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3,68

sur 74 notes

Critiques filtrées sur 2 étoiles  
Trop d'encre et pas assez de de sang. Masse Critique, ma bien nommée, une bien belle indigestion tu m‘as donnée.
Pourtant, la quatrième de couverture était alléchante, mais l'assiette ne fut pas au niveau du menu. Pas d'addition grâce à Babelio, mais je vais dire deux ou trois mots au cuistot. le client n'a pas toujours raison mais puisqu'on lui demande son avis, autant ne pas se priver.
La découverte de lettres et parchemins dans une maison en rénovation, permet à Helen Watt, professeur d'université à l'aube de sa retraite et à un thésard à perpétuité de se lancer dans la traduction de ces documents anciens d'une grande valeur historique. Ils découvrent très rapidement que le scribe est une jeune femme juive du 17ème siècle, très cultivée, qui interroge de sa plume volatile, le monde, la religion, les moeurs, la nature, en cachant son sexe sous des pseudonymes pour communiquer avec certains grands esprits plus ou moins étroits de son temps. Elle se sent notamment étroitement liée à Spinoza qui fut frappé par un herem de la communauté juive, excommunication liée à ses gestes barrières face à la pratique religieuse. La jeune femme vit auprès d'un sage rabbin aveugle et bienveillant qui a abandonné ses yeux à l'Inquisition Espagnole et s'est réfugié à Londres après un passage à Amsterdam. Belle trame pour un roman historique, j'en conviens.
Hélas, le récit fait la navette entre les deux époques sans escales, trajet en trop long courrier, vol de nuit d'insomnie, et lecteur vite ankylosé par l'absence de turbulences. La commandante de bord ne parvient jamais à faire décoller l'appareil, la soute plombée par des cartons de livres étudiés et l'obsession du détail inutile. Quand la documentation afflige d'obésité la narration, quand l'érudition tient en joue le romanesque pendant 500 pages, quand l'intellectualisation anesthésie l'action, les plus histoires se crashent sur la piste d'envol.
L'auteure cherche à instaurer un dialogue entre Esther et l'universitaire, à près de 350 ans de distance, la correspondance de l'une réveillant les passions de l'autre. Il est bien sur question d'émancipation, de liberté et de sacrifice mais si le récit interroge bien la place de la femme dans l'histoire, c'est l'histoire qui ne trouve pas sa place dans le roman. le Londres du 17ème siècle est survolé par un drone plus intéressé par les idées que par la visite guidée et la compétition entre universitaires pour obtenir la primeur de la découverte est aussi passionnante que la retransmission d'une compétition de fléchettes en Slovénie.
Ma curiosité pour une période que je méconnais et le destin de ces réfugiés portugais de l'Inquisition établis à Amsterdam, puis à Londres ont suscité néanmoins mon intérêt et quelques passages un peu plus relevés, quand Esther sort un peu la tête de ses pensées pour s'encanailler où lorsque l'universitaire se souvient d'une passion passée, ont su donner un peu de chair au roman. Je dois aussi reconnaître que les personnages sont bien construits et ne manquent pas de contradictions. "Néant moins", ils pensent plus qu'ils ne vivent.
Je m'interroge enfin sur la traduction de ce roman. Si j'en crois la couverture, ils s'y sont mis à deux. Peut-être pour rendre l'exercice plus supportable mais les répétitions et la platitude de certains passages questionnent sur le filtre des relectures. J'avoue que j'ai parcouru le dernier tiers en diagonale, un peu pour avoir le mot de la fin, beaucoup par lassitude.
Rendez-vous manqué.
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Masse Critique m'a fait parvenir cet épais roman historique, en échange d'un compte-rendu de lecture. "De sang et d'encre" est le titre français de l'original américain multi-primé "The Weight of Ink", ou, le poids de l'encre. Dans la postface, la romancière cite cette question posée à Virginia Woolf : que se serait-il passé si Shakespeare avait eu une soeur ? Réponse : "Elle mourut jeune ... hélas elle n'écrivit pas une ligne". Tout le travail énorme de documentation et d'étude, d'écriture et de création, de Rachel Kadish se place sous le signe du féminisme militant.

Le roman met en scène deux époques : l'Angleterre des années 2000, où des universitaires découvrent un fond documentaire de correspondance datant du XVII°s ; dans la seconde époque, nous sommes transportés à Londres à la fin du règne de Cromwell, où les Juifs sont à nouveau autorisés à résider. Les chercheurs contemporains reconstituent à tâtons la personnalité et le milieu de l'épistolière juive du XVII°, tandis que, dans d'autres chapitres, en alternance, le lecteur a un accès direct à l'héroïne, par narration omnisciente ou citation de textes. Autrement dit, nous savons déjà ou nous apprenons plus loin ce qu'ignorent et recherchent les historiens. L'effet de répétition est constant, et la romancière tente en vain de le faire oublier en racontant, à grand renfort de détails, tout le passé de ses personnages et toute l'histoire des rivalités universitaires, coucheries, coups bas etc ... qui font la trame de leur vie. C'est du remplissage.

Malgré les recherches approfondies de Rachel Kadish, les parties consacrées à la communauté juive anglaise de 1660 sont superficielles, décevantes et truffées d'anachronismes de langue et de pensée. C'est très inférieur à Un Homme Obscur de Marguerite Yourcenar, ou à L'Oeuvre au Noir : mais Marguerite Yourcenar avait une profonde culture, une culture assimilée, et trop de probité pour tomber dans l'anachronisme. L'héroïne de Rachel Kadish, Ester Velasquez, dont la grand-mère a fauté avec Shakespeare (il est donc son grand-père caché), vient d'une famille juive iberique ayant fui l'Inquisition portugaise jusqu'en Hollande, puis à Londres. Ester, de l'aveu de son rabbin, est égale ou supérieure intellectuellement au jeune Spinoza, dont il a été aussi le professeur. Mais elle est une femme, les voies du savoir lui sont barrées et elle se débrouille comme elle peut pour accomplir son destin intellectuel de philosophe athée et moderniste. Elle écrit d'ailleurs à Spinoza, justement, mais aussi à Hobbes, et à d'autres grands esprits.

Rachel Kadish a choisi une des époques et un des milieux les plus intéressants de l'histoire juive : celui de ces Juifs ayant eu accès au savoir chrétien au Portugal, mais soumis à l'Inquisition et aux lois raciales. En émigrant à Amsterdam ou à Londres et en revenant au judaïsme, ils deviennent des personnalités hors du commun, à la culture mêlée. Spinoza, Uriel da Costa et d'autres sont issus de leurs rangs, de ce mélange forcé et improbable entre deux cultures d'où nait la modernité. Mais Rachel Kadish échoue totalement à rendre la foi et la piété juives, qui permettraient de mieux comprendre la révolte des fils des martyrs, et celle de son indomptable héroïne. La romancière a du judaïsme une perception déficiente, comme on le voit à son personnage Aharon Lévy : ce n'est pour elle qu'un ensemble de règles sans âme. Là encore, c'est très inférieur aux romans d'un autre "libéral", Chaïm Potok. D'autre part, elle avoue ses difficultés à saisir la pensée de Spinoza et des autres, pensée née du rejet de l'orthodoxie juive pour laquelle les parents ont souffert et subi le martyre. A ce compte-là, il vaut mieux lire "Au commencement", "L'élu" ou "La promesse", qui racontent bien mieux la même histoire : l'arrivée aux USA des rescapés orthodoxes du nazisme, et la naissance difficile de la pensée moderne. Cela ne se comprend que si l'on est honnête avec l'orthodoxie, comme avec ceux qui la réfutent.

Pour compenser ces carences, il y a de longs récits d'intrigues amoureuses, un tableau poignant de la peste de 1665 et tout un pittoresque baroque anglais sans grande nécessité. Simon Schama, historien doué d'une belle plume, réussit bien mieux à croquer le Londres juif de ce temps. On a l'impression que la romancière tire à la ligne, et l'une de ses lectrices sur Goodreads déplore qu'aucun "editor" (adaptateur) n'ait corrigé ses lourdes fautes de composition, ses interminables longueurs injustifiées.

Si l'on ajoute à cela une traduction pâteuse et pataude (due à un couple de traducteurs célèbres), ce gros livre surévalué ennuie beaucoup. Mais le brevet de moralité féministe et de correction politique peut dispenser Rachel Kadish d'avoir du talent, et lui valoir l'enthousiasme du public.
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QUI TROP EMBRASSE, MAL ETREINT !
C'est une maxime qui s'applique parfaitement à ce roman.
L'auteure balaie, survole, trop de sujets du siècle passé par le truchement de la chercheuse universitaire anglaise vieillissante et atteinte dans sa santé. Elle a été contactée par un ancien étudiant pour venir inspecter des documents visiblement anciens et hébraïques, retrouvés au cours de travaux, sous l'escalier de la maison du XVIIe siècle que les propriétaires veulent reconvertir en galerie d'art.
Helen Watt, à l'orée de sa retraite, tombe sur une correspondance du XVIIe siècle entre Spinoza et un philosophe inconnu. Au sortir de la guerre, elle était partie en Israël, travailler dans un Kibboutz. Là, elle partage l'amour avec un jeune homme seul rescapé de sa famille exterminée dans les camps nazis. Pour une raison difficile à établir, elle décide soudainement de refuser cet amour et repart vers son pays, là, elle consacrera le reste de sa vie à sa passion pour le peuple juif et les persécutions que celui-ci a subi au cours des siècles.
A travers l'autre héroïne du roman, une jeune femme lettrée du XVIIe siècle, Ester Velasquez. Employée comme scribe par un rabbin exilé, victime de l'inquisition, nous survolerons les méfaits de celle-ci au Portugal, l'ostracisme ambiant dans le Londres du XVIIe siècle, la Peste qui a décimée une très grande partie de la population locale et l'exil de l‘autre partie quand elle en avait la possibilité. Passionnée de philosophie, et sous couvert de son rôle de scribe auprès du rabbin, elle correspondra avec les plus grands philosophes de l'époque, en prenant un nom d'emprunt masculin, car les femmes ne sont pas censées être capables de correspondre avec des intellectuels puisqu'élevées dans l'unique but de prendre soin de leur famille une fois mariée jeune. Condition des femmes en général au XVIIe siècle et en particulier des femmes des communautés juives d'Europe.
Il y a également Aaron Lévy, étudiant américain et assistant d'Helen Watt, qui après s'être lancé dans un sujet de thèse éculé sur Shakespeare, se joint à la chercheuse anglaise. Un jeune homme qui se cherche, impressionné par le caractère distant de la vieille dame et qui nourrit dans un premier temps à son égard de la crainte et de l'animosité, avant de se passionner pour le destin d'Ester.
Les personnages qui gravitent autour de ces trois figures ne sont pas vraiment développés pour justifier le volume du roman. Beaucoup de phrases, de répétitions et de considérations de l'auteure auraient fait gagner de la clarté au déroulement du récit en étant éliminés, dont la construction est classique, un chapitre sur deux est consacré à chacune des héroïnes, ils sont plus ou moins longs, mais ont en commun de faire avancer le récit TRES LENTEMENT.
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Ouf ! j'ai terminé cet énorme pavé de 560 pages ! Énorme : car je n'ai absolument pas apprécié cette lecture que je m'étais engagée à lire dans le cadre d'une masse critique de Babelio. le sujet m'intéressait, j'avais compris que c'était un roman historique et qui devait me permettre de revivre la peste de Londres au XVII ° siècle – en période de pandémie cela me semblait une bonne idée que de se plonger dans des épidémies meurtrières du passé. le roman se situe dans le milieu juif qui commençait tout juste à se réinstaller en Angleterre après les horreurs de l'inquisition en Espagne et au Portugal. Mais ce n'est pas du tout le thème le plus important du roman. L'auteure a voulu cerner ce qui aurait pu se passer à cette époque si une femme avait voulu se mêler d'écriture et de philosophie. Il s'agit donc d'une oeuvre d'une féministe qui veut faire comprendre la condition de la femme. D'ailleurs elle le dit clairement dans son interview que l'on peut lire à la fin du livre :

Question : Comment vous est venue l'idée de ce roman ?
Réponse : Dans une chambre à soi, Virginia Woolf pose la question suivante : si William Shakespeare avait eu une soeur aussi douée que lui, quelle aurait été son sort ?
Elle apporte elle-même une réponse succincte à la question. « Elle mourut jeune … Hélas, elle n'écrivit jamais une ligne. »
Woolf a raison bien sûr. C'était le sort le plus vraisemblable qui pouvait échoir à une femme de cette période douée d'un esprit développé. Les conditions dans lesquelles vivaient alors les femmes leur rendaient virtuellement impossible toute expression artistique ou intellectuelle.
La fiction romanesque commence par une découverte de manuscrits datant des années 1660, dans une très belle demeure du XVII° à Londres. Ensuite les chapitres se succèdent soit à Londres avec Esther au service d'un rabbin rendu aveugle par les tortures de l'inquisition, soit à Londres du XXI° siècle avec Helen Watt et son jeune assistant Aaron Levy. Les deux destinées sont construites en parallèles : Esther doit cacher à sa communauté qu'elle lit et écrit et même trahira son rabbin tant respecté pour pouvoir dialoguer avec Spinoza. Helen Watt est obligée de cacher ses découvertes le plus longtemps possible car personne, aujourd'hui encore, n'est prêt à admettre qu'une femme puisse atteindre un tel degré en matière philosophique. Toutes les deux sont dans l'urgence de la maladie, la peste pour Esther et la maladie de Parkinson qui ronge le cerveau d'Helen. Enfin les deux ont connu un véritable amour qui a bouleversé leurs certitudes. Ce roman décrit aussi l'ivresse de la découverte de vieux documents par des historiens et les rivalités du monde universitaire. Il décrit aussi les différences entre la froideur britannique et l'enthousiasme déplacé des américains.
Tout cela aurait pu m'intéresser mais je n'ai jamais accroché à cette lecture qui a pourtant reçu toutes les louanges de la presse américaine. La « construction étourdissante » dont parle la quatrième de couverture m'a semblé d'une lourdeur incroyable. Je vais peut-être me mettre à dos les féministes américaines mais je trouve le projet malhonnête. Certes, les femmes du XVII° étaient interdites de créations littéraires et artistiques et on peut supposer qu'une jeune fille de religion juive avait encore moins d'opportunités de se libérer des carcans de la tradition pour se permettre de philosopher avec Spinoza. Autant un exemple pris dans la réalité m'aurait intéressée mais inventer un tel personnage me semble vouloir faire correspondre l'idéologie de l'auteure à la réalité historique.
Quant‑à la partie XXI° siècle, l'auteure met ses personnages dans des tensions qui rappellent celle des juifs ayant connu l'inquisition et la peste de Londres, et je n'y ai pas cru non plus, évidemment !
Et comme l'auteure essaie d'être dans la précision historique et psychologique la plus proche de ce qu'elle croit être la réalité, il lui faut presque six cent pages pour ne me convaincre ni dans l'histoire ancienne ni dans les conflits universitaires britanniques actuels . À ce roman trop bavard, je préfère et de loin la réponse lapidaire de Virginia Woolf. :
Lien : https://luocine.fr/?p=12371
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"De sang et d'encre" est un roman historique croisant le XVIIe et le début du XXIe, croisant les aventures d'Ester, une juive éprise de philosophie et de liberté et les recherches d'Helen et Aaron, des universitaires attachés au déchiffrage de nombreux documents retrouvés dans une vieille demeure londonienne, documents, vous l'aurez compris, ayant appartenus à la fameuse Ester.
Si l'on sent bien que l'auteur a tenu à respecter scrupuleusement le contexte historique encadrant sa fiction (pérégrinations de la communauté juive en Europe, épidémie de peste à Londres), on est tout de même dès le début assez décontenancé par le formalisme pesant du roman. Et je ne pense pas que la qualité de la traduction en soit la cause, car l'auteur s'enlise dans un style explicatif superflu qui donne à penser que Rachel Kadish considère ses lecteurs comme des benêts incapables d'interpréter logiquement un geste, une attitude ou une parole.
En somme, "De sang et d'encre" est un roman qui ne laisse à son lecteur aucune possibilité de penser et qui n'offre aucune vision personnelle et originale du monde, ce que devrait être en définitive toute bonne littérature.
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