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EAN : 978B00B80EPDE
La pensée Sauvage. L'impensé radical (30/11/-1)
4/5   1 notes
Résumé :
brochure en bon état. Quelques pages un peu froissées dans leur partie inférieure, mais hors de la zone de lecture
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
On ne peut pas dire que cette étude soit passionnante, mais elle le sera déjà davantage que toutes les études linguistiques et littéraires que les plus veinards d'entre nous ont pu suivre au lycée. Y a du grade en même temps : Jakobson l'ultra-linguiste et Lévi-Strauss le super-ethno se passionnent sur dix-huit pages pour le poème « Les chats » de Charles Baudelaire :


« Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

Amis de la science et de la volupté,
Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres ;
L'Érèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin ;

Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques,
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,
Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques. »


On s'attend à une étude qui décoiffe, comme l'explique Lévi-Strauss dans la préface :

« Si un linguiste et un ethnologue ont jugé bon d'unir leurs efforts pour tâcher de comprendre de quoi était fait un sonnet de Baudelaire, c'est qu'ils s'étaient trouvés indépendamment confrontés à des problèmes complémentaires. Dans les oeuvres poétiques, le linguiste discerne des structures dont l'analogie est frappante avec celles que l'analyse des mythes révèle à l'ethnologue. de son côté, celui-ci ne saurait méconnaître que les mythes ne consistent pas seulement en agencements conceptuels : ce sont aussi des oeuvres d'art, qui suscitent chez ceux qui les écoutent (et chez les ethnologues eux-mêmes, qui les lisent en transcription) de profondes émotions esthétiques. Se pourrait-il que les deux problèmes n'en fissent qu'un ? »

Malheureusement, le côté linguistique écrase fortement le côté mythique. On sera ravi de découvrir toutes les subtilités du rythme, des rimes et de la composition géométrique de la métrique, mais l'analyse mythique est un peu faiblarde, et nous rappellera ce qu'on savait déjà à propos de Baudelaire : androgyne, solitaire et spirituel, même les chats en témoignent, dans le prolongement de sa personne. Enfin, bon, rendons à César ce qui lui appartient : j'aurais bien été incapable pour ma part de fournir une étude de dix-huit pages aussi pointue et détaillée que celle-ci. Ceux qui sauront apprécier apprécieront.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
L'affinité sémantique entre L'Érèbe (« région ténébreuse confinant à l'Enfer », substitut métonymique pour « les puissances des ténèbres » et particulièrement pour Érèbe, « frère de la Nuit ») et le penchant des chats pour l'horreur des ténèbres, corroborée par la similarité phonique entre /tenebra/ et /erebs/ a failli associer les chats, héros du poème, à la besogne horrifique des coursiers funèbres. Dans le vers insinuant que L'Érèbe les eût pris pour ses coursiers, s'agit-il d'un désir frustré, ou d'une fausse reconnaissance ? La signification de ce passage, sur laquelle les critiques se sont interrogés, reste à dessein ambiguë.
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Dans la répartition des rimes, le poète suit le schéma aBBa CddC eeFgFg (où les vers à rimes masculines sont symbolisés par des majuscules et les vers à rimes féminines par des minuscules). Cette chaîne de rimes se divise en trois groupes de vers, à savoir deux quatrains et un sizain composé de deux tercets, mais qui forment une certaine unité, puisque la disposition des rimes est régie dans les sonnets, ainsi que l'a fait voir Grammont, « par les mêmes règles que dans toute strophe de six vers. Le groupement des rimes, dans le sonnet cité, est le corollaire de trois lois dissimilatrices : 1) deux rimes plates ne peuvent pas se suivre ; 2) si deux vers contigus appartiennent à deux rimes différentes, l'une d'elles doit être féminine et l'autre masculine ; 3) à la fin des strophes contiguës les vers féminins et masculins alternent : sédentaires — fierté — mystiques.
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Comme on l'a déjà signalé, une première division correspond aux trois parties qui se terminent chacune par un point, à savoir, les deux quatrains et l'ensemble des deux tercets. Le premier quatrain expose, sous forme de tableau objectif et statique, une situation de fait ou admise pour telle. Le deuxième attribue aux chats une intention interprétée par les puissances de l'Érèbe, et, aux puissances de l'Érèbe, une intention sur les chats repoussée par ceux-ci. Ces deux parties envisagent donc les chats du dehors, l'une dans la passivité à laquelle sont surtout sensibles les amoureux et les savants, l'autre dans l'activité perçue par les puissances de l'Érèbe. En revanche, la dernière partie surmonte cette opposition en reconnaissant aux chats une passivité activement assumée, et interprétée non plus du dehors, mais du dedans.
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Chaque ouvrage poétique, considéré isolément, contient en lui-même ses variantes ordonnées sur un axe qu'on peut représenter vertical, puisqu'il est formé de niveaux superposés : phonologique, phonétique, syntactique, prosodique, sémantique, etc. Tandis que le mythe peut — au moins à la limite — être interprété au seul niveau sémantique, le système des variantes (toujours indispensable à l'analyse structurale) étant alors fourni par une pluralité de versions du même mythe, c'est-à-dire par une coupe horizontale pratiquée sur un corps de mythes, au seul niveau sémantique.
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Si un linguiste et un ethnologue ont jugé bon d'unir leurs efforts pour tâcher de comprendre de quoi était fait un sonnet de Baudelaire, c'est qu'ils s'étaient trouvés indépendamment confrontés à des problèmes complémentaires. Dans les oeuvres poétiques, le linguiste discerne des structures dont l'analogie est frappante avec celles que l'analyse des mythes révèle à l'ethnologue. De son côté, celui-ci ne saurait méconnaître que les mythes ne consistent pas seulement en agencements conceptuels : ce sont aussi des oeuvres d'art, qui suscitent chez ceux qui les écoutent (et chez les ethnologues eux-mêmes, qui les lisent en transcription) de profondes émotions esthétiques. Se pourrait-il que les deux problèmes n'en fissent qu'un ?
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Videos de Roman Jakobson (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Roman Jakobson
POÉSIE-PENSÉE – le Rythme poétique selon JAKOBSON (France Culture, 1977) Une émission spéciale, de Robert & Rosine Georgin, diffusée le 10 décembre 1977 sur France Culture, à l’occasion d’un hommage radiophonique à Roman Jakobson. Présences : Mitsou Ronat, Robert Georgin et la voix de Jakobson.
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