Dominique Jameux, qui a été un excellent animateur sur France Musique, notamment lorsqu'il présentait un créateur et son oeuvre dans l'émission-fétiche intitulée "Le matin des musiciens", a écrit, il y a déjà longtemps, ce portrait de Richard Strauss pour la série Solfège, au Seuil.
Pour ceux qui ne savent pas, inutile de chercher un lien de filiation ou de faire une confusion avec la famille des Johann et Josef Strauss, compositeurs de valses viennoises, renversantes de beauté mais faussement synonymes de société heureuse.
Richard Strauss est né à Munich, le 11 juin 1864, quatre ans après Gustav Mahler, né à Kalischt en 1860, et, à la différence de ce dernier, il a traversé les deux conflits, en ayant la chance de pouvoir continuer son oeuvre créatrice, s'illustrant dans le
poème symphonique - Don Juan, Till Eulenspiegel, Mort et Transfiguration, Vie d'un héros - ou dans la symphonie - le "sommet" étant la "Symphonie alpestre", cent fois plus belle pour sa richesse thématique et mélodique que la Sinfonia Domestica -, ou bien encore dans la forme concertante - et nous y rangerons le très beau
Don Quichotte pour violoncelle et orchestre ; mais il ne dédaigna pas non plus, bien au contraire, la voix : il nous a, en effet, légué des cycles de lieder - dont les Quatre derniers constituent à mes yeux l'un des chants du cygne de la musique post-romantique, tout comme Mahler, qui avait composé lui aussi des recueils de chants pour voix et piano et/ou pour voix et orchestre.
Richard Strauss, et c'est ce qui dans les genres exploités le différencie de Mahler, aimait d'autant plus la voix que, sensible aussi bien à Mozart qu'à Wagner, il composa de nombreux opéras : clin d'oeil néo-mozartien du Chevalier à la rose, pleine innovation et modernité affirmée dans salomé (livret
Oscar Wilde), "faux" néo-classicisme aux accents contemporains dans d'autres oeuvres lyriques. Un grand créateur donc, mais parfois pas sans artifice, même lorsque c'est sublime, ce que ne soulève pas
Dominique Jameux, qui a peut-être cru que Strauss resterait plus célèbre que Mahler dans "l'école néo-romantique". Aujourd'hui, on peut constater que Mahler a sans doute pris plus de risques que son contemporain, sur un laps de temps plus court que ce dernier, et que Mahler l'emporte un peu dans tous les exercices de comparaison - cela dit sans désobligeance à l'égard de Richard Strauss, qui mérite toute notre admiration, et restera, de tout façon, l'un des plus grands compositeurs de son temps.
Toutefois, et c'est encore une des petites - très petites - faiblesses du livre de Dominique Jamaeux, il faut convenir que, sur le plan personnel, Richard Strauss était assez médiocre, qu'il ne vivait pas que pour l'art, en dépit des apparences.
Et puis, il faut ne pas oublier qu'il s'est égaré un moment - un moment seulement -quand Hitler et les nazis sont arrivés au pouvoir. Strauss a survécu au Second Conflit mondial, et est mort, comme il avait toujours vécu, en 1949.
Le livre de
Dominique Jameux sur Richard Strauss est, au total, malgré quelques réserves, le meilleur moyen de découvrir cet artiste. Il est resté un classique dans ce domaine, et je le tiens pour incontournable.
François Sarindar