évidemment, Pauline Dubuisson, "
La petite femelle" (quel beau titre !!), dont le destin croise sans cesse sans vraiment le croiser celui de "l'animal Bardot", d'une manière de coïncidence qui aurait fait triper
André Breton, c'est du petit lait pour les grands garants de l'ordre social, mâles juges, mâles policiers, mâles psychiatres, mâles journalistes, et même femâles (femelles à l'extérieur, mâles à l'intérieur, sur le modèle du bounty noir à l'extérieur et blanc à l'intérieur...copyright sur le mot huhuhu) ...Car Pauline Dubuisson c'est, "mon coeur est à la France, et mon cul est international..." euh, non , même pas, c'est "mon coeur est d'abord à papa, et après je sais pas, et je fais ce que je veux avec mon cul" ... Et je veux pas me marier tout de suite avec Félix, et je veux continuer mes études, et je suis très attachée à un vieux docteur allemand qui fut mon amant pendant la guerre, et à un officier allemand etc etc ... Donc quand elle tue Félix (joyeux Noël, Félix !) évidemment c'est la curée, le lynchage public, la mise à terre, l'écrasement, la destruction d'une héroïne tragique...Et ensuite, même sortie de prison, on n'en sort pas, hein, quand on est à ce point l'incarnation du désordre public, à ce point le bouc émissaire idéal d'une société qui tangue sur ses bases d'un passé proche et gravement pourri ...Alors adieu Pauline, t'auras pas de deuxième chance.
Tout cela est admirablement montré par
Philippe Jaenada.
Mais j'ai quand même un reproche à formuler, je ne m'en cache pas, même si ce n'est pas très politiquement correct.
La même chose m'a gênée dans ce livre qui m'a gênée dans "
Une si jolie petite fille", de
Gitta Sereny. C'est l'oubli des morts au profit de la vie. C'est pas bien d'être mort. Les absents ont toujours tort. Dans son parti pris pour réhabiliter Pauline, Philippe me semble très partial. Si on cherche à rétablir l'infinie complexité de ce personnage pour expliquer son acte, ce n'est pas une raison pour ignorer l'infinie complexité des personnages qui l'entourent. J'ai trouvé que Félix en prenait plein à la gueule pour pas un rond (joyeux Noël, Félix ! Fallait pas mourir ! Pourquoi t'étais là, t'as foutu la merde dans la vie à Pauline ! ) Et je ne parle même pas de Monique ! (Purée, Monique ! Arrête d'être débile, comme ça ! Tu fous la merde dans la vie à Pauline ! Si t'avais bien voulu coucher avec Félix, il aurait pas recouché avec Pauline, et tout le monde serait encore là, bien grabataire à la maison de retraite ! T'es trop nouille, Monique, t'es pas dans le coup !) Pauvre Félix ! Philippe en dresse le portrait d'un fils à papa-maman complètement neu-neu, complètement victime de son époque ...Je ne suis pas d'accord. Pauline, elle est pas cool, elle est même, comment dire, un peu zinzin ...Alors elle, ok, on analyse bien pourquoi : son père très trouble qui la met dans les bras des hommes à treize ans, la guerre, l'épuration (quelle honte !!!) ...Mais c'est une erreur de logique de considérer que puisque Pauline a des circonstances atténuantes immenses, alors Félix est un idiot. Ca ressemble aux syllogismes que dénonce Philippe dans le procès : "Vous n'avez pas vu de vaches à Paris ? Donc Pauline n'a pas découché". Là, je suis désolée, Philippe, Philou, non, je marche pas. Félix, il est ok ...Il tombe fou amoureux de Pauline, elle le traite comme un chien, il se résout à la quitter, il rencontre une fille plus sympa, plus conforme à ses attentes et voilà, ça devrait être la fin de l'histoire. Mais Pauline, quand il la quitte, elle se met à l'aimer comme une folle alors qu'elle l'a gravement humilié ...Et puis surtout, cette histoire de revolver, de suicide, elle annonce à sa logeuse et amie, tranquille, qu'elle va faire un malheur à Paris, bon, too much, Pauline, hein, Philou ...Et puis elle le suit dans Paris, elle veut se suicider devant lui pour gâcher sa vie ...ou alors, comme elle dit au procès "c'est alors que j'ai décidé de nous entraîner tous les deux dans la mort" ...Pan pan ...et pan , joyeux Noël, Félix !
Voilà, c'est ça qui m'a dérangée. Pauline est fascinante, insaisissable, tragique, et donc ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente. Mais coupable, hein, Philou, ne l'oublie pas, coupable d'avoir ravagé Félix, son beau visage, son beau corps de 27 ans, son bel avenir, et sans motif réel, Philou, parce que sinon, vu qu'on s'est tous un jour fait larguer pour un-e (forcément) connard-sse, on serait tous en tôle.
Joyeux Noël, Félix.