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*** rentrée littéraire 2020 # 31 ***

Le contenu de ce surprenant roman est tout aussi intrigant que son titre. La femme-écrevisse est une gravure représentant une créature à corps de femme dénudée avec une tête et des pinces d'écrevisse. Elle se transmet depuis des générations dans la famille von Hauser et possède un pouvoir révélateur qui pousse à se métamorphoser trois personnages hyper sensibles, vivant à trois époques différentes au sein d'une société qui ne leur convient pas.

Dès les premières pages, j'ai été happée par l'écriture précise et crue de l'auteure, sur les pas de Margot, qui entre en 1642 au service du Peintre ( rapidement identifiable ), dans l'atelier duquel elle découvre les gravures de la femme-écrevisse. le chapitre qui lui est consacré est le plus intéressant, le plus saisissant. La force d'attraction de la créature qui appelle Margot est remarquablement rendue, tout comme l'obsession qui la saisit au point de la transformer en une femme libre, forte, émancipée, assumant ses choix au point d'être violemment rejetée par la société de l'époque.

Les deux chapitres suivants sont consacrés respectivement à deux descendants de Margot : Grégoire, jeune homme torturé de la fin du XXème siècle ; et Ferdinand, son grand-père, acteur de cinéma dans les années 1920 à Berlin. Comme Margot, eux aussi sont animés par une même passion pour la femme-écrevisse qui va les conduire à se révolter contre leur famille, contre la société, à se métamorphoser. Tous ont le courage d'affronter leur part de radicalité et de liberté, quitte à basculer aux confins de la folie.

J'ai énormément apprécié cette thématique de l'oeuvre d'art qui nous connaît mieux que nous-mêmes, qui annonce à des « élus » ce qu'ils vont devenir, à la manière du portrait de Dorian Gray ; ce qui distille une ambiance à la fois mystérieuse et inquiétante que l'auteur parvient à maintenir de bout en bout. J'ai regretté de voir la femme-écrevisse moins présente dans les chapitres sur Grégoire et Ferdinand, mais son omniprésence dans le récit centré sur Margot laisse une empreinte tellement forte dans l'esprit du lecteur que son absence, puis son attente, créent une tension durable.

Cette dernière retombe dans les descriptions des scènes de cinéma auxquelles participent Ferdinand, mais cet assoupissement a pour effet d'amplifier l'uppercut des pages hallucinées sur les collusions entre la famille von Hauser et le nazisme. Elles sont absolument remarquables, et en soi, le roman aurait pu s'arrêter là, sans un épilogue très étiré et trop explicatif. C'est quand le roman déploie son mystère étrange que sa puissance prend une tournure extrêmement troublante et singulière et qu'il convainc le mieux.

Lu dans le cadre des Explorateurs de la rentrée Lecteurs.com
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«  La femme— écrevisse est hors de tout ça . Elle appartient à une mythologie peuplée de créatures à jambes et carapace , dont on a oublié les auteurs , dont on a même oublié les trames, et surtout les croyances . Une mythologie qui ne sépare plus; elle ne se situe ni parmi les martyrs , ni parmi les sauvés. Elle danse entre les deux , à mi- chemin de la bête et de l'homme » .

Un extrait de ce livre en clair - obscur, l'histoire d'un Tableau né d'un esprit tourmenté , celui d'un Peintre du Siècle d'Or à nos jours, la femme écrevisse : corps de femme dénudé avec une tête et des pinces d'écrevisse , une curiosité intrigante , mystérieuse , troublante qui va cheminer de siècle en siècle , obséder trois personnes de 1642 a 1999, les thèmes se font écho à travers les époques depuis Margot von Hauser , maîtresse du Peintre, jalouse , jalouse obsessionnelle ... jusqu'à l'internement , puis Berlin : 1920, Ferdinand von Hauser, devenu acteur, homme à femmes, chez qui sommeille de multiples personnalités et un incontrôlable délire alors qu'il adulait la femme -écrevisse enfant , Paris : 1999, Grégoire von Hausen qui se croit libre de quitter son pays , d'aimer une inconnue et de choisir sa vie .
...
Las! Trois générations et certains héritages où là malédiction se transmet de génération en génération tel un cancer on un crabe qui vous abîmerait de l'intérieur , vous rongerait jusqu'à l'os ...
Qui vous distillerait son étrange poison , vous obsèderait jusqu'à vous faire perdre votre âme .....
«  La femme -écrevisse » ou la folie, la démesure et la création, l'amour destructeur ou rédempteur , la sauvagerie et l'animalité , la jalousie , la démesure, la prédestination, L'ART sont étonnamment liés !

Un ouvrage à l'écriture crue , précise, vive , sensible , troublante , évoquant l'éternelle hyper - sensibilité des artistes , leurs approches répétitives , leurs obsessions à travers la reproduction d'une gravure.

Une lecture troublante , surprenante , hors norme, forte et humaine à l'aune de L'ART et de la CRÉATION.
À découvrir ! Choisi à cause du titre !
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Le récit commence à Amsterdam en 1642 : Margot qui vient de se faire engager par celui qu'elle appellera toujours le Peintre, pour s'occuper de son fils Titus. Il lui montre l'art de la gravure, dans son atelier, et lui apprend la méthode, devenant au passage son amant. Mais, le Peintre a des dettes et voit d'un mauvais oeil le désir de Margot de reproduire la femme-écrevisse qui l'obsède.

On va suivre à travers les descendants de Margot, le voyage de la gravure jusqu'à nos jours en faisant la connaissance, dans un premier temps de Grégoire et Lucie, à Paris qui mènent une vie un peu étrange, leurs parents étant la plupart à l'étranger, les relations entre eux tendues, à l'ombre de la femme-écrevisse.

La gravure est en elle-même un personnage à part entière du roman, prenant parfois la parole. Elle m'a fait penser à « La peau de chagrin » De Balzac, et au « Portrait de Dorian Gray » d'Oscar Wilde toutes proportions gardées bien-sûr. Comment ne pas évoquer, à travers les eaux fortes, le beau roman « Terrasse à Rome » de Pascal Quignard

Le passage traitant de la parthénogenèse de l'écrevisse marbrée qui intéresse beaucoup Lucie m'a beaucoup amusée. Tout tourne bien sûr autour de ses adorables petites bêtes.

Grégoire a une relation très (trop) étroite avec son grand-père, Ferdinand von Hauser, acteur dans les années vingt à Berlin au grand dam de son père qui tient en horreur le passé nazi de la famille von Hauser qu'il a préféré changer de nom, Ernst devenant Yves Crebsin. Krebs ! On est toujours dans les crustacés.

Ferdinand l'emmenait au zoo tous les samedis, lui promettant l'arrivée de deux dragons de Komodo qui ne sont jamais arrivés et pour cause, il n'en avait jamais été question, mais il pensait stimuler l'imaginaire ou la patience de l'enfant qu'il était alors.

Ce fût un plaisir de retrouver Nietzsche que l'on croise à Turin alors qu'il commence à plonger dans le marasme, ce que Grégoire appelle « la nécrose turinoise de Nietzsche » et dont il parle sans se lasser à table alors que son père enrage, cherchant à tout prix à le faire taire…

J'ai aimé la manière dont Oriane Jeancourt-Galignani a structuré son roman, évoquant trois périodes importantes : Margot apprenant à graver avec la Peintre dont je vous laisse deviner le nom, ce qui n'est pas difficile à deviner et d'ailleurs l'auteure révèlera assez vite, et leur relation amoureuse va aboutir à l'enfermement de la femme. C'est cette partie que j'ai le plus appréciée.

Puis, au cours des siècles, entre les mains la gravure va passer entre les mains de plusieurs descendants de Margot, parmi lesquels : Grégoire et Lucie, leurs parents très bizarres, le grand-père haut en couleur et on ne peut pas dire que ce soit sans conséquences fâcheuses sur leur santé mentale, la folie semblant accompagner certains très loin…

En découvrant le carnet de rôles de Ferdinand, on voit monter l'antisémitisme (sa propre mère est une fervente adepte de Hitler) et les termes employés autour de « la bête immonde » sont nauséabonds… on rencontre les cinéastes qui ont marqué l'époque : Lubitsch, Murnau, Lang notamment.

On suit aussi les différents exils de la Russie, au moment de la révolution, à Berlin, puis Paris, ou encore Londres. Chacun court à la poursuite de sa vie, de son identité quitte à sombrer dans la folie.

J'ai aimé les répétitions qu'utilise souvent Oriane Jeancourt-Galignani, de manière entêtante, comme un TOC et qui donne un rythme particulier à un récit qui l'est tout autant. J'ai essayé de ne rien divulgâcher, ou le moins possible, pour donner envie de lire ce livre hors du commun.

Je trouve, au passage, que l'auteure a bien en évidence l'hypersensibilité des artistes, et la manière dont ils tutoient souvent la ligne rouge entre le réel et le virtuel, quitte à la dépasser parfois, ce qui est le cas ici, qu'il s'agisse de la peinture, du cinéma et parfois la musique avec une ode aux disquaires lors du passage à Londres de Grégoire… Comment ne pas penser aussi à Vincent van Gogh?

On peut se demander si la reproduction d'une gravure telle que la « femme écrevisse » de manière répétitive, quasi obsessionnelle fait plonger l'artiste dans la folie, ou si c'est la folie qui est représentée sur la gravure avec cette femme nue avec une tête et des pinces. C'est du moins ce que j'ai ressenti en lisant ce roman qui m'a beaucoup plu avec un épilogue génial.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteure.

#Lafemmeécrevisse #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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J'errais sur NetGalley à la recherche d'un titre de la rentrée littéraire dont je n'aurais pas encore entendu parler (je n'avais pas envie de lire et de chroniquer le même livre que tout le monde, pardon pour cette coquetterie), et j'ai choisi La femme écrevisse parce que son titre m'a interpellée, puis la 4ème de couv m'a enthousiasmée et décidée.

C'est un livre qui offre plusieurs facettes.

La première, c'est celle de la 4ème de couverture. Elle n'est pas là par hasard : son fil est aussi repris par l'auteure elle-même dans une vidéo diffusée par sa maison d'édition. Ce fil a l'air fait pour moi : celui d'une étrange gravure de Rembrandt qui se transmet dans une famille depuis le 17ème siècle et incarne (déclenche ?) la folie de ses membres à chaque génération, dont trois sont évoquées, au 17ème siècle d'abord, puis en 1920 et enfin en 1999. Quel superbe fil conducteur ! D'autant plus que me suis jetée sur google pour voir la gravure… qui semble ne pas exister. La première rage passée, j'ai évidemment compris que c'était la moindre des choses et je n'ai pas cherché davantage à vérifier si je me trompais : à chacun d'imaginer sa femme écrevisse, qui est décrite assez en détail dans le livre pour la voir clairement dans son esprit, mais assez peu pour laisser la place à ses propres zones d'ombre.

Mais curieusement, le fil conducteur n'est clair et chronologique que dans sa 4ème de couverture : le livre ne présente pas les choses dans cet ordre et il désarçonne le lecteur, qui voit surgir des personnages sans savoir encore qui ils sont (à moins d'avoir appris par coeur la 4ème de couv, ce qui n'était pas mon cas). Certes, ce choix pourrait ne pas désorienter, mais il est accentué par l'écriture, qui m'a gênée. Je pourrais la qualifier de poétique, et de fait, elle est souvent très belle. Mais elle empêche souvent de se faire des repères dans l'histoire : non pas que les repères n'existent pas, puisque l'histoire est très construite ; mais on ne sait jamais quand on va les avoir, et ils peuvent arriver tard, après de longs passages où on ne sait pas exactement ce qu'on lit… du moins moi, je ne le savais pas. Pour autant, je me rends bien compte en écrivant cette phrase que je révèle tout autant mon propre besoin de structure et de rigidité qu'un quelconque manque du côté de l'auteure… Alors voilà, cette chronique commencée en forme de chronique menace de se finir sur la pente glissante de l'introspection : je vais donc m'empresser d'arrêter là !

Sans doute un livre pour amateurs de poésie, pour celles et ceux qui n'ont pas peur de lâcher prise et qui acceptent de s'avancer dans des profondeurs humaines inquiétantes au rythme de vagues qui permettent, tout au long du livre, de respirer, mais uniquement aux moments choisis par l'auteure. Pas un livre à mettre dans toutes les mains… mais dans les vôtres, peut-être ?
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Sentiment mitigé. Ce livre fait partie de ceux, nombreux, qui placent un tableau (ici une gravure) au centre de l'histoire (on songe au Tableau du maître flamand, La jeune fille à la perle, le portrait - Nikolaï Gogol - et même le portrait de Dorian Gray, parmi bien d'autgres) pour lui faire jouer un rôle ici maléfique, comme c'est assez souvent le cas des bouquins usant de cet artifice.
Contrairement à beaucoup je n'ai guère aimé la première partie du livre centrée sur Rembrandt et Margot von Hauser. On comprend bien que l'auteure a voulu adopter un style qui correspond à l'oeuvre mais, justement, j'ai trouvé ce style peu adapté à l'oeuvre et à ce que devait être la société néerlandaise de l'époque et, de manière générale, j'ai trouvé ce style ampoulé et pompeux, flirtant parfois avec les limites du ridicule.
J'ai failli abandonner au premier quart pour décider finalement de continuer la lecture après avoir lu quelques critiques sur Babelio. Les deux autres parties, centrées sur les histoires plus contemporaines de Grégoire et son grand-père Ferdinand von Hauser, lointains descendants de Margot (on ne nous révèle pas comment la pauvre servante hollandaise a pu devenir l'ancêtre d'une illustre famille d'aristocrates allemands mais passons...). le style m'y a semblé plus supportable et le récit un peu plus structuré, même s'il est toujours question de folie induite par la contemplation de cette femme-écrevisse. Grégoire égaré dans les rues de Londres des années 90 et Ferdinand tout aussi égaré dans les studios de Babelsberg (Berlin) dans les années 20-30 avec la montée du nazisme en arrière-plan m'ont semblé plus attachants (même si guère sympathiques, surtout Ferdinand) et plus clairement porteurs d'un mystère qui soutient l'attention dans la lecture. Quelques réflexions originales sinon intéressantes aussi sur le nazisme demeurant tapi dans les replis d'une démocratie honnie par les aristos de tous poils mais aussi une attaque assez claire de la démarche féministe dans la relecture de l'histoire. Etrange bouquin dont le message n'est décidément pas clair. J'ai donc décidé de le laisser au niveau d'un récit bizarre au style quelque peu horripilant. Pas détestable mais pas ma meilleure lecture de cette année, loin s'en faut...
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Inventer une eau-forte créée par l'un plus grand peintre de l'histoire de la peinture pour montrer les liens entre art et folie au cours des siècles, quelle épopée ! Oriane Jeancourt-Galignani raconte l'histoire d'une gravure La femme-écrevisse, que Rembrandt aurait réalisé vers au milieu du 17ème siècle, représentant le bas d'une femme avec la tête du crustacé. Celle-ci a traversé les siècles dans la même famille avant d'être exposée au Louvre dans la salle 33.
En proposant dans « La femme-écrevisse » trois univers à trois dates différentes, Oriane Jeancourt-Galignani construit un roman comme une fresque.
Au milieu du 17ème siècle, Margot accoste à Amsterdam, une ville qui s'invente dite » ville libre, ville élue, lieu des possibles face à la Mer du Nord ». Elle rejoint la maison du Peintre située dans le quartier des nouveaux riches. Elle a quarante ans. Elle est veuve. Elle va s'occuper d'un petit garçon Titus, orphelin de sa mère, et aussi de la cuisine de la maison sous l'oeil d'un tableau emblématique « La fameuse femme-écrevisse ».
L'art du Peintre change en même temps que leur relation devient plus intime et qu'elle est aussi son modèle. Les chairs sensuelles apparaissent, les corps se dénudent. Margot apprend son art, surtout celui de la gravure. Et, puis les grands travaux de la ville atteignent l'atelier déversant une poudre blanche sur tout. La ruine. La folie. L'enferment de Margot dans un asile l'oblige à créer sa gravure qui pourra ainsi traverser les siècles.
Vers les années 1920, Ferdinand s'ouvre à la carrière de comédien dans l'Allemagne qui construit son enfer. Sa famille a son destin lié à l'histoire mais aussi à Rembrandt. « La femme écrevisse » exerce toujours son pouvoir entre fascination et délire. C'est l'époque de la fin de la République de Weimar et la montée du nazisme qui sont traités avec celui du cinéma d'avant la seconde guerre mondiale.
A la fin du XXème siècle, Lucie et Grégoire découvrent « La femme-écrevisse » au Louvre. Peu après, Grégoire, le petite-fils de Ferdinand, s'enfuit à Londres pour récupérer la gravure dans une vieille boutique, ex librairie, transformée en disquaire. Ici, c'est le Londres d'après les Trente glorieuses qui est abordé avec une incursion dans le monde du jazz. Lucie s'empare plus tard de cette figure monstrueuse pour en faire une égérie du féminisme.
Dans « La femme-écrevisse », Oriane Jeancourt-Galignani explique par la fiction le changement constaté dans sa façon de peindre. La transformation, comme la femme-écrevisse, ouvre l'artiste à d'autres chemins pour se réinventer. Rembrandt se montre capable d'une certaine sensualité. L'auteure établit un lien entre son modèle et sa façon de percevoir le monde.
Directrice de la revue culturelle Transfuge, Oriane Jeancourt-Galignani transmet son amour de l'art, ses connaissances et ses références. Mais, ici pas d'explications pédantes, le style est léger et agréable.
Les trois personnages ont en commun leur fascination pour un tableau et leur passion jusqu'en en perdre un peu, beaucoup la raison ! Oriane Jeancourt-Galignani décrit la folie destructrice en instillant du fantastique, celle que tous les passionnés connaissent. Les pinces et la tête difforme de la femme de cette gravure contraignent ceux qui se laissent prendre à sa fascination à une transformation qui peut complétement changé à jamais le cours de leurs vies.
Dans « La femme-écrevisse », Oriane Jeancourt-Galignani présente un roman très abouti qui embarque dans une aventure extraordinaire sur l'art, la métamorphose et la création. Légèreté pour cette aventure épique d'une grande maitrise.
https://vagabondageautourdesoi.com/2020/09/25/oriane-jeancourt-galignani-la-femme-ecrivisse/
Lien : https://vagabondageautourdes..
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Un énorme coup de coeur pour ce roman qui m'a habitée, qui m'a hantée.
Je découvre l'univers, aérien et mystérieux de cette auteure qui nous embarque dans une histoire originale et intrigante, nous plonge dans l'Amsterdam du XVII ème siècle puis nous balade en Allemagne de Hanovre à Berlin puis à Paris.

La femme-écrevisse; une gravure qui depuis 4 siècles change de ville, de propriétaire, de salon. Elle est adulée, adorée, jalousée. Repoussante par sa tête de monstre, intrigante par son corps de femme nue.
La créature vit, elle avance à reculon, se terre dans son trou et observe. Elle magnétise son créateur, le plus grand peintre de l'âge d'or d'Amsterdam '' Rembrandt'' mais aussi des générations d'une grande famille bourgeoise ''les von Hauser''. D'abord, Margot veuve depuis peu, au service du plus grand peintre de l'époque. Elle s'occupe de son fils Titus, s'occupe de lui au lit, l'observe dans son atelier, contemple ses eaux-fortes, ses fusains mais est surtout absorbée par cette gravure troublante, happée par son appel, elle finit au ''Gouda'' enfermée où elle meurt.
Puis, au XXI ème siècle, Grégoire va la contempler à la salle 33 du musée du Louvre, elle l'obsède, s'incruste en lui comme elle l'a fait le siècle d'avant avec son grand père ''Ferdinand'' qui l'a vu la première fois dans le bureau de son père à Saint pétersbourg.
Une histoire écrite au fusain, en relief, parfois lumineuse, d'autre brumeuse, une ambiance vaporeuse y règne, où l'esprit se disperse, où une fêlure finit par briser les âmes.
Se cacher, s'effacer de la vue de cette femme écrevisse, se soustraire aux bruits de ses pinces, à ses murmures incessants. Fuir cette sensibilité, cette folie héritée, ce mal qui persiste depuis longtemps, qui tient tête, exactement comme cette écrevisse marbrée parthénogénétique, qui n'en finit pas de donner, de se multiplier, qui s'ancre au sol, y fait ses racines. S'accepter à défaut de se libérer devient primordial.

J'ai adoré cette lecture, cette écriture concise et fouillée emprunte d'un voile mystérieux enveloppant les différents personnages.
Séduite aussi par ce style et les innombrables références à l'art, au cinema muet allemand, à la mythologie grecque.

Une lecture indispensable de cette rentrée littéraire. Foncez les yeux fermés. La femme écrevisse ne vous laissera pas indifférent.

Lu dans le cadre des explorateurs de la rentrée 2020 de lecteurs.com
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La beauté de la plume permet au lecteur de passer outre le côté pesant de la lecture, impliqué par le récit des descentes aux enfers successives des trois protagonistes, rongés par l'art, par leur obsession pour cette femme-écrevisse, gravure imaginaire. D'ailleurs, comme souvent dans ce type d'ouvrage, bien malin celui qui discernera le réel de l'inventé... (plus d'infos : https://pamolico.wordpress.com/2020/09/18/la-femme-ecrevisse-oriane-jeancourt-galignani/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Ce roman d'Oriane Jeancourt Galignani est étonnant. Il s'agit au départ de la relation entre l'un des Maîtres de la peinture hollandaise du XVIIè siècle, avec Margot, une veuve de militaire, qu'il a recueillie pour s'occuper de son fils. Fleuron de l'âge d'or hollandais, empruntant au maître italien Caravage sa technique du clair-obscur, ce Peintre, désigné ainsi au fil des pages, comme par dédain, surprendra ses contemporains par une gravure étonnante, celle d'une femme à corps d'écrevisse. Loin des toiles plus académiques de cet art figurant habituellement des représentations de scènes bibliques, de hauts personnages, médecins, et autres dignitaires religieux aux chapeaux noirs, cette gravure surprend autant qu'elle attire. Qui a réellement peint cette gravure étrange pour l'époque ? Que représentait-elle pour l'artiste ? Cette femme écrevisse mystérieuse traversera les âges et liera plusieurs destins d'une famille aux lourds secrets. Injustice, désir de vengeance, les personnages, atteints au plus profond de leur être, semblent frappés d'un sort les intimant à réparer un passé dont ils semblent toujours prisonniers.

J'ai aimé les descriptions du travail de l'artiste, et de Margot qui, sous l'oeil du Maître, dessine et utilise ses techniques chimiques, comme une élève appliquée, la rendant émouvante et si proche. A d'autres moments, ce style fin comme un pinceau tranche avec un langage cru. Au moment où le récit nous ramène, telle une machine à remonter le temps, en 1999, nous suivons les héritiers de Margot, Grégoire, Lucie, Ferdinand. J'ai suivi difficilement le parcours chaotique de Grégoire à Londres, dans ce deuxième chapitre très long. J'avais du mal à retrouver l'intrigue de départ. En revanche, Ferdinand, ce grand-père mourant, a permis de me reconnecter avec le tableau et ses mystères. J'ai apprécié sa narration interne et ses tourments d'acteur de second rôle éternel m'ont émue.

Que retenir de ce roman ? L'ai-je compris ? Il est difficile d'en être sûre, tant l'auteure semble brouiller les pistes. Est-il question d'art ? D'histoire ? D'histoire de l'art ? de l'art déformant l'histoire ? L'histoire avec un grand H, celle qui a été retenue par la postérité, restitue-t-elle la réalité ou a-t-elle été lissée de ses aspérités ? Ce n'est pas un scoop : les grands noms de la peinture ont parfois, pour répondre aux nombreuses commandes, et éponger certaines dettes, eu recours à leurs élèves apprentis pour la réalisation de certaines oeuvres. Il n'en est pas moins admis que le mérite n'en revenait qu'au seul Maître. Ce petit homme n'en a sans doute pas moins été un génie de la peinture hollandaise, et cette lecture m'a poussée à découvrir qui il était, à travers ses toiles, gravures mais aussi son parcours.

Malgré quelques longueurs et un chapitre que je n'ai pas réussi à relier à l'intrigue, tant il semble déconnecté, j'ai apprécié la lecture de ce roman. Néanmoins, je n'ai pas eu le coup de coeur, alors que le premier chapitre m'avait semblé prometteur, et tellement bien écrit que j'avais l'impression d'être dans l'atelier de Rembrandt.
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Etrange roman qui tient du fantastique, de Kafka, qui suscite des images poétiques et cruelles à la fois, au style élégant, avec des phrases qui s'enroulent telles les tiges des volubilis, ces fleurs de la nuit … Une prose agglutinante, un peu comme la langue allemande qui juxtapose les concepts dans un même mot …

Trois époques, trois groupes de personnages, des thèmes récurrents autour d'une image fantasmée, celle d'une femme à tête d'écrevisse dotée de pinces et d'antennes, née en 1642 de l'esprit dérangé d'un Peintre célèbre du Siècle d'or hollandais, Rembrandt, excusez du peu.

L'ancêtre, c'est Margot von Hausen, servante et maîtresse du Peintre, qui élève son fils Titus après le décès de sa mère Saskia. Cette femme apprend la technique de l'eau-forte, va copier la gravure, pas seulement sans doute … mais elle en demande trop. le Peintre va se débarrasser d'elle. Mais pas de l'image maléfique.

Retour en 1999, avec Lucie – dix-sept ans – et de son frère Grégoire, qui en a cinq de plus. Leurs parents brillent par leur absence : ils voyagent, ne reviennent que pour repartir, toujours plus loin. Grégoire écrit, dessine, il a du talent que son père ignore. Il souffre. Les jeunes gens vivent dans ce grand appartement vide dont les fenêtres dominent la Seine, face au soleil couchant.

Grégoire est fasciné par cette figure monstrueuse qu'il va sans cesse contempler au Louvre, avec sa soeur … il dérive, et puis il croit pouvoir fuir sa mélancolie à Londres, retrouver la trace de ses racines, dans une librairie où avait ses habitudes son grand-père. Il va y rencontrer un amour infini, qu'il brisera. La femme-écrevisse rend fou.

Dans l'immeuble où habitent Grégoire et Lucie vit aussi le grand-père Ferdinand von Hausen, qui ressasse sa carrière d'acteur de la grande époque des studios de Babelsberg. C'est un personnage-clé. Celui qui explicite la richesse familiale, insubmersible malgré la chute du grand Reich. Mais qui ira demander des comptes aux von Hausen, d'où vient l'argent de ceux qui sont aujourd'hui banquiers, gestionnaires de fonds, promoteurs ?

Oriane Jeancourt-Galignani continue à explorer les thèmes de la solitude, du désespoir, la folie, le suicide (Mourir est un art, comme tout le reste), la responsabilité paternelle – la mort de Titus, le fils du Peintre, ébauche la mort du père, la culpabilité des classes dirigeantes allemandes face au nazisme, à la persécution des Juifs. C'est un cri d'amour pour Grégoire, ce frère trop tôt disparu auquel le livre est dédié, réinventé, et aussi un cri de rage …

Un livre qui vous laisse un goût d'acide à la bouche. Et des pincements au coeur !
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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