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4,09

sur 793 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Même si l'on n' avait qu'une vague idée de cette affaire qui défraya la chronique dans les années cinquante, il est certain qu'en refermant les 700 et quelques pages de ce récit, on n'est pas prêt d'oublier ce drame. Et tout cela grâce au talent de Philippe Jaelana, qui, avec un acharnement à la hauteur de celui des charognards qui ont démoli torchon après torchon la moindre chance que la jeune femme s'en sorte.
Certes, elle a tué son amant. Certes l'auteur est entièrement dévoué à sa cause. Mais tout de même, on est estomaqué par ce que l'on apprend. Quand Pauline prétend qu'elle est maudite, on la croirait presque. Un père froid qui lui donne toute jeune la solution pour rester digne devant l'échec : le suicide! Gageons que ces principes éducatifs ne constituent pas une base fiable pour une personnalité solide. Rajoutons à cela une probable faille narcissique qu'a provoqué ce milieu peu aimant, et la suite s'inscrit dans une logique imparable. Donc il y a mort d'homme et il y a pathologie psychiatrique, l'histoire est assez simple.

Mais là où on hallucine, c'est sur la légèreté inouïe de l'enquête, la détermination sans faille de la partie civile de prouver que l'on a affaire à un monstre, et l'acharnement de la presse qui colporte rumeurs et suppositions et se nourrit de ses propres mensonges pour noircir le tableau et démolir l'accusée. Même sans trouble de la personnalité , qui pourrait se relever un tel lynchage?

Et c'est là que le travail d'analyse de l'auteur ( que l'on aurait bien aimé constater a posteriori de la part des abrutis incompétents qui ont bâclé leur boulot à l'époque : on n'avait pas l'ADN, certes, mais l'analyse de la balistique, ça fait quand même un bail qu'on connaît, non?). Philippe Jaenada, comme le précise un extrait de critique, retourne chaque pierre, étudie chaque échange, reconstruit les faits, épluche les témoignages ( et là aussi, le traitement qui en a été fait lors du procès donne une piètre image de la justice française de cette période).

Justement parlons-en de la période : la France sort de la guerre qui a fait bien des victimes, et qui n'a pas contribué à mettre en valeur la grandeur d'âme de nos concitoyens. Et l'affaire semble concentrer la rancoeur qu'a le peuple à l'égard de ses propres ignominies. Cela fait partie de la malédiction déjà évoquée

Enfin et c'est sans doute ce qui vaut les cinq étoiles : c'est un récit drôle, malgré la noirceur de l'histoire! D'autres auteurs se sont penchés sur ce destin tragique, mais ici le ton est très ironique, vis à vis des professionnels qui ont précipité Pauline vers sa fin cruelle. Philippe Jaenada réinvente les patronymes par respect pour les familles, mais n'épargne cependant pas les hyènes et les vautours. Et ce ton, drôle , décalé, irrespectueux y compris sur le mode de l'autodérision que l'auteur pratique dans des digressions hautes en couleurs) est justement ce qui constitue le plus bel hommage que l'on puisse faire à la coupable (ou victime ?). Et l'on imagine pas qu'il puisse y avoir le moindre conflit d'intérêt dans cette plaidoirie bien à distance du drame, alors que la plupart des protagonistes ont contribué à l'entropie générale et redistribué les atomes de carbone qui les constituaient .

Cette liberté d'écriture et d'opinion est réellement réjouissante et il y a fort à parier que les autres écrits de l'auteur rejoindront mes projets de lecture

Un petit bémol : les histoires des co-détenues, avec qui Pauline s'est liée, alourdissent le propos sans apporter un éclairage utile.

Challenge pavés 2015-2016

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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C'est un pavé, un sacré pavé de sept cent pages bien remplies.
Mais ce n'est pas une brique, il se lit (presque) d'une traite.
Ce n'est pas un roman, ce n'est pas une biographie, ce n'est pas une fiction : ce livre est inclassable.
Philippe Jaenada raconte qu'un jour quelqu'un lui a apporté le livre "Les femmes criminelles au 20ème siècle" et dit : "feuilletant distraitement ce livre, je tombe sur le chapitre consacré à Pauline Dubuisson et, là, je tombe en arrêt devant sa photo. C'est une photo d'elle prise pendant son procès, elle est sur le banc des accusés, elle ne baisse pas la tête et elle regarde droit devant elle. A l'époque, ce cliché avait précisément été utilisé dans la presse pour illustrer sa prétendue arrogance, pour montrer qu'elle ose toiser les hommes."
Le personnage fascine l'auteur : c'est décidé, il va en faire le sujet de son prochain ouvrage.
À quoi tient l'inspiration quelquefois !

Philippe Jaenada s'est passionné pour Pauline Dubuisson et a réalisé un extraordinaire travail de documentation. Il s'est plongé dans les témoignages de l'époque, les dossiers de police, le dossier d'instruction, et a passé une année à tout décortiquer.
On peut dire qu'il connaît Pauline Dubuisson mieux que personne et tout ce qu'il a appris l'a amené a s'attacher à elle, à développer de l'empathie pour elle, et finalement, lui a donné envie de la défendre, plus d'un demi-siècle plus tard, bien mieux que ne l'avait fait son avocat.
Ce livre à part est une longue plaidoirie en faveur de cette accusée maudite, rejetée parce qu'elle ne se pliait pas aux conventions.
Pauline, femme émancipée, en avance sur son temps, que la bonne société condamne pour se donner bonne conscience.

Pauline est coupable, Philippe Jaenada ne le nie pas. Mais selon la loi, elle aurait dû avoir un procès équitable. Or, il ne l'a absolument pas été.
L'auteur révèle tout, preuves et arguments à l'appui : les incohérences, les faux témoignages, les fausses accusations, les sous-entendus malfaisants, les ragots puants. Il démonte d'une façon magistrale toute la mécanique de ce procès nauséabond. On s'aperçoit que chaque détail compte : un mot pour un autre, une approximation, et c'est tout un témoignage qui bascule dans l'autre sens.
Il est terrifiant de voir comment on peut s'acharner ainsi sur une personne, travestir la vérité, mentir et cacher ce qui ne va pas dans le "bon" sens pour faire de Pauline Dubuisson un portrait au vitriol et combler un public avide de sensations.
Philippe Jaenada, à travers un cas particulier nous offre une belle réflexion sur le fonctionnement de la machine judiciaire et nous fait prendre conscience du caractère très fragile de la justice.

Emporté par son élan, mu par sa fascination pour Pauline, il en fait quelquefois un peu trop, mais le lecteur passionné lui pardonne. du moins, c'est ce que j'ai fait, sans hésitation.
En tout cas, si Pauline Dubuisson avait eu Philippe Jaenada comme avocat, le procès n'aurait certainement pas pris la même tournure.
L'auteur manie beaucoup l'ironie et utilise un style assez particulier pour glisser dans son texte un tas de petites réflexions pour démonter la mécanique qui s'est mise en marche contre l'accusée. Cette façon de rédiger surprend au début, les phrases étant parfois à rallonge et remplies de parenthèses imbriquées. Ce n'est pas gênant du tout, et donne au livre un caractère très original. Les idées sont quelquefois mélangées dans un désordre qui n'est qu'apparent, mais tout est parfaitement maîtrisé et la lecture avance à un bon rythme.
J'avais été bouleversée par le roman de Jean-Luc Seigle, Je vous écris dans le noir, La petite femelle m'a totalement captivée.

N'hésitez pas à plonger à votre tour dans ce livre passionnant de bout en bout. Une fois ouvert, vous ne pourrez le refermer que lorsque vous l'aurez achevé. C'est un peu comme un bon gros plat d'hiver dont vous vous dites après que l'on vous a copieusement servi "Mais c'est trop, je ne vais jamais finir !"... et puis sans vous en rendre compte, vous videz toute votre assiette.
Pour un peu, vous en reprendriez !
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« Les moindres actes d'une vie, anodins ou pas sur le moment, sont épinglés sur nous comme des poids de plomb le jour où on déraille et où tous les regards se tournent vers nous ».
Pour Pauline Dubuisson, née en 1927 à Malo-les-Bains, près de Dunkerque, cette affirmation se vérifie tout à fait.
C'est vrai qu'elle a eu une enfance très spéciale, entre une mère molle et un père très autoritaire imbu de Nietzche et de sa fille ; c'est vrai qu'elle a connu au sens biblique quelques Allemands durant la guerre et pour cela a été tondue à la libération ; c'est vrai qu'elle se voulait libre, sans les attaches du mariage, avec au coeur un rêve : devenir pédiatre.
Malheureusement pour elle, les hommes pétris de principes, de supériorité et d'autoritarisme se sont acharnés sur elle alors après qu'elle ait tué son ex-fiancé, un jeune homme bien sous tous les rapports (ce n'est pas moi qui le dis). Les hommes et quelques femmes, dont une chroniqueuse judiciaire.
« Toute vie, pour être approchée, exige le recueillement. Ce procès ne fut que tumulte et ricanements » (Jacques Vergès, qui deviendra avocat 2 ans plus tard)
La presse, l'appareil judiciaire, le peuple, tous les bien-pensants de la Nation y vont de leur petite opinion vengeresse. Veulent-ils s'absoudre de leurs désastres intimes en faisant ployer une pauvre fille mal aimée, mal élevée, mal dans sa peau ?
« de la rue (la vraie vie, les témoins) à la rue (l'opinion publique façonnée par la presse) en passant par le filtre de l'enquête et de la procédure, une fille comme une autre se transforme en créature de l'Enfer ».

Philippe Jaenada signe ici un livre personnel, stupéfiant de vérité, criant de psychologie, flamboyant.
Il retrace les étapes de la vie de Pauline Dubuisson de manière très détaillée, après avoir fait sa propre enquête, après avoir parcouru les mêmes rues, après avoir lu les documents de l'époque, du commissariat au procès, en passant par l'hôpital et la chambre. On ne peut que vivre la vie de Pauline avec lui, on ne peut qu'adhérer à ses propres opinions.
D'autant qu'il narre cette vie ratée en y intercalant des anecdotes de sa propre vie qui permettent de se détendre (et je peux vous assurer que c'est hilarant !) ; en y ajoutant des tonnes de parenthèses montrant ses propres réactions face aux nombreuses aberrations, abominations des témoins de la vie de Pauline ; et enfin en posant comme jalons ici et là les autres procès de l'époque.

Je vous recommande à tout prix la lecture de ce livre-choc, qui relate à la perfection la vie d'une « créature de l'Enfer », se voulant libre avant l'heure, en cette époque (1940-1960) où les femmes n'ont qu'un seul seigneur et maître : l'homme.

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Un immense coup de coeur pour ce "roman", en lice pour le Renaudot.

Le 17 mars 1951, Pauline Dubuisson, jeune femme de 24 ans, tue son ancien ami, Félix Bailly, en tirant sur lui à trois reprises (dans une petite chambre de bonne qu'il occupait rue de la Croix-Nivert à Paris) avant de tenter de mettre fin à ses jours.

Tous deux sont jeunes, beaux, étudiants en médecine, originaires du Nord, mais si Félix est doux, gentil, romantique, confiant, gauche, un brin lisse et naïf, Pauline est une ravageuse que la vie a rudement malmenée.

Elevée comme un garçon, à l'écart des autres et sans affection, par un père protestant pénétré de philosophie nietzschéenne et par une mère frêle, transparente, soumise, qui ne la regarde pas, qui ne regarde du reste personne, qui ne se regarde pas davantage, Pauline apprend à s'endurcir, à encaisser, à taire crânement ses sentiments. La force est un devoir. La faiblesse une faute.

La guerre éclate. André Dubuisson, entrepreneur de travaux publics germanophile, choisit alors d'utiliser sa fille - Pauline a 13 ans en 1940 - pour faciliter ses transactions avec les allemands. Il faut dire qu'elle est ravissante, fière, orgueilleuse, qu'elle fait tourner les têtes des lieutenants, des capitaines, des colonels ... C'est bon pour pour ses affaires. Pauline se retrouve dans le lit de l'occupant ce qui lui vaudra, à la Libération, une réputation sulfureuse.

A 17 ans, Pauline, qui a vécu la guerre à Dunkerque, bombardé en permanence, dans les gravats, avec la mort qui décime nuit et jour, n'est déjà plus une jeune fille respectable. Mais une femme très avertie, une agicheuse, une tondue, un esprit dominateur, indocile, scandaleux, qui ne se soumet pas aux normes.

Devenue étudiante à la Faculté de médecine de Lille, elle attire Félix dans ses filets.

Il tombe fou amoureux et propose maintes fois le mariage à cette insoumise qui le prend de haut, le méprise, se joue beaucoup de lui et de ses sentiments.

Si Pauline accepte de prendre avec lui du plaisir, de l'initier, elle refuse de se laisser enfermer, d'abandonner ses études, de devenir une épouse, seul rôle convenable dévolu aux femmes.

De guerre lasse, Félix, qui n'a cessé d'avaler d'indigestes couleuvres, finira par se détourner et décidera de poursuivre ses études à Paris.

Sitôt Félix disparu, Pauline comprendra qu'elle en était, en réalité, amoureuse (il y a quelque chose de Scarlett dans Pauline) mais ne parviendra jamais à le reconquérir jusqu'à ce 17 mars où elle le tuera par accident (ou pas), par désespoir (ou pas), par dépit amoureux (ou pas).

S'ensuivront une invraisemblable curée judiciaire et médiatique, une enquête sans nuance, très partiale, systématiquement à charge, un procès sexiste, odieux, inéquitable, où l'Avocat général réclamera la tête de l'accusée, des articles orduriers, destinés à attiser la haine de la foule.

Et face à ces hyènes décidées à en découdre, Pauline, toujours fière, toujours incapable d'exprimer ses sentiments, seule, sans réel soutien, sans véritable défense à ses côtés.

Dans son ouvrage, riche, drôle, fourmillant de mille digressions personnelles, Philippe Jaenada entreprend de décrypter - avec fougue et minutie - l'affaire, mettant au jour, page après page, la manipulation grossière des faits de la part des enquêteurs et du Parquet, les mensonges éhontés de la presse et les approximations des experts.

A soixante ans d'intervalle, il se fait l'avocat de Pauline.

Il est là, frais, emporté, idéaliste, tenace, rigoureux, envahi par son sujet, comme un jeune confrère devant son premier dossier.

Et l'on se prend à aimer Pauline. Telle qu'elle fut. Loin de l'image que la société souhaitait donner d'elle en forçant le trait et au mépris grossier la vérité.

La dernière page tournée, je l'ai laissée à regret regagner l'ombre. Heureuse malgré tout que justice lui ait enfin été rendue.
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Il y a, dès les premières pages, cette sensation d'être happé(e) par les mots.
Difficile de s'en écarter, l'auteur s'y entend pour nous rendre complices de son travail titanesque, de son investissement personnel et de son empathie.
Il ressort de ce livre haletant plusieurs lectures :
-L'affaire et les faits avec l'incidence de tous les événements personnels de la vie de l'accusée (éducation, enfance, antécédents 40/45, études, relations intimes, amicales, familiales,...)
-Un contexte plus général touchant le fonctionnement de la justice à l'époque : attitudes des juges, des avocats; mentalité de l'époque : la foule, la place de la femme dans la société; la presse : attitudes de certains journalistes.
L'incidence du deuxième contexte interpelle et révolte par ce qu'il conduit à un hallali programmé où la manipulation, les contre-vérités, l'exagération des éléments à charge au détriment des éléments à décharge toujours minimisés voire ignorés conduisent à l'effroi.
C'est ce qui porte ce livre à une sorte d'universalité par les interrogations qu'il suscite à travers le cas très particulier de Pauline Dubuisson à qui rien ne sera épargné même après qu'elle eût payé sa dette (film, revue...) et qui l'amènera au geste ultime puisque plus rien ne lui était possible.
En relatant ce que l'on peut qualifier de cas d'école, Philippe Jaenada traite ce sujet avec la déontologie que l'on est en droit d'attendre d'un journaliste et en lui conférant de surcroît une intensité à donner le tournis.
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Je suis sûrement de parti pris dans ma cotation parce que j'aime beaucoup le travail de Philippe Jaenada.
Cette fois, il nous emmène du côté de Dunkerque, à Malo les Bains d'abord, à la rencontre de Pauline Dubuisson, celle qui finira par défrayer la chronique et passionner les foules dans les années 50 après avoir tué son amant. C'est aussi une femme qui a inspiré Modiano... comme quoi.

Comme à son habitude, l'auteur s'est hyper documenté sur son sujet et le replace dans un contexte plus large. Une grande partie du roman sera donc consacrée à la jeunesse de Pauline, durant la guerre, où elle est restée sous les bombes alors qu'une partie de sa famille était descendue dans le sud.
Philippe Jaenada prend le temps de nous faire découvrir Pauline, une jeune femme libre avant l'heure, qui se rêvait médecin et qui lisait beaucoup, surtout des polars. Il dévoile ses failles aussi, son psychisme parfois fragile, son éducation hors norme qui l'a toujours placée en marge.
Bien entendu, par la suite, le procès de Pauline sera passé à la moulinette.

Pour ceux qui connaissent la plume de l'auteur, on ne sera pas surpris de tomber nez à nez avec Anne-Catherine et Ernest au détour d'une page. J'aime les digressions de Philippe Jaenada. Elles permettent de reprendre du souffle dans la tragédie, de sourire malgré les drames. Et toujours cet oeil perçant, logique, critique qu'il pose sur chacune des étapes qui permet de prendre de la hauteur, de voir les choses autrement, de se détacher du convenu.

Et comme souvent, il met le doigt sur les failles, que dis-je, les crevasses de l'appareil judiciaire; sur la veulerie de la majorité des journalistes et les lâchetés de l'être humain. Philippe Jaenada ne critique pas pour critiquer, il décortique, il démonte, il démontre, il explique, il met à plat, il s'interroge.... Et ce qu'il met à jour dans ses romans, ce n'est jamais joli joli mais qu'est-ce que j'aime cette ouverture d'esprit alliée à une érudition certaine, le tout avec humilité même si ce n'est pas toujours l'impression qu'il peut donner à tout le monde.
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Que d'encre! que d'encre!
Pauline Dubuisson déchaîne toujours autant les passions et ce n'est sans doute pas fini !
Elle intrigue,ou elle séduit ou elle exaspère.
Une chose est certaine, elle ne laisse pas indifférent et le livre de Jaenada non plus.

Au début, ce" pavé"m'a un peu découragée et j'ai dû faire un petit effort pour poursuivre. Mais,petit à petit,je me suis trouvée happée, envoûtée.
Le rythme du livre semble choisi pour amener le lecteur à mieux communier avec l'auteur dans sa quête de vérité sinon de compréhension .Cela donne parfois une lecture angoissante, épuisante alors, survient la parenthèse:l'auteur nous invite dans sa vie,son quotidien,et là,le lecteur apprécie ou pas ( ça agace aussi parfois lorsque notre réflexion est interrompue).

Si Philippe Jaenada est séduit par Pauline,cette femme d'une intelligence supérieure à la moyenne,si forte et pourtant si fragile, il n'excuse pas son acte mais n'est jamais non plus dans le jugement; il cherche à comprendre et analyse sa vie dans les moindres détails.

Il en ressort une oeuvre majeure tant par la densité d'introspection que par la qualité de la présentation.
Quel travail !
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Roulement de tambour.
La saison de lecture 2020 est ouverte.
Une fois n'est pas coutume, je commence par un dessert.
Eh oui, que voulez-vous, je suis gourmand.
Et là j'ai choisi de me faire mal.
J'ai pris un truc que beaucoup trouvent lourd à digérer.
Pas moi. Normal, vous me direz, vu que je commence par ça.
C'est donc La petite femelle d'un auteur que j'adore, Philippe Jaenada qui ouvre le bal.
On est beaucoup à aimer, ils sont nombreux à grimacer.
Il faut dire que Monsieur Jaenada, il y met les ingrédients.
D'abord, il choisit un personnage.
Ici, Pauline Dubuisson. Jeune femme condamnée en novembre 1953 pour l'assassinat de son amant, enfin de celui dont elle voulait faire sien.
Apparemment, il n'était plus tout à fait d'accord ce qui contraria fortement la belle demoiselle (en 1953 ce mot était encore d'usage).
Que s'est-il passé dans ce petit appartement parisien ?
C'est ce que va tenter de décortiquer l'inspecteur Philippe. Car c'est une véritable enquête qu'a menée l'auteur afin de nous livrer ces quelque 700 pages.
On pourrait lui attribuer plein de rôle. Auteur, biographe, enquêteur, avocat, journaliste...
Il a fouillé, lui (contrairement à certains protagonistes cités dans son roman) il a cherché dans le passé des uns et des autres.
Il s'est posé mille questions.
On voit bien l'empathie pour Pauline, mais peux-t'on le lui reprocher ?
Coupable ?
Oui.
Mais méritait-elle un tel procès,  un tel acharnement ?
Bien sûr, depuis sa plus tendre adolescence elle a commis des erreurs, bien sûr elle a péché (Euh, là, j'avoue que le mot est gentil). À 14 ans flirter (ou plus ?) avec l'occupant allemand, forcément c'est mal vu, d'ailleurs, on lui fera payer dès la fin de la guerre.
Et puis ces hommes qu'elle aime, ou qu'elle croit aimer, qu'elle quitte et qu'elle regrette aussitôt ou avec lesquels elle rêve avant de se rétracter.
Elle est compliquée Pauline.
Mais bon, je vais pas vous réécrire le livre, ce n'est pas le but ici.
Non, je vais vous dire que Jaenada fait du Philippe Jaenada.
Il détaille, jusqu'à agacer son lecteur parfois. (Mais faut le comprendre, c'est du travail sérieux, il rigole pas...)
Il brode, et là j'ai retrouvé tout son talent, sa patte. Franchement qui pourrait se permettre, au milieu d'un sujet aussi dramatique, de vous parler saucisses, ou encore slip kangourou et même vous narrer une de ses cuites mémorable, Hein, qui, à part lui ?
Et puis, comme il ne devait pas trouver son livre assez long, (mais bon, quand on parle dessert, il n'y en a jamais assez), il joue au journaliste du célèbre magazine "Détective" (là, je vais le titiller, il est évident à la lecture de ce bouquin qu'il ne porte pas ce journal dans son coeur) en nous retraçant le parcours de criminel(le)s dont le parcours croise le chemin de Pauline Dubuisson ou d'autres personnages de la petite femelle.
Bon, moi, je me suis régalé, mais je vous préviens, ce gâteau est plutôt du genre moka.
Un peu lourd à digérer pour certains et j'avoue qu'il vaut mieux être léger pour s'y attaquer.
Mais peut-on reprocher à un écrivain d'écrire ? À un romancier de...romancer ?
La plume de Philippe Jaenada est une plume de passionné et quand on est passionné on est excessif.
(C'est parfois ce que je me dis en écrivant mes chroniques, d'ailleurs, mais je suis comme lui, je m'autorise tout...)


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Tout le monde ou presque est désormais au courant mais c'est parfois bon de rappeller les évidences: Philippe Jaenada a enchanté la rentrée littéraire en 2015 avec « La petite femelle ». le romancier, alors peu connu du grand public avant ce coup de maitre est pourtant depuis de longues années l'auteur d'une série de romans particulièrement enlevés et enthousiastes.

Par ailleurs lors de ses interventions médiatiques, notamment chez Ruquier, où il vient fréquemment défendre ses livres, il nous montre tout l'humour et la distance de son personnalité qu'il laissait entrevoir.

Dans ses livres, il adore se raconter à l'aide de doubles littéraires dans des déambulations sociologiques, philosophiques et très souvent éthyliques,
C'est sous la plume d'un autre roman Jean-Luc Seigle avec son roman je vous écris dans le noir récemment récompensé par les lectrices du journal elle,que j'ai fait connaissance avec cette Pauline Dubuisson qui a vraiment connu une destinée incroyable, échappant par deux fois à la peine de mort pour deux chefs d'accusations différentes, à quelques années d'intervalle.

Philippe Jaenada avec son roman la petite femelle qui a comme je vous le disais en préambule fait l'unanimité chez tous les lecteurs et les critiques reprend le même point de départ du livre en tenant à partir comme Jean Luc Seigle de ce le portrait sans nuance, accablant de la jeune femme dessiné au moment du fait divers la concernant (le meurtre de son ancien petit ami en 1950).

Sauf que contrairement à Seigle qui imaginait pas mal d'éléments fictionnels autour de cette incroyable destinée, Jaenada ne s'attache qu'à l'authenticité des faits qu'il reprend un à un, relisant tous les témoignages, tous les rapports, toutes les archives, tous les documents la concernant.

La petite femelle se lit ainsi comme une formidable enquête policière tant l'auteur réussit avec brio à distille dans son récit un suspense des scènes précédant le meurtre aux derniers moments de la vie de Pauline Dubuisson en passant par le procès, qui m'a tenu en haleine.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Rythmé, intense, drôle tout en traitant d'un sujet grave (faits réels d'un procès de femme jugée pour meurtre).
Un livre surprenant et passionnant!

J'aime le cote justicier de l'auteur, qui se sert de l'écriture pour dire vraiment qui était Pauline Dubuisson, cette femme que tout le monde a condamné sans chercher à comprendre.

L'auteur a fait de longues recherches et un travail d'enquête minutieux, il a voulu creuser derrière les apparences, et donner une chance à Pauline d'être autre chose qu'une "collabo qui a tué son amant par perversion profonde".

On a si vite fait de juger les gens. Parfois je pense à ce que l'on pourrait retenir contre moi, à ce que j'ai fait hier, qui viendrait prouver de façon évidente que je suis coupable aujourd'hui...

Par ailleurs l'écriture est libre, drôle et un peu folle. Un peu déroutant, et rafraîchissant en même temps.
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