Une atmosphère super coincée dans le genre de la haute société londonienne ;
quelques créatures très vulnérables ;
Bref, il y a un terreau infini pour des histoires terrifiantes ;
Or, je dois dire que celle qui nous intéresse, fonctionne à fond...
Dans la moindre fissure d'un quotidien très stratifié, se déploie un réseau sous-terrain de perceptions dont la subtilité frise la folie.
- Qu'est ce qui cloche avec ces enfants adorables, dont mademoiselle a reçu la charge de s'occuper ?
- Est-elle en train de dévoiler un indicible secret ou bien de devenir folle, ou les deux à la fois ?
Cette enquête devient inévitablement l'affaire de chacun, car il y a un appel à l'aide. Ça se passe virtuellement dans le quotidien du lecteur ; on parle d'enfants innocents.
- Vous pensez à quoi ?
Alors on ne marche pas, on court ; et pendant ce temps, mademoiselle s'est déterminée à en finir...à arriver à ses fins...
Impressionné par ce récit, je reviens un peu en arrière. «
Henry James, l'art du secret ». Voici l'émission de France Culture qui a fini de me convaincre de tenter cette rencontre. La première évocation de cet auteur est toutefois venue par une autre fiction : le récit d'une télégraphiste, «
Dans la Cage », entre-aperçu par le biais d'un curieux commentaire de Deleuze et
Guattari dans « Mille Plateaux »...
Dans
le Tour d'écrou, la « matière inassignable » du secret lui donne sa forme même : le secret qui en cache un autre...
- Mais alors, quel serait un secret sans matière ni forme ?
C'est encore la promesse d'aventures engagées avec
Henry James...
L'engagement, on peut aussi le sentir à partir des « nombreuses réactions indignées » dans la société de son époque.
Ce n'est certes pas le mot d'ordre qu'on attendrait aujourd'hui, en espérant la libération de la parole. C'est autre chose, mais qui touche en plein mile, en travaillant du côté des croyances et des désirs, dans les franges imperceptibles de l'expérience...
Des mutations existentielles asignifiantes peuvent devenir de puissants mouvements de libération, ou de destruction, qui opèrent dans les strates organisées de notre existence individuelle et sociale. C'est l'enjeu de la “schizo-analyse” ou de la “pragmatique” de Deleuze et
Guattari...
Or le pragmatisme est une réflexion, on ne peut plus familière, pour
Henry James, puisque son propre frère, William James en est l'un des premiers théoriciens. Mais dans cette fratrie, il se peut que Henry se démarque, en étant précisément le “romancier de l'indirect”, le plus indirect possible...
Il y a là encore un sujet passionnant que
David Lapoujade promet d'explorer dans son livre « Fictions du pragmatisme ».
C'est dire qu'on n'est pas prêt de conclure...