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"Féroces infirmes" d'Alexis Jenni est en "quelques sortes" un "prolongement" de "L'Art français de la guerre" sur la Guerre d'Algérie pour lequel l'auteur a obtenu le prix Goncourt 2011.

À travers ce court roman, Alexis Jenni veut marquer les esprits en remontant dans le passé de soldat en Algérie du personnage Jean-Paul Aerbi afin de déterminer les circonstances d'un impact majeur et féroce sur les états psychologique et physiques de ce dernier. On y découvre l'incompréhension, la souffrance, la survie, l'amitié, la perte d'amis et une rencontre amoureuse à laquelle Jean-Paul va s'attacher.
Cette haine féroce, en plus de la découvrir à travers Jean-Paul, on la constate aussi sous l'oeil de son fils Nicolas. Son père et lui vivent sur le même pallier qu'une famille algérienne dont le fils, Nasser, a un comportement plus que suspect.

Au sein de "Féroces Infirmes", Alexis Jenni a découpé le roman en 3 périodes avec des rebonds brefs dans le passé ou le présent pour expliquer et/ou introduire ces périodes : de la plus ancienne à la plus actuelle (Temps des pères (1940-1959) / Monde des hommes (1960-1961) / le chemin des fils (2015).

C'est également un roman à la thématique historique permettant de faire comprendre qu'à travers la littéraire, il y a une nécessité d'exprimer un besoin de mémoire pour raconter les faits passés sans être jugé et expliquer pourquoi.

Enfin, "Féroces Infirmes" est aussi la démonstration de l'impossible réconciliation entre deux peuples : les Algériens, les Harkis et les Français pro-indépendance de l'Algérie ET les Français opposés à la politique de la décolonisation.

C'est un roman plutôt intéressant même si j'ai estimé qu'il manquait quelque chose pour le rendre plus captivant. J'aurais notamment aimé avoir un ressenti actuel à travers la vision de Jean-Paul plutôt que par celle de Nicolas dont on n'apprend pas grand chose des blessures physiques et morales subies par son père. La vision de Nicolas est plutôt accès par sa peine de coeur, ce que je trouve dommage, mais je recommande tout de même la lecture de ce roman. Bonne lecture!
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Comme dans son roman L'art français de la guerre, Alexis Jenni nous amène à comprendre les logiques qui entrainent un individu "basique" à intégrer la logique de la guerre. Héros au service de la nation en temps de conflits, ils font le job, poussez qu'ils sont à faire le sale boulot par ceux de "l'arrière". Les mêmes qui les abandonneront, voir les critiqueront à leur retour. Parts d'ombre de la réal politique, personne ne donne les moyens à ces soldats de revenir à l'apaisement, traumatisés qu'ils restent des horreurs de la guerre.
Je comprends mieux le comportement, l'air sombre de ceux qui sont revenus d'Algérie et que j'ai croisé adolescent.
Evidemment l'auteur ne cautionne pas, il est dans le constat.
Un livre utile intellectuellement et bien écrit.
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Décomposition morale

Mais comment ai-je fait pour passer aussi longtemps à côté de cet auteur ? Prix Goncourt pour « L'art français de la guerre », Alexis Jenni se penche dans ce roman sur un thème déjà maintes fois abordé : le rapport de français et d'algériens dans la guerre d'Algérie.

Le premier infirme du récit est Jean-Paul Aerbi. Né en pleine Seconde Guerre Mondiale dans la région lyonnaise, Jean-Paul n'a pas eu une enfance très heureuse sous la férule d'un père collabo qui a dû fuir la France. Il forge son caractère dans le rejet d'un père ignoble. La concupiscence, les petits arrangements avec la morale ne font pas partie de sa « formation » intellectuelle. Il forme un groupe soudé d'amis avec André Garabédian, arménien, et Michel Svartz, juif d'origine hongroise. En dehors de cale, son adolescence apparaît assez banale entre cours séchés pour jouer au flipper, tergiversations vis-à-vis de la gente féminine et des potes, peu nombreux mais indéfectibles.

Jean-Paul va ainsi petit-à-petit sombrer dans un relatif ennui dont la guerre d'Algérie va le sortir au début des années 1960. Elle va même l'en sortir de façon brusque et violente… Parti de France avec une fiancée, il la quitte pour une jeune fille rencontrée sur place avec laquelle il vit un véritable coup de foudre. Parti de France avec une morale plutôt équilibrée, il rentre, seul, avec un coeur et un cerveau remplis de rancoeur, de haine, de dégoût et de rejet. Un programme chargé pour un esprit devenu malléable et perméable aux idées les plus nationalistes.

L'autre infirme du récit, c'est le fils de Rachid, Nasser, qui habite dans la même barre d'immeuble que Jean-Paul, logé par son fils, Nicolas. Nicolas est aussi une sorte d'handicapé, vivant dans la détestation de son père, racisme au premier degré, dans l'amitié qu'il porte à Rachid et dans la crainte de la tournure que prennent les engagements religieux extrémistes et communautaristes de Nasser.

Racisme, dérives nationalistes et sectaires, rejet de l'autre, déçus des politiques passées et présentes, le roman d'Alexis Jenni a beau aborder une période de l'histoire franco-algérienne archi rabâchée, il le fait d'un point de vue original et avec une forme parfaitement maîtrisée.

Il part avant tout de deux voix qui s'entremêlent : celle d'un père et celle de son fils, Jean-Paul et Nicolas. Alexis Jenni ne fait pas de Jean-Paul un être angélique ni un salaud de bout en bout. Son personnage ne devient un fieffé salaud qu'à partir de la guerre d'Algérie. Son enfance et son adolescence sont assez classiques et n'augurent pas du changement de personnalité. Ce qui n'est pas sans rendre ce retournement psychologique plus complexe à appréhender que s'il ne faisait que se placer dans un héritage familial et paternel fondé dans la collaboration.

Alexis Jenni structure son récit en trois temps : le temps des pères, dans lequel il fait des allers-retours entre 2015 (période où se déroule le récit) et la période entre 1940 et 1959 (soit l'enfance et l'adolescence de Jean-Paul AVANT son départ pour l'Algérie), le monde des hommes qui se concentre sur les années 1960-1961 passées par Jean-Paul en Algérie, et le chemin des fils qui, une fois encore, oscille entre la vie de Jean-Paul APRES son retour d'Algérie et 2015 avec Nasser qui, sans être vraiment présent dans les événements relatés, n'en occupe pas moins une place centrale.

Ce livre est la description de la décomposition morale et physique d'un homme, Jean-Paul, à travers les événements qui se sont déroulés en Algérie, impliquant le FLN, l'OAS, et qui se poursuit en France avec la montée de la colère à l'encontre du Général de Gaulle et de ses prises de position dans l'indépendance de l'Algérie, l'émergence de nouveaux fascistes, de nouveaux racistes, de nouveaux terroristes. Alexis Jenni le dit clairement : « la décomposition est un processus lent et continu, à partir d'un tout petit foyer qui s'agrandit et se répand ». En cela, il se rapproche de la vision d'un Frédéric Paulin (voir « La guerre est une ruse », « Prémices de la chute » et « La fabrique de la terreur ») qui place le terrorisme actuel dans la continuité de ce qui s'est passé à partir des événements algériens.

Le livre d'Alexis Jenni est aussi un livre qui exprime le besoin de mémoire pour raconter les atrocités, pour narrer des faits sans porter de jugement, juste pour ne pas oublier et expliquer pourquoi, encore 50 ans plus tard, certains ne parviennent toujours pas à oublier. Ce roman décrit l'impossible réconciliation entre les algériens, les harkis, les français pro-indépendance et les français qui se sont opposés à cette politique de « décolonisation ».

« Féroces infirmes » fait partie de ces livres essentiels, indispensables, primordiaux, vitaux de part leurs thématiques… mais qui sont en plus construits et écrits avec un style impeccable. A lire absolument !

Lien : https://garoupe.wordpress.co..
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« Féroces infirmes » : Alexis Jenni (Folio, 330p)
Au début du roman, on voit le fils, adulte falot et sans épaisseur qui pousse dans son fauteuil son vieux père certes impotent, mais vieille ordure à la langue de vipère, pur produit raciste et fasciste pas guéri de cette guerre d'Algérie que, comme tant d'autres jeunes hommes, il a dû faire en tant qu'appelé du contingent. On découvre donc quelques bouts de vie de ce couple improbable, le fils et son père dans une cité de la banlieue lyonnaise, et surtout les souvenirs en éclats épars de celui qui fut un jeune homme ordinaire et devint un salaud ; et qui semble presque jouir de la charge empoisonnée qu'il fait subir à son fils. le roman alterne donc entre deux personnages qui se font tour à tour narrateurs, le père et le fils, deux périodes, 1960 à 1962 en Algérie et en France, et de nos jours dans une banlieue lyonnaise. Sur la mémoire de guerre, on s'attend tout de suite au pire, et le pire advient, mais il est plus évoqué que décrit précisément, c'est surtout le cheminement mental d'un soldat presque comme un autre, mais qui va se faire bourreau. Bourreau malgré lui ? C'est ce qu'aimerait penser son fils, pris dans un conflit de loyauté entre un géniteur qu'il se doit d'accompagner, et des crimes d'hier et une haine vomitive qui perdure chez ce père et qu'il ne peut partager.
C'est un roman très bien documenté sur la période, et peut-être certains aspects échapperont aux lecteurs qui connaissent mal cette guerre. Mais ça reste très instructif sur les racines d'un malaise qui perdure et travaille encore de manière malsaine la société française (et la société algérienne) aujourd'hui.
Et Alexis Jenny écrit vraiment bien. Il dessine des portraits saisissants, des cheminements psychologiques comme des pièges qui se referment sur ses personnages. Et il a un sacré sens de la formule :
« Je porte un gros survêtement mou, et des chaussures de sport qui ne font pas de sport. » / « Je n'allume pas, de peur que le miroir se réveille. » / « Mais rien n'y fait, la terreur n'efface pas la terreur, on n'efface pas une tache de sang avec du sang, on l'agrandit. » / « le pont que nous empruntions, suspendu aux halos des réverbères. » / « Mais je dors, alors le cauchemar vient, et je passe la journée à m'en nettoyer. » Etc...
C'est un roman particulièrement prenant, auquel j'ai pourtant trouvé quelques longueurs, notamment dans le dernier quart du livre. Et je n'ai pas saisi le sens de la métaphore architecturale récurrente sur la construction des immeubles que développe avec force détails l'auteur (enfin, je suppose qu'il y a un sens métaphorique, sinon, que de superflu !)
Et Jenny, tout en nous faisant partager le cheminement tortueux de ses personnages, semble vouloir rester à distance des évènements, comme s'il ne voulait pas prendre parti, comme s'il semblait justifié de renvoyer dos à dos des horreurs sanglantes, en spectateur neutre et horrifié des bassesses de la guerre coloniale.
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Un homme tente de survivre avec le souvenir de sa participation à la guerre d'Algérie. La violence traverse les générations, nourrie par le contexte extérieur - la période de la Collaboration pour son père et celle de la décolonisation pour le héros. La profondeur de ce texte à deux voix, remarquable de réalisme, laisse émerger un peu d'humanité chez le vieux pétri de haine et chez le fils une sourde colère qui se dévoile peu à peu dans la banalité du quotidien. le texte vaut aussi par le témoignage historique sur l'architecture et l'urbanisme de l'époque et la croyance utopique des bienfaits à venir.
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Après nous avoir offert un chef d'oeuvre avec l'art français de la guerre, le prix Goncourt 2011 revient nous émouvoir encore une fois avec le roman féroces infirmes dans lequel il nous offre le récit de Jean Paul Aerbi qui a été envoyé en Algérie pour faire la guerre en 1960.
Une plongée dans un passé assez douloureux et qui reste difficile à en parler, cependant, l'auteur réussit à faire délier les langues pour soulager le poids de cette guerre grâce à sa belle écriture et cette histoire très poignante que je recommande à tous.
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On l'aura attendu ce nouvel Alexis Jenni, et on a bien fait. On avait encore besoin de lire que, comme son narrateur, ou d'une autre manière, on crève tous un peu du silence de notre histoire militaire. Est-ce le prolongement de L'Art français de la guerre ? Pas réellement. Bien sûr, les similitudes : deux récits de vies qui s'entrecroisent, deux hommes de générations différentes, de réalités différentes. Mais ici, les deux personnages me sont violemment antipathiques, et trop proches à la fois. Quand je pouvais tout comprendre du parcours de Victorien Salagnon et pardonner (au prix de quelques efforts) la léthargie volontaire et presque esthétique du second personnage, la violence de Jean-Paul Aerbi me donne la nausée et je ne tolère pas la mollesse de son fils. Mais ce n'est pas pour passer un bon moment qu'on lit Alexis Jenni, c'est pour se confronter à soi-même et aux plaies d'une histoire sociale qu'on subit sans peut-être même le savoir, c'est pour se torturer, un peu, pour se comprendre, beaucoup.
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Une autre façon d'évoquer cette guerre dé décolonisation fratricide , celle qui longtemps fut désignée que part les "événements d'Algérie"
Une autre façon de disséquer les conséquences de ce terrible conflit.
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Féroces Infirmes, ou l'histoire en miroirs des âmes tourmentées de la guerre d'Algérie, de la tentation de l'extrême ; les vices et vertus incompatibles de la virilité depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale ; la vie en casemate dans les grands ensembles de banlieue. Sur le papier, rien de très attirant, car le sujet a été rabâché, en littérature comme au cinéma. La quatrième de couverture prévient : "Nous n'arrivons pas à en sortir, de cette histoire" ; c'est juste, et l'on pourrait parfois s'en lamenter, l'Algérie est un horizon très balisé de notre culture contemporaine, et les H.L.M. ...

Par chance, Alexis Jenni est un écrivain. On accroche au style - ou pas ... il faut aimer les phrases mitraillettes avec peu de mots, des points partout et des "mais", "et", "que" qui ouvrent de petites phrases ; pour l'envolée lyrique, chatoyante, il faut se contenter du minimum, mais ce minimum est savoureux. du reste, la ponctuation après trois mots ressemble parfois à un champs de mines, qui accélère le rythme, provoque volontairement un essoufflement mental et de jolies virées d'adrénaline en Kabylie.

Rien n'est original, mais on peut se vautrer dans le classicisme sans renâcler, avouons-le ! Tous les chapitres consacrés aux dernières heures de l'Algérie française sont formidables ; un saut dans le vide politique avec le pauvre Aerbi, pantin lyonnais qui roule des muscles et s'invente un destin aux côtés des terroristes de l'OAS. Les chapitres qui racontent la vie du fils sont plus convenus, parfois moralisateurs ; ils déçoivent souvent mais, curieusement, c'est dans ces interstices que le style poétique fleurit le mieux.

Après 300 pages, appropriées, il faut tout de même se rendre à l'évidence : le moment fut agréable, palpitant, plein de sueur mâle, de relents de "plus grande France" et de sinistres destins. Une folie ordinaire, intime, infirme, à portée de ligne ; un détroit littéraire où il faut se noyer totalement.
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Il y a quelque chose en moi d'enfermé, que seul mon livre délivrera.
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