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Alexandre Zolos (Traducteur)Jusuf Vrioni (Traducteur)
EAN : 9782253061977
218 pages
Le Livre de Poche (01/11/1992)
3/5   2 notes
Résumé :
L'Albanie dessinée par Kadaré est un pays au relief déchiqueté, au contours "déchirés de douleur". De cette terre à l'humeur noire montent des chants de mort : "L'Année noire" et "Le Cortège de la noce s'est figé dans la glace" font le récit de deux années sombres dans l'histoire de l'Albanie : 1913 et 1981. Le premier est un opéra-bouffe, où le grotesque le dispute au tragique, où Don Quichotte côtoie Eschyle. Le second joue sur un autre registre, la fugue à deux v... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ecrit en 1981-1983, dans la foulée même des événements, "Le cortège de la noce s'est figé dans la glace" touche certes son lecteur précisément par l'humanisme qui s'y exprime à travers les personnages de Martin et de Teuta Shkréli, par leur volonté délibérée de continuer à espérer alors qu'ils ne se font pourtant guère d'illusions... Mais surtout c'est un texte qui reste d'une actualité brûlante, tant il fit preuve d'une lucidité prémonitoire quant aux événements qui suivirent.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Entre-temps, afin de pouvoir s'orienter, les consuls reçurent chacun de leurs centres des données complètes sur les sens symboliques du baklava, sur les raisons pour lesquelles on l'offrait, sur les différentes manières dont il était fait suivant les cas, sur le nombre de ses abaisses et sur les variations des dimensions du plateau. Les indications devinrent encore plus claires lorsqu'elles furent accompagnées de notes sur divers baklavas historiques : le grand baklava de cent quarante abaisses qui avait marqué le tournant dans la politique de l'Empire turc envers Napoléon Bonaparte ; le baklava lilliputien de trente et une feuilles et d'un diamètre inférieur à deux empans qui avait annoncé le refroidissement des rapports avec le tsar ; le baklava de dimensions moyennes qui avait consacré le statu quo avec la Russie ; le baklava sans sirop de sucre adressé en 1741 à la Pologne, le baklava sans noix envoyé au shah de Perse, et jusqu'au baklava brûlé envoyé à l'archevêque des Arméniens à la veille de leur extermination.

Plus sombre encore étaient les indications concernant le rôle joué par le gâteau dans les événements intérieurs de l'État. Ainsi la nomination ou la destitution des vizirs était-elle, dans la plupart des cas, annoncée par un baklava, lequel précédait également la découverte des complots, les tournants politiques, la victoire d'un clan sur le clan jusque-là au pouvoir, etc. Puis venaient les baklavas perfides et trompeurs, tel celui qu'avait reçu en 1710 le grand vizir Numan Qyprili, une semaine avant sa chute ; le baklava piégé, comme celui, colossal, du banquet de la fête de Monastir où avaient été massacrés, en 1832, les chefs de l'Albanie ; les baklavas de la colère ouverte, de l'ironie, du mépris, du défi avant l'attaque, et jusqu'aux baklavas empoisonnés, dont certains l'étaient ouvertement, comme celui que le sultan avait envoyé au grand vizir Hajrédin avec cette recommandation : "Mange ce baklava tout de suite : et si tu le trouves doux, tel sera ton destin, et si tu le trouves amer, tel sera encore ton destin."

Ces précisions circulèrent donc dans la petite capitale, et cela avec une telle intensité que Dirk Stoffels regroupa ses notes de deux à trois semaines sous le titre commun de Baklavakroniek. "C'est alors que nous comprîmes, écrivit-il, qu'une partie de l'histoire, pour ne pas dire l'histoire entière, de l'empire médiéval des Ottomans était concentrée dans ce plateau qui nous avait d'abord fait sourire. Et nous comprîmes également – et c'est là l'essentiel – de quel univers horrifiant le pays où nous nous trouvions s'était détaché avec tant de peine. Je tiens à affirmer que je ressentis une grande compassion pour ce pays, l'Albanie, qui par sa petitesse ressemblait au mien, la Hollande, auquel Dieu, dans Sa miséricorde, avait réservé un meilleur destin."
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Durant cette période, une multitude de prophètes errants, de voyants épileptiques proclamés sacrés, de derviches loqueteux, de prêtres franciscains, de lépreux évadés de l'asile exhibant leurs plaies comme autant de signes prémonitoires, et de vagabonds miséreux allaient et venaient en tous sens. Le vendredi, la secte des rufaïs donnait ses spectacles horrifiants dans les cours des téqés, avec ses derviches qui se transperçaient de couteaux et de longues épingles. Les évangélistes, eux, déferlaient sous des pancartes portant des devises et des proverbes pacifistes. Une organisation secrète de brigands envoyait des menaces un peu partout. Des foules de pèlerins se dirigeaient vers l'église de Saint-Antoine, où, disait-on, après quatre-vingts ans, un œil du saint avait de nouveau tressailli sur l'icône. Au turbé du derviche Hatidjé également, un miracle s'était produit, mais un miracle effrayant : l'on avait découvert un matin sa main peinte en jaune tachetée de points rouges sur la voûte.
Troubles et affrontements avaient surtout lieu aux confins de régions ou de villages de religions différentes. À plusieurs reprises, des processions religieuses – les unes portant des icônes et des statues du Christ, les autres, des torches et un cheveu du prophète enfermé dans un écrin – s'étaient croisées, et leur rencontre muée en massacre. Mais on observa aussi des duels d'exaltation mystique, comme celui qui se déroula au lieu-dit du "Tombeau de Doruntine", que se disputaient deux zones de religions différentes et où, pendant vingt-quatre heures, des foules catholique et musulmane suivirent le tournoi macabre entre la religieuse Agnès, qui, ayant vu en rêve la mère de Georges Kastriote, avait consenti à se faire crucifier vivante pour démontrer la supériorité de sa croyance, et le derviche Ahmet, qui, pour la même raison, avait accepté d'être enterré vivant.

Lorsque, au bout de vingt-quatre heures, dans la fièvre, les larmes et l'écœurement de milliers de personnes, on descendit la religieuse de la croix et l'on déterra le derviche, tous deux étaient encore en vie, elle, pâle comme la cire, lui, le visage terreux, mais ni l'une ni l'autre n'était en état de parler, de sorte que le défi fut reporté.
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Ici, c'est l'Albanie, disait l'un en frappant le sol du pied. Non, ce n'est pas l'Albanie, mais la Grèce ! rétorquait l'autre en tapant du pied à son tour. Ce n'est ni l'Albanie ni la Grèce, mais la Serbie, qu'elle soit bénie ! intervenait un troisième, et lui aussi tapait du pied – un pied chaussé d'une botte. Ah, tu tapes avec ta botte ! ripostait le premier, eh bien moi je frapperai le sol de mon opinga à pompon, car c'est l'Albanie, et rien ne peut changer cela ! Puis tous trois portaient la main à leur pistolet et faisait un malheur.
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Videos de Ismaïl Kadaré (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ismaïl Kadaré
http://www.club-livre.ch#Bessa_Myftiu Interview de Bessa Myftiu réalisée par le Club du Livre en partenariat avec Reportage Suisse Romande
Bessa Myftiu, née à Tirana, est une romancière, poète, conteuse, essayiste, traductrice, critique littéraire, journaliste, scénariste et actrice établie à Genève, en Suisse romande, de nationalité suisse et albanaise. Pour commander un ouvrage de Bessa Myftiu : En SUISSE : https://www.payot.ch/Dynamics/Result?acs=¤££¤58REPORTAGE SUISSE ROMANDE36¤££¤1&c=0&rawSearch=bessa%20myftiu En FRANCE : https://www.fnac.com/SearchResult/ResultList.aspx?SCat=0%211&Search=bessa+myftiu&sft=1&sa=0
Fille de l'écrivain dissident Mehmet Myftiu, Bessa Myftiu fait des études de lettres à l'université de Tirana et par la suite elle enseigne la littérature à l'université Aleksandër Xhuvani d'Elbasan. Elle devient ensuite journaliste pour le magazine littéraire et artistique albanais La scène et l'écran. Elle émigre en Suisse en 1991 et s'établit à Genève dès 1992, passant son doctorat et devenant enseignante à l'université de Genève en faculté des Sciences de l'éducation, tout en poursuivant en parallèle ses activités dans les domaines de l'écriture et du cinéma. Depuis 2013, elle enseigne à la Haute École Pédagogique de Lausanne. Elle est par ailleurs membre de la Société Genevoise des Écrivains BIOGRAPHIE 1994 : Des amis perdus, poèmes en deux langues, Éditions Marin Barleti [archive], Tirana 1998 : Ma légende, roman, préface d'Ismail Kadaré, L'Harmattan, Paris (ISBN 2-7384-6657-5) 2001 : A toi, si jamais?, peintures de Serge Giakonoff, Éditions de l'Envol, Forcalquier (ISBN 2-909907-72-4) 2004 : Nietzsche et Dostoïevski : éducateurs!, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 978-2-915741-05-6) 2006 : Dialogues et récits d?éducation sur la différence, en collaboration avec Mireille Cifali, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 978-2-915741-09-4) 2007 : Confessions des lieux disparus, préface d'Amélie Nothomb, Éditions de l'Aube, La Tour-d'Aigues (ISBN 978-2-7526-0511-5), sorti en 2008 en livre de poche (ISBN 2752605110) et réédité en 2010 par les Éditions Ovadia (ISBN 978-2-915741-97-1), prix Pittard de l'Andelyn en 2008. 2008 : An verschwundenen Orten, traduction de Katja Meintel, Éditions Limmat Verlag [archive], Zürich (ISBN 978-3-85791-597-0) 2008 : le courage, notre destin, récits d'éducation, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 9782915741087) 2008 : Littérature & savoir, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 978-2-915741-39-1) 2011 : Amours au temps du communisme, Fayard, Paris (ISBN 978-2-213-65581-9) 2016 : Vers l'impossible, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 978-2-36392-202-1) 2017 : Dix-sept ans de mensonge, BSN Press, (ISBN 978-2-940516-74-2)
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