Mon avis est très mitigé sur ce livre. Il porte à la fois du bon et du mauvais, tant au niveau de l'histoire, de l'écriture, et des personnages. Dans l'ensemble, l'évolution est plutôt positive : plus on avance, plus ça s'améliore. Mais je ne suis pas prête à pardonner les erreurs du début, tant elles sont nombreuses.
D'après moi, la narration à la première personne porte largement préjudice aux deux premiers chapitres. J'ai eu l'impression que l'auteur ne maitrisait pas du tout son héroïne. Pire : il ne laisse aucun mystère planer autour d'elle. Dès le début, il lui fait détailler en profondeur tous les pouvoirs liés à sa nature de vampire comme si elle s'adressait à quelqu'un qui n'y connaissait rien. Elle le dit elle-même : elle ne sait même pas à qui elle s'adresse ni pourquoi. Cette phrase a tout cassé pour moi, qui me disais qu'elle avait peut-être un objectif secret (manipuler quelqu'un, écrire un journal intime pour s'épancher avant de le brûler, informer quelqu'un avant qu'elle ne meure…). Mais qui – qui, je vous le demande ?! – va s'amuser à raconter toute sa vie pour rien, à fortiori si le secret est le credo de son existence ? Pike a fait preuve ici d'une grande incohérence.
Le deuxième défaut de cet incipit est sa lourdeur. Lister ainsi toutes les capacités des vampires plombe profondément l'action, même si c'est un tantinet intéressant. La protagoniste elle-même devient lourde, car elle se met tellement en avant qu'on a bien envie de lui dégonfler les chevilles : « Mes cheveux sont blonds et soyeux, mes yeux pareils à des saphirs imprégnés de l'éclat séculaire d'une fissure volcanique. Je suis mince et de petite taille au regard des normes actuelles, un mètre cinquante-sept en sandales ». En sandales ? Pourquoi en sandales ? Qu'est-ce que ça fait dans une description ? Ça veut dire qu'elle fait un mètre cinquante-six pieds nus et un mètre soixante-sept en talons ? C'est ridicule !
On sent d'entrée de jeu que la narratrice est une personne uniquement concernée par son nombril. Certes, elle est plus forte, plus belle, plus vieille que les humains, mais une auto description qui commence par la liste de ses pouvoirs et le détail de sa beauté ne m'a absolument pas attirée (je me suis même endormie passée la troisième page). Comment se retrouver dans un personnage pareil ? Qui est assez parfait pour être capable de s'identifier à Alisa Perne ? Il aurait peut-être fallu laisser de l'ombre autour d'elle, ne pas décrire ses pouvoirs et seulement les faire deviner au fil de l'histoire de manière plus naturelle.
À cause de cela, j'ai eu l'impression que c'était un jeune auteur qui écrivait et qu'il manquait encore d'expérience. Je me suis trompée : Christopher Pike avait quarante ans à la publication de ce tome…
Et puis, au tournant du chapitre trois, on aborde le passé de la (jeune ?) femme. Certes, le personnage manque de crédibilité, mais son histoire est intéressante. Comment est-elle devenue une vampire ? Où est-elle née ? Que lui est-il arrivé pour qu'elle devienne aussi froide, aussi inhumaine ? Surtout, elle fait quelques allusions mystérieuses à des personnages secondaires – dont un qui serait divin sans l'être. Je me suis prise au jeu et ai essayé de deviner quels liens elle pouvait bien entretenir avec eux. C'était l'étincelle que je cherchais, le mystère qui donnait de l'épaisseur à l'histoire et à Alisa. Qui est Yaksha pour elle ? Que représente Krishna ? Quelle est leur histoire ?
Au fil des chapitres, on laisse de côté la perfection de la narratrice pour voir poindre sa grande gueule, les manipulations qu'elle noue et dénoue, sa cruauté qui n'en est pas tellement une… C'est un personnage plus complexe qui n'y paraît. Dommage que cela ne se voit pas dès le début.
Une dernière chose que je reproche, c'est le manque de moralité d'Alisa. Elle est (un peu) attirée par Ray, qui lui rappelle deux personnes ; et malgré l'amitié qu'elle a pour sa petite-amie, Pat, une fille douce et gentille, elle cherche absolument à coucher avec lui. Pas parce qu'elle est en manque mais… comme ça. Honnêtement, je n'ai pas compris. Pat et Ray méritent-ils qu'on joue ainsi avec eux ? Car pour moi, c'était un jeu, et particulièrement vicieux. Elle l'invite chez elle, le drague, le fait boire, et quand il est saoul, l'invite à prendre un bain avec elle… Ce n'est pas de l'amour, ni même du désir, c'est de la manipulation. En parallèle, elle ne craint pas de se montrer nue devant un autre mec avec qui elle a sympathisé, pour « le remercier du service qu'il lui a rendu ». Mouais… Je veux bien croire que passé un certain âge on relativise beaucoup de choses, mais moi, j'ai du mal. Encore, si elle haïssait la copine et que cette dernière ne méritait pas Ray, je pourrais comprendre, mais elle dit elle-même que Pat est sincèrement amoureuse, ce qui est « rare à cet âge-là », d'après ses propres mots.
Au final, elle finira bien par tomber amoureuse de Ray. Mais ils couchent ensemble alors qu'il n'a pas cassé avec Pat et j'ai bloqué là-dessus. Pas d'accord. Oui, ce sont des choses qui arrivent (même plus souvent qu'on le croit) et la littérature s'appuie sur la réalité. Mais que l'héroïne de CE livre fasse ça… Anna Karénine,
Madame Bovary et compagnie, on pourrait s'y attendre, mais pas La Vampire. C'était particulièrement improbable, d'autant plus que la bit-lit prône souvent un amour unique et éternel – comme Disney (il n'y a qu'à regarder Edward et Bella, ou Journal d'un vampire…). La nature surnaturelle des vampires sert à servir cette cause.
Enfin, mesdames et messieurs, laissez-moi vous dire que la couverture est mensongère. Non, Alisa n'a pas les yeux jaunes, même quand elle se sert de ses pouvoirs. Ils sont bleu saphir, bleu électrique, bleu roi, bleu océan et tous les jolis bleus que vous pourrez imaginer. Mais pas jaunes. C'est à se demander si l'illustrateur a bien lu le livre…
Cependant, malgré tous ces défauts j'ai quand même réussi à trouver de l'intérêt à cette histoire. J'ai même entamé le tome deux, ou on nous explique encore qu'Alisa est belle, qu'Alisa est forte, qu'Alisa a de beaux cheveux blonds comme le miel, des yeux bleus aussi profond que le saphir, etc., etc. Heureusement, ça dure beaucoup moins longtemps que dans le premier. Je n'achèterai certainement pas la suite, mais je finirai les deux volumes que m'a gentiment donné Witchblade (peut-être avec plaisir si, comme dans La Promesse, l'histoire s'améliore). Merci à toi :)