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sur 1037 notes
Qu'est-ce qui peut pousser des hommes riches et âgés à passer une nuit aux côtés de jeunes femmes nues et droguées ? Ils pourraient tout aussi bien se payer de très belles geishas et ils le firent sûrement. Mais le regard de l'autre est un miroir dans lequel, un fugace instant, et malgré tout l'art de la dissimulation, on prend le risque de percevoir le dégout et la peur.
Femmes objets, corps tièdes et alanguis, mais surtout sans âmes apparentes, sans jugement.
Démarche abjecte que le vice persistant et la détresse morale ne parviennent même pas à justifier.
Bouquets d'odeurs et de chairs tendres jetés à la lubricité et dans lesquels un vieil homme va tenter de retrouver toutes celles qu'il a connues, confrontation à bras le corps avec sa mort prochaine qui rode autour de ces corps inconscients. Illusions de possession et de retour à la jeunesse, stupides et cruelles confrontations en vérité.
Eros et thanatos.
Thanatos, ce dieu grec de la mort, né de la nuit et frère d'hypnos et de Moros -Sommeil et fatalité.
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La Feuille Volante n° 1203
Les belles endormiesYasunari Kawabata [1899-1972]– Albin Michel.
Traduit du japonais par René Sieffert – Illustrations et photos Frédéric Clément.

L'immeuble dans lequel pénètre le vieil Eguchi est une sorte d'auberge où tout est silencieux sauf le bruit des vagues qu'on entend dans le lointain. Les règles qui la gouverne sont étranges et pour éviter des dérives, il convient de ne pas y déroger. de vieux messieurs y viennent pour dormir aux côtés de jeunes filles nues, elles-mêmes endormies grâce à la drogue de sorte qu'elles restent inconscientes toute la nuit, ne seront réveillées qu'après le départ de leur client et ne sauront donc jamais avec qui elles ont passé la nuit. Il ne s'agit pour autant pas d'un vulgaire lupanar puisque le vieillard doit impérativement dormir auprès de la jeune fille en la respectant. Eguchi viendra plusieurs fois dans cette maison, se risquera même à enfreindre légèrement les règles non écrites au risque de se voir refuser l'accès à cet établissement, envoûté et tenté qu'il est par la beauté de corps de la jeune fille mais, n'étant plus capable « de se comporter en homme », il devra se contenter de la regarder, de l'effleurer toute en respectant son sommeil. C'est une situation un peu ambiguë que celle-ci puisque la jeune fille reste provocante par sa nudité, sa virginité, l'odeur de sa peau, elle bouge voire parle un peu à l'invite d'Eguchi et l'interdit qui s'impose à lui lors de ces séances nocturnes réveille ses regrets de jeunesse et accentue son actuelle décrépitude. Pour autant la règle de cette maison veut qu'il s'endorme à son tour et qu'il se réveille avant la jeune fille et parte.
Les partenaires qui sont dévolues à Eguchi sont de très jeunes filles d'une beauté sensuelle mais lui-même n'est plus capable « de se comporter en homme » en face d'une femme, aussi les effleure-t-il des yeux et des doigts en ayant soin de respecter leur sommeil. Pourtant, les sensations visuelles et olfactives qu'il ressent réveillent chez lui des souvenirs amoureux qu'il croyait définitivement enfuis de sa mémoire, mais aussi un sentiment de honte et de gêne. Il avait croisé beaucoup de femmes dans sa vie, qu'elles aient été conquêtes d'un soir ou prostituées mais il gardait d'elles l'image indélébile de leur beauté, de leur sensualité qui se réveillaient à cette occasion, avant de sombrer lui aussi dans un sommeil artificiel chargé de songes et parfois de fantômes. Ses nuits ont cependant été chastes ainsi qu'il convient dans cette maison mais ses souvenirs autant que ses séances nocturnes lui donnent l'intuition de la solitude d'autant plus grande qu'il ressent, comme chacun de ces hommes âgés qui se retrouvent ici, l'impossibilité de rendre à une femme le plaisir qu'elle donne dans l'étreinte. Pire peut-être cette impression de déréliction est exacerbée par le fait qu'ils ressentent du désir pour une jeune et jolie fille qui doit rester assoupie et qu'ils doivent dormir à ses côtés sans pouvoir assouvir leur libido et ce d'autant plus qu'ils ont dû être jadis des amants fougueux. Ils sont le plus souvent veufs ou célibataires, c'est à dire à cause de leur âge délaissés par les femmes et abandonnés à eux-mêmes. Ainsi Eguchi a la certitude que pour lui une page est définitivement tournée, qu'il arrive au terme de quelque chose et qu'il se pourrait bien qu'il dorme ici « d'un sommeil de mort ». Cela l'obsède au point de devenir un tourment, sans doute parce que le sommeil est effectivement l'antichambre de la mort et que, dans son cas comme dans celui de ses autres confrères, le trépas qui est l'inévitable issue de sa vie, peut être rendu plus doux par l'ultime partage d'une nuit, même chaste, aux côtés d'un femme sensuelle. Ainsi la pulsion qu'il ressent se transforme-t-elle en dégoût d'une vie finissante, en ce mal-être que prête la fuite du temps, en une réflexion amère sur la vieillesse, en une indignation face à la camarde qui frappe au hasard.

C'est un texte intensément érotique, tout en retenue où l'auteur souligne à l'envi les traits fins d'un visage, la blancheur d'une peau, l'odeur fascinante d'un corps nu, la pulpe des lèvres, la fluidité d'une chevelure, la rondeur d'un sein, le galbe d'une hanche, la finesse d'une attache, mais à travers l'incontestable charge sensuelle et poétique du texte, j' ai surtout lu une ode au corps des femmes, un hymne à leur beauté. C'est un texte somptueux illustré de photos et dessins non moins évocateurs de Frédéric Clément.

J'ai rencontré Kawabata par hasard et la première impression m'avait surpris (la Feuille Volante n°1202). Je dois dire que j'ai été conquis par cette deuxième approche.



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je me souviens encore lorsque, passant 6 mois au Japon alors que j'avais 21 ans, j'ai découvert les magasines laissés par les jeunes hommes japonais logés dans mon dortoir. Je me suis dit, avant de délier la pile, que j'apprendrais des choses, et je n'ai pas été déçu. J'ai ri beaucoup et de très bon coeur. Quelle découverte au coeur de la nuit, en secret ! Çà m'a ouvert les yeux à certaines choses, mais ici quand-même, c'est un vieillard qui a choisi de se faire souffrir et des jeunes filles droguées. Çà me semble d'un intérêt limité en terme d'expérience personnelle. Disons que çà me dépasse.
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L'histoire est étrange, presque inquiétante et s'installe dans le huis-clos d'une chambre tendue de velours cramoisi. Un homme de 67 ans, Eguchi, se rend dans une villa isolée au bord de la mer pour passer la nuit aux côtés d'une jeune fille plongée dans un sommeil narcotique. Lieu de rendez-vous de vieillards impuissants, condamnés à s'étendre avec une « belle endormie » recrutée par une maquerelle énigmatique et méfiante, la maison est silencieuse, comme plongée dans un silence quasi mortuaire. L'établissement ne reçoit que « des clients de tout repos » déclare l'hôtesse à son client avant de l'introduire dans la pièce qui conduit au cabinet secret.
Eguchi se dit avec orgueil qu'il n'est finalement pas un client de tout repos, qu'il possède encore une force virile qui suffit à le distinguer des piètres vieillards qui sont condamnés à admirer et à cajoler un corps qu'ils ne pourront pas posséder. À lui, il reste « encore de quoi se comporter en homme ». Mais le corps de l'enfant qu'il contemple, au lieu de provoquer un sursaut vital chez lui, le leste du poids des souvenirs enfouis et l'emporte vers le passé. Ressurgissent le trouble intense d'un premier amour contrarié, une geisha incommodée par l'odeur de lait des nourrissons, une femme croisée dans une réception mondaine... Eguchi revient une deuxième fois dans la maison. Une nouvelle créature repose dans la chambre, belle, désirable. Bien sûr, déflorer la jeune fille serait enfreindre la loi de la maison mais, surtout, comment se résoudre à l'acte charnel quand vous êtes privé de la conscience de l'autre ? Eguchi se trouve renvoyé à sa solitude de vieillard et aux somnifères.
À sa troisième visite, une fillette est couchée dans la chambre. Les amours de la maturité sont tapies dans le corps de la petite qui se pelotonne contre lui. Leurs couleurs éclatantes surgissent dans des visions. La sexualité est la sève qui irrigue l'existence des hommes et des femmes.
L'hiver s'est installé, la neige tourbillonne et Eguchi se rend encore une fois à la maison de la falaise. La fille, cette fois, est une créature solide, de son corps n'émane pas la fragilité qui le troublait tant chez les autres. La cruauté chahute ses pensées quand il la contemple : elle vit, sa chaleur envahit la couche et lui se trouve à peine vivant.
Eguchi ne peut s'empêcher de revenir à la maison des « Belles Endormies ». le sortilège opère à son corps défendant. Deux filles occupent la couche, composant une sorte de yin et de yang. L'une a la peau foncée, l'odeur forte, musquée, le corps ferme et délié : « c'est la vie même ! » pense Eguchi. L'autre est gracieuse, son long cou est délicat comme ses doigts, sa peau blanche dégage une odeur douce. Eguchi séduit par l'une et l'autre, hésite. Vers laquelle se tourner ? le souvenir de sa mère revient, il revit son agonie. Au réveil, la fille brune est morte. La mort l'a emporté sur la vie.
J'ai éprouvé une certaine déception à la lecture de ce livre. Tout d'abord, j'ai trouvé que l'écriture manquait de fluidité, que le style demeurait assez lourd, comme empesé. Les quelques dialogues qui ponctuent le récit m'ont souvent laissé perplexe, comme si les interlocuteurs se lançaient des phrases à l'aveuglette. Je ne pense pas que la faute en soit imputable au traducteur qui est chevronné.
La réflexion de Kawabata sur la vie, l'approche de la mort, le sommeil, les fantômes (est-ce la mort, mais aussi une forme de vie au-delà de la mort ?) manque, pour moi, de nuances. Je la vois comme presque trop masculine. L'homme vit au travers des femmes qu'il a conquises, possédées. La vieillesse l'écarte à jamais de la vie qui est sexualité et désir. Rejeté dans une solitude qui préfigure l'abandon de la vie, il n'a plus de place parmi l'humanité, il est comme frappé d'une dégénérescence physique, mais aussi sociale. Il est exposé au mépris de ceux qui répondent encore à la pulsion vitale. Au vide de son existence va s'ajouter le vide de la mort.
Les Belles endormies suscitent, au final, quelques bâillements.
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Des vieillards sont placés dans la sphère d'influence au sein de laquelle les charmes du corps de la femme règnent sans partage. Étendus au contact de la nudité de jeunes filles vierges, endormies sous l'effet d'une drogue, ils peuvent jouir à souhait du fantasme absolu de tout homme : disposer du corps d'une jeune femme, offerte, privée de toute résistance.

Il s'agit de donner à des mâles déchus, à la veille de leur trépas, l'occasion de faire pénitence pour avoir tenu sous le joug celles qui ont été les partenaires de leur vie, pour les avoir asservies à leurs instincts primaires. Car à cette offrande sublime de la féminité se confronte désormais la disgrâce de leur force d'homme.

Tous les sens sont mis en éveil dans ces pages. La beauté provocante de jeunes corps nubiles, l'éclat et la douceur de la peau sous la caresse, le goût des lèvres pulpeuses, l'odeur de lait d'un corps juvénile, y compris le murmure de la respiration de la beauté endormie. Tous les sens pour susciter "l'insondable profondeur du désir", pour attiser une joie qui demeurera cependant sans aboutissement du fait de l'effroyable décrépitude de la vieillesse. Virginité offerte, tentation divine pour une impotence démoniaque, pour que le regret de ne pouvoir jouir devienne remords d'y avoir trop succombé.

L'invitation à la vie devient alors aspiration à mourir; avec pour unique réconfort la beauté divine du visage de la belle endormie. Visage de Bouddha. Quand eux, ces mâles, autrefois triomphants, que rien ne peut plus désormais guérir de leur triste apathie, ils prennent conscience d'avoir été leur vie durant précipité dans le monde des démons par le corps de la femme, d'avoir exercé sur lui la tyrannie de l'assouvissement.

Court roman, chaste, ô combien suggestif, troublant, culpabilisant, une forme d'expiation proposée à ceux qui ont imposé leur domination à la beauté. Supplice psychologique du repentir, avant que de passer.
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Etrange récit
Beaucoup de choses ont été dites dans les commentaires donc je vais essayé d'évité les redites. Ce roman se lit assez rapidement, en 2 3 heures maxi. On retrouve bien les descriptions, le côté épuré, les sous entendus et aussi comme une certaine absence d'émotions bref le style de Kawabata, mais il est moins bon que pays de neige je trouve. En tout cas pour un occidental il peut provoquer un certain malaise, mais c'est aussi pour cela que l'on vient chercher des auteurs d'extrême orient.
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En bord de mer, la 'maison des belles endormies' permet au vieux Eguchi de passer la nuit en compagnie de jeunes filles droguées, apprenties ou entraînées... Il devient addict mais se contentera-t-il de longues descriptions anatomiques et de souvenirs érotiques? Passera-t-il à l'action? Coupera-t-il l'interrupteur de la demi-couverture chauffante?

Indéniablement, Kawabata s'y connaît en prostituées, mais j'ai trouvé quand même malsain voir pédophile ce vieux qui se tape des filles de 14 ans.
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Eguchi, dit, le vieil Eguchi, notre personnage principal, devient un habitué d'une étrange villa, permettant aux hommes âgés de passer des nuits avec de charmantes créatures, endormies et droguées pour ne pas qu'elles s'éveillent. Nous le suivons, nuit après nuit, dans les brumes de ses souvenirs...

Nous entrons dans un monde tout particulier, empreint de nostalgie et de drogue. Une ambiance feutrée, étrange et presque poisseuse. Sous couverts de la vie amoureuse et sexuelle d'Eguchi, c'est tout de même une maison close d'un autre genre, certes, mais une maison de passe tout de même que nous rencontrons. Ce qui m'a dérangée c'est de ne pas comprendre vraiment le pourquoi du comment de ce lieu. J'ai finalement été plus intriguée par celui-ci d'ailleurs que par notre personnage principal.

Un texte descriptif, d'une lenteur recherchée, amenant une ambiance vaporeuse. Malheureusement, ses longues descriptions loin de m'avoir embarqué dans un monde imaginatif, m'ont endormie sous des lignes et des lignes décrivant les positions et corps inertes des jeunes-filles. Si ces chaires sont le prétexte, pour Eguchi de se souvenir des femmes qui ont traversées sa vie, ces moments sont bien trop courts pour nous attacher au personnage, que l'on ne fait que deviner. Il semble plus complexe et plus immoral qu'il ne le laisse supposer et le lecteur tant vers un brin de curiosité, qui s'essouffle vite lorsqu'il comprend que ce ne sont que des passages brefs de la vie d'Eguchi qu'il suivra.

Finalement, le texte se termine là où il aurait été, pour moi, intéressant de commencer, puisque nous avons enfin un peu d'action ! Si j'ai aimé l'idée de retracer les périodes amoureuses d'une vie, je n'ai pas compris la volonté de l'auteur de nous immerger dans un flot de description et de code propre à cette étrange villa, sans rien apporter d'autre à l'intrigue. La fin, notamment, m'a fait espérer une chute digne de ce nom, pour n'être finalement qu'un soufflé raté.

le livre est l'une des inspirations pour le film Sleeping Beauty ( 2011 ) de Julia Leigh. J'étais curieuse de découvrir le film, de part ma déception face au livre.
Nous suivons Lucy, qui enchaîne les petits boulots, jusqu'à découvrir la villa de Clara, dans laquelle, droguée, elle dort, chaque nuit, à côté d'hommes âgés, ce qu'elle ignore. le film n'est absolument pas une adaptation, il reprend uniquement le principe des endormies au service d'une autre intrigue. La notion d'intrigue, est d'ailleurs, ici, à prendre au sens large, tant la réalisatrice détruit les codes cinématographiques. En ce sens, le rapport entre le film et le livre est l'ambiance. Il faut, je pense, pour entrer dans cet univers, accepter de ne pas tout comprendre. le postulat de départ de Julia Leigh est un rêve : savoir se que ferait une personne pendant qu'une autre dort et que celle-ci ignore être aux côtés de quelqu'un. Beaucoup de plan fixe, une lenteur étudiée, qui n'ont pas eu de prises sur moi. Une violence sournoise, une solitude quotidienne, rythmée de rencontres brèves. Un film évanescent, qui nous laisse avec un goût amère et des questions sans réponses...

En bref, Les belles endormies fut pour moi un rêve qui ne demeurera pas en mémoire...
Lien : https://topobiblioteca.wordp..
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ô, temps, suspends ton vol!

De curieux vieillards viennent se gorger de la beauté figée dans le temps de belles endormies, venues apaiser leur peur de la mort et stimuler leurs souvenirs, immobiles dans un sommeil fantasmé...
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Avec ce court roman nous entrons dans le singulier climat érotique d'une maison de prostitution pour vieillards où de très jeunes filles attendent endormies les hommages de leurs séniles adorateurs. Agé de 67 ans et encore très vert pour cet âge, le personnage principal du récit partage ses nuits entre d'ardentes tentations et l'évocation de quelques moments privilégiés de sa vie passée. L'écriture est remarquable et singulièrement pudique dans l'audace même de son sujet. C'est un livre à la fois trouble et fascinant, d'une qualité littéraire certaine qui nous offre des visions de tout un pan secret de l'âme japonaise.
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