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Pauvre Catherine ! La maison cossue de Washington Square où elle vit avec son père et sa tante va être le théâtre du drame de sa vie.

Nous sommes au XIXe siècle à New-York. le Dr Sloper est un médecin fameux, hélas sa réussite professionnelle ne compense pas les tragédies familiales qu'il subit coup sur coup : d'abord son petit garçon prometteur et adoré décède dans sa tendre enfance, puis sa femme chérie meurt quelques jours après avoir mis au monde une fille. Une fille, quel malheur ! Et pas bien intelligente avec ça, ni même jolie… le sort s'acharne sur lui ! Il délègue quelque peu l'éducation de cette enfant à sa soeur Lavinia, récemment veuve et bien heureuse de pouvoir profiter du train de vie très confortable de son frère en emménageant dans sa belle demeure.

En âge d'être courtisée, Catherine tombe sous le charme d'un jeune homme beau-parleur, qui, Henry James ne nous le cache pas, n'est séduit que par une qualité bien particulière de notre héroïne : sa dot bien garnie !

Les cartes sont distribuées, nous pouvons dorénavant assister au jeu !

Le Dr Sloper, redoutablement intelligent, comprend vite la situation. Il ne reconnait aucune intelligence à sa fille, s'en amuse au départ mais malgré son profond cynisme, fera tout pour faire échouer les fiançailles et protéger son enfant.

Lavinia, sous le charme de Morris Townsend jouera le rôle de la bécasse entremetteuse, retournant sa chemise au gré du vent et de ses humeurs tantôt romanesques, tantôt maternelles.

Morris Townsend nous gratifiera d'un superbe numéro d'équilibriste, dans son rôle « d'arnacoeur » réussissant à amadouer la fille candide et la tante écervelée mais pas assez fort pour tromper le père et lui cacher ses cupides intentions.

Enfin, Catherine, pauvre oisillon naïf tiraillé entre son amour pour Morris, les conseils idiots de sa tante et sa fidélité à un père tyrannique, osera-t-elle se rebeller et défier ce dernier ?

Henry James détaille les stratégies de chacun dans une langue savoureuse, avec un ton mordant et très juste. L'analyse psychologique des personnages est menée de main de maitre et le spectacle qui se déroule sous nos yeux ne connait aucun temps mort. du grand art !
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Washington Square
Traduction : Camille Dutourd

ISBN : 9782253182962

Peut-on dire, de ce roman pourtant assez court de James, qu'il est simple ? Oui et non.

Oui, parce que le nombre de personnages et de péripéties y reste limité et que l'écrivain américain y applique, peut-être sans en avoir conscience, quelques recettes, plus réalistes que "proustiennes", issues tout droit de l'"Eugénie Grandet de Balzac."

Non, parce que, en dépit des limites attribuées notamment au personnage central, à savoir Catherine Sloper, la profondeur de ce caractère est telle et sa difficulté à l'exprimer si flagrante que le lecteur ne peut qu'être amené à s'interroger.

On peut voir, dans "Washington Square", les mésaventures d'un père de la bonne bourgeoisie new-yorkaise du XIXème siècle qui met tout en pratique pour que sa fille unique, laquelle sera en principe la seule héritière de sa fortune, évite le mariage avec un "coureur de dots."

On peut y voir aussi le récit de l'amour malheureux de l'héroïne pour un héros qui, comme l'avait prédit le père d'ailleurs, n'en vaut pas la peine.

Mais "Washington Square" apparaît surtout comme l'histoire d'une toute jeune fille, sans grande expérience sur tous les plans, fût-ce le plan mondain, dotée d'une sensibilité rare qu'elle a la pudeur de ne pas exprimer par peur de gêner autrui (et parce qu'elle pense que cela n'intéressera pas ceux qu'elle aime), d'une intelligence modeste et naïve, qui apprend peut-être lentement à l'école de la Vie, mais qui apprend sûrement et n'oublie rien, une jeune fille qui souhaite désespérément que ceux qu'elle aime, justement, vivent tous en paix auprès d'elle car, sinon, elle ne saurait trouver le bonheur, une jeune fille qui s'efface toujours pour que l'Autre soit heureux et qui ne cherche à imposer sa volonté à personne mais qui se retrouve la triste victime de deux hommes qui se disputent, pour des raisons dont le lecteur peut douter qu'elles aient un rapport véritable avec l'amour ou la simple affection paternelle, ce qu'elle espère (avec quel manque d'assurance !) faire de son existence.

Inexorable, le Destin, représenté autant par le Dr Sloper que par Morris Townsend, aussi implacables l'un que l'autre et qui ne voient et ne verront jamais en la pauvre Catherine, qui pourtant est bien loin d'en être un, qu'un objet bon à prendre ou à rejeter sous les combles, enserre et étouffe notre malheureuse héroïne, seul personnage du livre qui fasse pourtant preuve de noblesse d'âme et même de grandeur morale.

En effet, si Catherine, orpheline de mère, voue une admiration et une affection inconditionnelles à son père, celui-ci ne lui répond jamais que par le sarcasme - enfin, le sarcasme, l'ironie, on doit admettre qu'il les utilise un peu avec tout le monde. Pour le docteur, sa fille est sotte, niaise, n'a ni caractère, ni volonté et lui appartient. Elle doit se soumettre à sa volonté à lui, parce qu'il ne peut pas se tromper. Cet homme, qui a d'ailleurs, reconnaissons-le, très souvent raison, n'est guidé, dans sa guerre contre le rusé et séduisant Morris Townsend, que par le désir d'avoir le dernier mot et par un orgueil immense. Certes, il est impossible de lui donner tort lorsqu'il se refuse, pratiquement d'emblée, à ce que Townsend devienne, pour Catherine, un prétendant admissible. le problème, c'est que, contrairement à ce qu'il affirme, ce n'est pas pour le bien de la jeune fille et par affection pour elle qu'il agit ainsi : c'est pour lui montrer, à elle mais aussi à son entourage, qu'il a raison - bref, par un égoïsme terrible qui, dès que Catherine en prend conscience, la libère en quelque sorte de l'influence paternelle mais détruit hélas ! en même temps une partie de son coeur trop sensible.

Du côté de Townsend, ce n'est guère mieux. Sans fortune après avoir mangé un petit héritage qui lui revenait, ce jeune homme, au physique des plus avantageux, court désormais les salons pour s'y dénicher "une situation", c'est-à-dire un mariage qui le rendra riche sans, pour autant, qu'il ait beaucoup d'efforts à accomplir. Henry James ne nous cache rien de ses manoeuvres, entreprises très tôt auprès de Miss Sloper, dans le but de la séduire et de l'amener à l'union tant souhaitée. Sournois, rusé, intelligent, l'esprit vif et toujours prêt à parer avec adresse les coups les plus inattendus que tentent de lui porter ceux qui ne l'apprécient pas, Morris Townsend est le prototype de l'opportuniste prêt à tout (sauf à se retrousser lui-même les manches pour se mettre enfin au travail) pour épouser une héritière. (Le roman fut d'ailleurs porté à l'écran deux fois sous ce titre : "L'Héritière / The Heiress.") Que Catherine soit loin d'être une beauté, qu'elle passe pour niaise et peu futée, il n'en a que faire : l'essentiel est qu'elle l'épouse et le laisse faire ce qu'il veut de sa dot. Townsend est si vaniteux et si sûr de lui que, bien que conscient de la résistance opposée par le Dr Sloper, il est certain de parvenir, tôt ou tard, à ses fins.

Ah ! certes, s'il y a bien un point commun entre ces deux hommes, outre le dessèchement du coeur, c'est bien l'orgueil mal placé. Si l'un et l'autre sont parfois effleurés par l'idée qu'ils font souffrir Catherine, ils la secouent bien vite et s'empressent de l'oublier sur le champ.

Il en est de même - et on ne saurait trop le regretter pour la pauvre Catherine - avec la seconde de ses tantes, qui, veuve, vit depuis des années chez son frère : Lavinia Penniman. Tante Lavinia, à qui, au début, la jeune fille confie avec simplicité ses secrets, n'est peut-être pas méchante, à proprement parler, mais une chose est sûre : son narcissisme personnel, sorte de variante chez elle de l'orgueil presque luciférien de son frère, la pousse à s'immiscer dans l'intrigue entre sa nièce et Townsend parce qu'elle veut, on le comprend assez rapidement, vivre par procuration la romance qu'elle-même n'a jamais connue. Douée d'une forte imagination (qui frise parfois les limites du délire), tante Lavinia pousse Catherine, asticote aussi Townsend et éveille, chez le Dr Sloper, qu'elle est cependant censée bien connaître, ses instincts les plus impatients et les plus mauvais. En a-t-elle conscience ? Et surtout, a-t-elle conscience que Catherine est au milieu de la tempête qu'elle a contribué elle-même à provoquer puisque, sans son insistance, Townsend eût eu bien plus de difficultés à se faire recevoir chez les Sloper ?

Son narcissisme et son égoïsme sont si puissants que, à notre avis, elle ne s'en aperçoit que lorsqu'elle risque elle-même d'encourir la colère de son frère et de se voir contrainte d'aller vivre ailleurs, loin de la belle maison de Washington Square. Pour le reste, elle vit cette idylle comme elle la vivrait elle-même. On la sent plus que fascinée par Townsend - qui en abuse : amoureuse tout bêtement. Mis à part son fantasme, rien ne lui importe et il ne lui vient pas à l'esprit que Catherine puisse souffrir : elle est si sotte, n'est-ce pas ? Et puis, peu jolie comme elle est, la pauvre enfant, elle devrait s'estimer heureuse non seulement qu'un homme comme Townsend, aussi beau, aussi viril, s'intéressât à son cas (que la tante Lavinia, tout comme son frère, estimait "perdu" bien avant l'apparition du jeune homme) mais aussi que sa chère tante, elle, Lavinia, se battît à ses côtés pour l'aider à concrétiser son bonheur ...

Un jour bien sûr, Catherine comprend et glisse alors de son âme, en une petite flaque misérable, la partie qui y correspondait à l'affection sincère qu'elle portait à sa tante. le coup fatal sera assené peu après par Morris Townsend mais nous vous laissons en découvrir les circonstances.

Ce qu'il y a de particulier, dans ce roman, c'est que, bien que le lecteur parvienne à comprendre Catherine et à éprouver envers elle une sympathie qui va crescendo, la jeune fille n'en demeure pas moins, pour lui, jusqu'à la dernière page, une véritable énigme. Etouffée naturellement par les sarcasmes de son père et les bavardages inconséquents de sa tante, se sentant quelquefois coupable d'avoir, par sa naissance, arraché sa mère à l'amour de son père, Catherine avait pris, dès son enfance, des habitudes de petite souris qui s'efface et parle peu dans la crainte qu'on ne relève chacun de ses mots pour les mal interpréter - un jeu auquel le docteur était passé maître. L'Affaire Morris Townsend, où elle se retrouve trahie par ceux qui, croyait-elle, l'aimaient et l'estimaient et que, la chose est certaine, elle aimait et estimait, l'incite bien sûr à se replier un peu plus sur elle-même.

Oh ! des sentiments, elle en éprouve ! Et ils sont profonds et vivants ! Mais elle n'a jamais su, ni pu les exprimer à sa guise. C'est là son drame et la faute capitale, impardonnable, que son père comme sa tante ont envers elle. Sans l'attitude qu'ils prirent très tôt envers l'enfant, puis l'adolescente, il n'est pas douteux que Catherine, se sentant aimée et soutenue par ceux à qui elle portait une telle confiance, eût mieux affronté le problème Townsend et elle eût compris plus tôt ce qu'il était : un banal coureur de dots qui ne méritait en rien qu'elle jetât un regard sur ses pitreries. Catherine croit à la sincérité de Townsend parce que, un petit moment, il lui apporte (ou plutôt feint de lui apporter) ce dont sa nature à tellement soif : compréhension, admiration, affection et ... considération.

Et quand se clôt l'ouvrage, avec une Catherine Sloper, désormais orpheline de père et âgée d'une quarantaine d'années, qui refuse sa porte, malgré les supplications d'une Lavinia qui vient de retrouver une occasion de vivre à nouveau par procuration, à un Morris Townsend désormais doté d'une calvitie naissante et qui a pris pas mal de kilos, une Catherine qui retourne tout tranquillement à l'ouvrage de dame sur lequel elle travaillait, le lecteur sait qu'elle ne sortira plus d'elle-même parce qu'elle a souffert moins de la comédie de Townsend que de l'abandon dans lequel la laissèrent pendant tant d'années, tout en se moquant de ce qu'elle éprouvait en elle-même, et son père, et sa tante. ;o)
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Une fois encore, je pars à la découverte des classiques et je découvre ce petit bijou de Henry James.

Le docteur Sloper, veuf et ayant une certaine renommée, vivant à Washington Square, considère que sa fille n'est pas très intéressante ni très attrayante. Pour autant, il se permet d'interférer dans sa vie personnelle et amoureuse.

En effet, Catherine rencontre Mr Townsend et tombe amoureuse de lui. Ce dernier lui fait une cour assidue. La tante de Catherine, Mrs Penniman, qui vit avec eux et qui a un petit penchant pour les commérages et ce qui ne la regarde pas, se permet également de prendre ses aises et de se lier d'amitié avec ce dernier afin de jouer les entremetteuses.

Cependant, le docteur Sloper n'aurait-il pas raison de se méfier ? Catherine devant hériter d'une jolie somme d'argent après son décès, Mr Townsend, qui ne travaille pas, se révèle petit à petit intéressé plus par la dot que par Catherine...

Au fur et à mesure, on se pose la question de savoir ce qui le motive réellement... et pourtant, la fin est inattendue...

Je recommande.
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plutôt désuet ,
le sujet reste cependant d'actualité,
un chasseur de dot manigance pour épouser une riche héritière sans beauté et sans esprit protégée par un père rigide et froid et quelque peu manipulée par sa tante qui ne semble avoir comme sel de sa vie que cette histoire
on a l'impression que les personnages passent leur temps à ne rien faire
c'est une étude de moeurs mais que j'ai trouvée pas assez approfondie
et qu'en est-il vraiment des sentiments ?
la lecture en est cependant bien agréable,
un peu déçue.
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De temps en temps, j'aime bien lire des romans classiques, pour changer d'univers et de style.
Ce fut le cas avec Washington square de Henry James. le Dr Sloper est un grand médecin réputé qui vit à New York. Sa femme bien aimée et un fils en bas âge sont morts. Il a une fille unique qui s'appelle Catherine. Selon lui et selon les critères de la société du milieu du XIX ème siècle, elle n'est ni très jolie ni très intelligente juste d'une santé robuste et pourvue d'un bon caractère. Lorsque Catherine tombe éperdument amoureuse de Morris Towsend, son père est inquiet car le jeune homme est beau, a un esprit brillant mais n'a pas de métier et semble uniquement intéressé par la dot et l'héritage de Catherine. Son père lui interdit alors de l'épouser sous peine de perdre l'amour de son père et son héritage. La jeune fille est un peu perdue et prie son fiancé d'attendre.
L'intrigue est assez classique, le rythme un peu lent, pas beaucoup d'actions mais à ma grande surprise j'y ai pris beaucoup de plaisir grâce au style et à l'humour et l'ironie mordante de l'auteur. Un roman plutôt noir.
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"Pauvre Catherine !" c'est la première réflexion qui vient à l'esprit une fois la dernière page tournée. La pauvre héroïne de cette histoire, Catherine Sloper, est une jeune héritière, ni très jolie, ni très intelligente, mais possédant un coeur généreux et aimant, qui vit dans une grande demeure bourgeoise à New-York, avec son père, un médecin réputé, riche et mondain, et une tante trop romanesque, plus stupide que méchante.
La jeune fille ne connaît rien des passions amoureuses et sa vie s'écoule, calme et monotone entre les quatre murs de l'imposante maison. Lors d'une soirée mondaine, Catherine rencontre le séduisant Morris Townsed, qui tombe amoureux d'elle au premier regard. Ou plutôt après avoir appris son statut d'héritière. Mais la jeune naïve, ne se rendant compte de rien, ne demande qu'à répondre à cet amour si peu sincère, poussée en cela par sa sotte de tante, qui n'a d'autres intérêts dans la vie que d'échafauder des intrigues amoureuses afin d'avoir sa part de romanesque. Seul le docteur, homme froid et lucide, à la clairvoyance impitoyable, a démasqué le coureur de dot sous le masque de l'amoureux transi. Après avoir tenté en vain de raisonner sa fille, il choisira alors de la déshériter pour lui ouvrir les yeux, et la pauvre fille, assistera impuissante, et le coeur meurtri, à la fuite de son fiancé indélicat.

C'est certainement l'un des romans les plus cruels de Henry James. Il nous offre le portrait d'une société en pleine mutation, et celui d'une caste arriviste et uniquement attachée aux apparences, rejoignant en cela les visions d'Edith Wharton de la société bourgeoise New-yorkaise. Ce n'est pas l'intrigue qui compte, puisqu'on sait dès les premières pages que le coureur de dot sera bien vite démasqué, mais les relations entre ces personnages qui, pour des raisons différentes, volontaires ou involontaires, et par des moyens divers, arriveront tous au même résultat : blesser la jeune fille et lui broyer le coeur. A ce titre, Townsed est peut-être le plus excusable. Au moins il a pour seul motif l'argent, il est étranger à Catherine, et il n'est que l'archétype du coureur de dot, mais sa famille a moins d'excuses. le docteur n'est pas si attaché à sa fortune, mais c'est un homme froid et ironique qui n'a que peu de considération pour sa fille qu'il juge idiote et indigne de lui. Il s'est quelque peu amusé, de manière bien cruelle, à ses dépens. La tante ne vaut guère mieux. Stupide, entêtée, manquant de tact et de finesse, elle ne s'apercevra pas une fois qu'en empirant les choses, en persuadant la jeune fille, elle a manqué à tous ses devoirs, et loin de la protéger, elle a irrémédiablement blessé sa nièce.
Reste cette pauvre Catherine qui a découvert qu'elle n'était pas aimée pour elle-même. Ni par son fiancé, ni par son père, les deux seuls êtres qui lui étaient chers.
Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
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La carrière prolifique de Henry James (plus de vingt romans et cent nouvelles, pour ne parler que de la fiction) a laissé derrière elle une grande variété de choix au lecteur curieux : des textes les plus courts aux parutions les plus monumentales, du roman pseudo-victorien des débuts à l'expérimentation symbolique et moderne des dernières années, c'est toute une éducation littéraire qui attend celles et ceux qui ont le goût, le temps voire même le courage de parcourir une oeuvre aussi riche et exigeante. Dans cet océan presque infini, Washington Square présente des caractéristiques propres qui, me semble-t-il, en font peut-être l'introduction la plus propice à l'écriture de cet auteur majeur.

Ce court roman reprend à son compte la trame narrative des grands succès de Jane Austen (les espoirs matrimoniaux contrariés d'une jeune femme dépendante de circonstances extérieures). Son format est extrêmement classique ; le narrateur y opère avec un mélange de précision et de détachement qui tient le lecteur en permanence au point d'équilibre où naît le suspense ; et c'est sur ces bases familières que Henry James ajoute, d'abord très imperceptiblement puis de façon plus appuyée à mesure que les chapitres s'enchaînent, l'épaisseur dramatique supplémentaire que sa virtuosité à dresser des portraits psychologiques confère à ses intrigues. Catherine Sloper, son héroïne dénuée des qualités ordinaires d'une héroïne, se donne ainsi à voir au lecteur d'abord comme à travers une vitre, comme une chose étrange et presque pathétique, avant que, par le jeu complexe de focalisations variables, ce ne soit à elle que, progressivement, l'on finisse par s'identifier. Il est alors déjà beaucoup trop tard : là où Jane Austen avait maintenu ses jeunes femmes toujours tout près de la surface de l'eau, Henry James refuse l'issue heureuse de la comédie romantique pour réserver à la fille du terrifiant Dr Sloper le rôle d'une tragédienne prostrée, interdite de grandeur et vouée à un malheur silencieux et résigné—une noyade en bonne et due forme, à coups de sacs de lest dont le narrateur s'assure que le lecteur connaît le poids de chacun. Tout cela se passe avec méthode, comme un accident de la route programmé et filmé au ralenti, et de l'infinie dureté du destin triste de Catherine, prise entre un père glaçant et un amant qui ne désire chez elle que sa fortune, s'échappe, presque par miracle, un parfum de mélancolie d'une poésie troublante.

Washington Square n'a certes pas l'ampleur de souffle des romans plus épais de James tels que Portrait de femme ou Les ailes de la colombe, mais c'est précisément dans son sens de la mesure qu'il révèle l'immensité du talent de son auteur, sa capacité à briller tout autant dans les intermèdes que dans les morceaux de bravoure, sans rien sacrifier aux thèmes et au style qui lui sont chers. Celles et ceux qui préfèrent la musique de chambre aux symphonies devraient être comblés.
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Le docteur Sloper est veuf, il a perdu sa femme adorée peu de temps après la naissance de leur fille Catherine. Justement, le docteur Sloper aurait préféré avoir un fils, mais il a Catherine. Catherine n'est pas très intelligente, ni très vive d'esprit, ni même séduisante. Mais elle est simple et sa vie s'écoule paisiblement entre son père et la soeur de ce dernier qui vit avec eux depuis son veuvage. Alors quand Morris entre en scène et dit vouloir épouser Catherine, son père fait vite la relation avec la rente et l'héritage de Catherine et est persuadé que cette homme, qui n'en veut qu'à son argent, fera le malheur de sa fille. Il s'oppose à ce mariage.
Catherine, elle ne veut pas croire que Morris soit ainsi, d'ailleurs, il lui assure qu'il n'en veut pas à son argent.
Catherine se retrouve partagé en son amour pour son père et surtout son admiration et l'amour qu'elle porte à Morris avec qui elle pourrait se marier sans le consentement de son père.
Henry James nous dresse un beau portrait de ce dilemme pour une jeune fille de l'époque.
Bien écrit, j'ai lu ce livre assez rapidement car je voulais savoir ce qu'allait faire Catherine ou si son père allait changer d'avis. J'ai eu bien souvent envie de secouer Catherine.
Une belle lecture
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Ce roman offre tout d'abord l'agrément de retrouver un style classique, une construction impeccable, une présentation minutieuse sans être lourde des personnages…. C'est un roman psychologique d'intrigues amoureuses et matrimoniales, bien daté du XIXème siècle mais d'une grande finesse. La présentation des quatre personnages principaux donne une idée de ce qui se trame à Washington Square, en plein coeur de New York, dans ce milieu bourgeois. le docteur Sloper, tout d'abord, veuf monolithique qui ne parvient pas à aimer sa fille qui lui rappelle, en négatif, par ses imperfections, les qualités de son épouse disparue à sa naissance. Catherine, cette fille, est candide et peu portée à l'introspection, mais c'est elle qui évoluera le plus au fur et à mesure du roman. La soeur de son père, qui vit avec eux et l'a élevée, est parfaitement égoïste sous des dehors de veuve effacée et ne songe qu'aux petits plaisirs apportés par les intrigues, les dissimulations et les mensonges. Morris, enfin, est un coureur de dot typique tant par son allure avantageuse que par son incapacité totale à subvenir seul à ses propres besoins !

Je me rends compte que je manque de références et de points de comparaisons, car je lis assez peu de romans de ce style et cette époque, mais j'ai été séduite par sa finesse psychologique et l'ai dévoré d'une traite ! D'Henry James, je ne connaissais que le tour d'écrou, magnifique mais dans un registre totalement différent.
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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Un excellent roman par un grand maître du réalisme du XIXè, et ce réalisme est "à l'américaine", c'est à dire très direct, très manichéen.

Le riche et célèbre docteur Sloper a une fille unique appelée Catherine, peu favorisée par la nature, terne, mais très têtue pour ne pas dire bornée. A cette époque et dans ce milieu, la vie sociale était riche et intense. le docteur qui était veuf, vivait avec l'une de ses deux soeurs, veuve aussi, une femme très romanesque et assez sotte, Mrs Penniman, une vraie péronnelle. Lors d'une fête chez des cousines, Catherine croisera un beau jeune homme, Morris Townsend trop à l'aise, parlant bien et habillé avec soin. La pauvre fille s'éprendra au premier coup d'oeil du fat personnage, lequel saura très vite que Catherine est une riche héritière. L'occasion est trop belle pour Morris qui est un chasseur de dot car il n'a aucune formation, n'a jamais travaillé et a dilapidé en quelques années sa fortune personnelle, mais la chose la plus abominable est qu'il vit aux crochets de sa soeur, une femme veuve et qui élève seule cinq enfants encore jeunes.
Le docteur fera tout son possible pour rompre cette relation, mais Catherine lui tient tête...
La fin est terrible et rien n'est épargné au lecteur car dans ce roman on appelle "un chat, un chat".
C'est très bien vu au plan psychologique.
Le livre fourmille de mille détails et notamment de la description d'un New York bucolique à quelques mètres de Times Square...
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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