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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Brillant !

Grégoire Beaujour a perdu un mot. Il ne l'a pas sur le bout de la langue, non, il ne peut plus le prononcer, ni même l'écrire. Ce mot est "non". Ce handicap semble difficilement compatible avec son emploi d'enquêteur pour un Institut de sondages et d'Études de marché. Quoique...
Pour la vie sociale et amoureuse, cela pourrait paraître appréciable a priori. Mais de conciliant à faible et/ou lâche, il n'y a qu'un pas aux yeux des autres, et on se fait vite manipuler.

Serge Joncour part de cette fable pour présenter des réflexions passionnantes sur le pouvoir des mots dans nos rapports à autrui et à nous-mêmes, sur les vertus libératrices et thérapeutiques de l'écriture. Ecriture pour soi à la recherche de son propre passé et de celui de ses ancêtres, pour retrouver ses bases, ses racines englouties (tout comme ont été noyés ces vieux villages recouverts pour construire des barrages, je trouve brillante cette métaphore qui revient en leitmotiv dans l'ouvrage).

A travers le regard de son personnage et ses souvenirs d'enfance, Joncour décortique aussi l'art de manipuler l'opinion publique, le conformisme, les phénomènes de mode et de masse qui se sont amplifiés avec les Trente glorieuses (dans les années 70 en particulier), et l'essor de la société de consommation.

Entre roman et essai, psychologie, philosophie et sociologie, cet ouvrage se dévore, sans prise de tête - n'ayons pas peur de ces "grands" mots en -ie.
Un régal d'intelligence, subtil et cynique sans être moralisateur.

--- Mais pourquoi faut-il que la plupart des couvertures en format poche et des titres de cet auteur soient si niais, moches, rédhibitoires ? Dommage, il cible probablement mal son public, de cette façon.
Son talent s'exerce pourtant dans des registres très variés (romans, nouvelles, thrillers). On retrouve ici le ton du recueil 'Combien de fois je t'aime'. J'ai apprécié également les ressemblances avec Tonino Benacquista ('Homo Erectus' en particulier) et Jean-Paul Dubois.
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C'est l'histoire d'un homme, Beaujour, employé dans un institut de sondage, qui a perdu un mot, et pas n'importe lequel : un mot qui permet bien souvent de s'affirmer… en s'opposant, un mot sacrément utile au quotidien. C'est un mot magique, l'un des tous premiers à apparaître chez le petit d'homme, bien avant le « oui » en tout cas. Face à un choix auquel on se trouve confronté, ce petit mot de 3 lettres vient désigner une forme de notre liberté : celle simplement de dire « non » à l'autre. Voilà ! Donc, Beaujour découvre qu'il a perdu le « non », il ne sait plus dire non. Alors il va s'inscrire à un atelier d'écriture, histoire de retrouver ce sacré mot. C'est à une longue descente en lui-même que notre homme va être convié, et, ce faisant, à une remontée vers les origines du « non »… jusqu'au moment où il découvre que, finalement, il n'a peut-être jamais prononcé ce sacré mot…

« L'homme qui ne savait pas dire non » est un roman polymorphe, à la fois très drôle, tendre, nostalgique, douloureux. C'est l'histoire d'une quête, celle d'un homme d'abord, à la recherche du fameux « non » et qui bute au quotidien douloureusement sur le rempart d'un impossible refus à l'autre, à ses désirs. En s'inscrivant à un atelier d'écriture, le bien nommé : « Ouvroir des mots perdus », Beaujour plonge en lui-même en dénouant le fil de l'écriture, en tricotant un langage qui le détricote au quotidien. Il s'ouvre aux mots qui jaillissent là et dévoilent, à son insu, beaucoup de lui. Comme le dit René Char (ces vers figurent en incipit du roman) : « Les mots qui vont surgir savent de nous / des choses que nous ignorons d'eux ». Et ce que Beaujour commence à découvrir, à la faveur de ces mots qui giclent d'il ne sait quelle faille en lui, c'est que son enfance y est sûrement pour beaucoup, son milieu social d'origine, ainsi que la période à laquelle il est né… Et dans « l'ouvroir des mots perdus », en tissant des broderies de mots en quête du non, Beaujour découvre que c'est en fait un nom qu'il cherche, tant il est vrai que « c'est aux autres qu'il faut dire non, pas à soi-même, à ses désirs, à ses envies, à ses besoins, sans quoi on n'en finit pas de se trahir » (p. 296)… Et le temps presse, car son patron, flairant l'aubaine, le promeut à un poste délicat sur le plan éthique : Beaujour devient cyniquement « sondeur à gages », extorquant à des employés lambda leur promesse de mutation vers des terres lointaines - voire de licenciement - par le biais d'un sondage aux apparences anodines, tout cela bien évidemment à leur insu…

C'est un beau roman, sensible, délicat, qui rejoint l'humain au plus profond d'une de ses peurs nodales : celle de déplaire, d'abord à l'autre…
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L'homme qui ne savait pas dire non de Serge Joncour
( Flammarion – 297 pages )

Imaginez votre quotidien privé de « cette simple molécule de langage » qu'est la syllabe «  non ». C'est pourtant le handicap de Grégoire Beaujour, chargé d'enquêtes,
de questionnaires pour l'agence « Opinion Factory ». Incapable de formuler ce mot essentiel, il se retrouve confronté à de multiples situations quasi inextricables.
Comment réussir à dompter un GPS bavard et récalcitrant ?
Pas facile de gérer la forêt de sollicitations tous azimuts : au marché au bureau, à la cafétéria, dans le métro.
Comment décliner une invitation, répondre à un texto, refuser un café, des tracts, des journaux ? Quand descendre d'un bus qu'on n'avait pas l'intention de prendre ? Comment négocier avec son patron une entrevue, un autre jour que le samedi ?

C'est tout le talent de Serge Joncour de tirer les ficelles. En réponses : une cascade de
scènes hilarantes imparables, à la manière d'un film de Charlot.
On peut ajouter les politesses à la japonaise, les gestes matinaux conditionnés par le programme radio, le choix d'une cravate «  cet instrument indispensable pour déjeuner dans un prestigieux restaurant », le bébé qui le désigne en hurlant, la séquence chez le dentiste.
Même si la tare de Beaujour devient un atout pour sa vie professionnelle, le gratifiant d' une promotion (« sondeur à gages »), de félicitations pour l'invention des« QCU :
questions à choix unique », lui offrant le privilège de partager le bureau de Marie-Line, il reste conscient de comptabiliser un record de « oui ».

Taraudé par une amnésie, il décide de suivre des séances d'écriture, « territoire fascinant », ayant été convaincu que « chaque être est le fruit d'une somme de biographies et que le présent se rédige sur les sensations passées ».
Il applique les conseils du maître de Richepin à la lettre : « brodez, brodez pour faire parler les mots. Chacun étant le dépositaire de l'histoire des siens ».
Ainsi, il rembobine son histoire familiale, remontant à plusieurs générations. Il autopsie son passé : « le passé étant à chacun ce que le brouillard est à l'accident : responsable de rien mais cause de tout cependant ».
Le retour aux sources est l'occasion pour l'auteur de comparer la vie de ses aïeux à celle de ses parents, de montrer combien le progrès a révolutionné les loisirs, l'habitat, laissant entrevoir « un frisson de nostalgie, quand le monde était une allégorie d'allégresse, une offrande, la vallée onctueuse, heureuse, où l'eau serpentait dans l'émeraude des prairies ».
En filigrane, l'auteur épingle la politique menée, la société de consommation, les ratés de l'électronique. Il revisite son enfance, une publicité mettant en scène un bébé dans une bulle ainsi qu'une photo de nourrisson emmailloté, ayant déclenché les réminiscences des événements majeurs de sa vie depuis sa naissance, sa communion, rejoignant « l'enfant calfeutré en lui dans un diaporama de souvenirs intacts ».
Cette thérapie jugulera-t-elle son blocage?Agira-t-elle comme catharsis ?
Serge Joncour sait ménager le suspense. le roman se termine sur un gros plan :
le pique-nique improvisé, en tête à tête, de Marie-Line et Beaujour, mettant en lumière l'idylle naissante. Scène conjuguant tendresse et poésie devant l'émerveillement de la beauté de la nature si généreuse.

Dans ce récit à deux voix, rien de superficiel sous une légèreté de ton, l'auteur y soulève des questions de société comme les sondages orientés pour manipuler l'opinion, l'âge de la retraite, le travail dominical, les familles recomposées.
Serge Joncour distille des réflexions sur la vie à portée philosophique: «  La vie est un fleuve aux rives qui se rapprochent ». On retrouve avec plaisir son humour corrosif, son imagination fertile générant une pléthore de comparaisons ( «  le parking de l'hypermarché ressemble à une grande marelle », « les sourires des enfants sont des soleils de poche »), l'acuité de regard de l'observateur hors pair qui sait traquer les manies et les travers de ses semblables et brosser des portraits très détaillés.
Sa créativité forge une pléiade de formules originales, inattendues, drôles : « la bière du Japon est tellement légère qu'elle ne saoule que de l'intérieur ».
Comme Beaujour, laissez-vous « caresser l'âme par ces formules prometteuses »,
car avec le roman de Serge Joncour, vous avez de « beaux jours » de lecture à venir.
Craquant, époustouflant, incontournable.
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Je suis une inconditionnelle de l'humour grinçant de Serge Joncour et je dois dire que cette fois encore il place la barre très haut. Cet ouvrage est sans doute le moins sombre que j'aie lu de lui, celui où son humour si particulier est moins présent, mais on retrouve pourtant des thèmes qui lui sont cher, traités de manières intéressante. Un livre pour le moins subtil, un grand Joncour. Une très bonne lecture.
Lien : http://madimado.com/2012/06/..
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Amis du livre, bonjour.
Quel régal ce livre pas bien épais, mais doté d'une subtilité d'esprit réjouissante !!.
On le suit ce personnage, nous sommes comme lui, il y a tant de moments drôles, épiques, sensuels, quelle belle idée qui fait le fil de ce livre que je recommande autrement pour s'alléger l'esprit !!.
Belle lecture à tous.
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J'ai vraiment adoré ce livre et le style de l'auteur que je ne connaissais pas.
Derrière un humour assez décalé, se cache une belle réflexion sur le rapport aux autres et ce qu'on est parfois prêt à accepter par peur de dire non.
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