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4,01

sur 4589 notes
Je vais essayer de ne pas trop m'épancher, mais mon dieu que j'ai aimé ce livre. Un jeune homme vient de mourir, le processus du don d'organes s'enclenche. Par où commencer ? Déjà, le thème est très délicat mais extrêmement bien traité, avec beaucoup de pudeur et de talent, surtout. le sujet est original aussi et particulièrement intéressant. le style est sublime, c'est un flot, un torrent de mots qui nous emporte, tantôt nous berce, tantôt nous bouleverse. Des longues phrases rythmées, un style vraiment propre à l'auteure. Il n'y a jamais de pathos ou de voyeurisme mais toujours beaucoup de sentiments dans ce livre. Les personnages ne sont pas simplement des rôles (chirurgien, infirmière, petite amie...) mais bien des personnes, des êtres humains à part entière. On a une plongée dans la vie de chacun d'entre eux, une galerie d'existences en 24 heures chrono. Je n'ai pas pu refermer ce livre, je l'ai lu presque d'une traite et il m'a énormément émue. C'est le genre d'oeuvre qui nous habite bien après l'avoir refermée, et qui fait réfléchir. Une fois fini, je l'ai conseillé à tout le monde, et je vous le conseille à vous tous qui me lisez car je pense qu'il peut véritablement plaire à tout le monde. Tout est crédible, vrai, sincère, beau. Détresse de la mort, joie d'une nouvelle vie qui s'ouvre, c'est un cycle, une valse des émotions. Rien à redire, vraiment. Vite, lire un autre Maylis de Kerengal !
Lien : http://lantredemesreves.blog..
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Une écriture renversante, un sujet bouleversant, un questionnement.
Vingt-quatre heures, une course contre la montre et un condensé d'émotions.

Il ne s'agit malheureusement pas de sauver Simon, un jeune surfer en mort cérébrale suite à un accident de la route, mais grâce à son coeur, de réparer « un autre vivant ».

Le ton est juste, sans pathos. L'écriture dense, serrée, à la ponctuation chaotique et d'une grande poésie, rend compte de la singularité de la situation. L'auteure réussit à nous faire pénétrer dans deux « espaces-temps » : pour les proches noyés dans la sidération, le temps qui s'arrête ou que l'on voudrait arrêter. Pour les médecins, l'urgence absolue, car chaque minute compte et est comptée.
La description minutieuse et instructive du protocole médical alterne avec les émotions mêlées ressenties par les parents de Simon, et surtout par Marianne, sa Maman : sidération, déni, chagrin, culpabilité, douleur, colère, abattement, acceptation.

Le roman soulève des interrogations d'ordre éthique sur un sujet grave. le propos n'est absolument pas moralisateur, mais c'est un plaidoyer pour la transplantation cardiaque. Il rend aussi hommage aux héros anonymes : urgentistes, chirurgiens, infirmières,… qui quotidiennement se battent pour sauver des vies, et sont parfois les témoins impuissants du chagrin de familles confrontées à l'impensable, à la douleur insupportable du décès brutal d'un enfant.

Un roman « wouah » à découvrir de toute… urgence.
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Si j'osais, je dirais qu'il faut avoir le coeur bien accroché avant d'entamer cette lecture !
Les descriptions de prélèvement d'organes, très réalistes semble t-il, la froideur de la table d'opération et du scalpel prennent le dessus sur l'émotion et la compassion.
J'ai eu l'estomac noué et la nausée au bord des lèvres durant toute ma lecture , la surprise également de découvrir des dialogues mal définis, sans tirets ni guillemets.
Autrement dit, l'originalité de l'écriture m'a laissé perplexe.

Résultat de l'électrocardiogramme du lecteur : tracé rectiligne plat.
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Suite à un dramatique accident de la route, Simon se retrouve dans le coma, en état de mort cérébrale. Ses parents, Marianne et Sean se retrouvent acculés dans une souffrance insoutenable (qui ne le serait pas dans pareil drame ?), pourtant il faut décider, Simon aurait-il voulu faire don de ses organes ? Quelle question lorsqu'on a 19 ans et toute la vie devant soi. La réponse n'est pas claire. Simon aurait-il voulu donner ses organes ? A défaut d'affirmations, il faut creuser, pousser, parce que d'autres vies sont là, à réparer. Simon était-il un garçon généreux? ...

Très mitigée sur ce roman au succès phénoménal. le sujet du don d'organes est intéressant, rien à dire là-dessus.
Le phrasé est impeccable, les mots sont une suite en spirale, chacuns témoignant du manque d'oxygène, d'un coeur sur le point de s'arrêter. Il faut aller vite, alors les mots se suivent sans halte, une logorrhée sans souffle avant le dernier.

Je ne suis pas parvenue malheureusement à suivre le rythme, trop de longueurs, de détails alourdissant l'histoire, et puis un sujet qui finalement, à force de longueurs, n'est pas assez abouti selon moi. Il y a pourtant tout un tas de questionnements sur ce sujet. L'héritage des organes aurait mérité que l'auteur s'y attarde. Si la réincarnation n'est pas dans les croyances scientifiques, certains neurologues pensent néanmoins que l'âme se continue dans le don d'organes. J'aurai été certainement totalement conquise si l'auteure avait choisi un chemin plus interrogatif à défaut de la multitude de détails sur la vie des intervenants.
Difficile dans ce cas de pouvoir m'attacher autant aux protagonistes qu'à l'histoire.
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Quel livre magnifique !
C'est en allant voir le film de Katell Quillévéré que j'ai découvert Maylis de Kerangal.
Quelle surprise, quel uppercut !
Parler d'un sujet aussi difficile et quasiment tabou ?!
La mort cérébrale et le don d'organe.
J'ai trouvé le film sensible, digne, éprouvant, poignant. le livre est tout autant en délicatesse: l'accompagnement des parents de Simon dans cette acceptation de cette mort si particulière et surtout la responsabilité et ce douloureux choix permettant de sauver d'autres vies, le rôle du personnel hospitalier, toute la procédure mise en place pour récupérer les organes, les receveurs.
Maylis de Kerangal fait le choix de nous montrer cette pudeur là: d'un parent face au deuil de son enfant, le temps suspendu dans le bloc opératoire lors de la transplantation, les questionnements du receveur sur ce "don" si particulier.
C'est beau, pur, sans artifices, respectueux de la vie. Même les gestes pour rendre le corps de Simon ad integrum sont majestueux.
Il est bon de se faire secouer.
Une magnifique découverte.
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Ils sont trois sur cette route de campagne. Trois amis unis par une passion, celle qui ravage tout sur son passage, celle qui justifie tout : se lever à quatre heures de matin en plein hiver la gueule enfarinée et le ventre vide, avaler des kilomètres sans penser à rien d'autre qu'à elle, désespérer d'être au plus vite à ses côtés, la trouver et entrer en elle comme on retourne au foyer, se laisser porter par sa force destructrice, ne penser à rien d'autre, l'accompagner un peu même si on est rien, un grain de sable dans l'infini, une marionnette, un pantin ridiculement périssable, si escamotable que ça en devient risible. Mais une fois à ses côtés, quelle jouissance, quel shoot d'adrénaline, tout apparaît si pur, si beau, si intense. Elle est tout. La vague. C'est pour elle, pour la liberté qu'elle procure quand on la dompte, que ces trois loustics, ces nouveaux hommes, si sûrs de leurs corps, si fiers, jeunes adultes au début de leur vie, indomptables et arrogants, attachants dans leur égoïsme enfiévré, c'est pour cet instant divin, qu'ils sont là. le surf c'est toute leur vie et oui ça vous emmerde, tant mieux, vous n'y comprenez rien. Une minute de pur bonheur et à la fin, le drame. Se lever si tôt a ses limites. Sommeil au volant, une fraction de seconde et tout bascule. Simon Limbres ne s'en sortira pas. Il est là sans être là, corps d'Adonis, superbe de vitalité, gangue trompeuse qui cache un cerveau mort, une âme depuis longtemps envolée. Son coeur, cet organe symbolique tant adulé, même s'il bat, n'offre aucune échappatoire. Simon lévite dans cet entre-deux, dans ce coma, ces quatre lettres qui balaient tout espoir sur leur passage. Marianne et Sean, ses parents, ne s'y trompent pas. Leur fils est déjà parti, ce n'est qu'une question de temps avant de le débrancher. Face à l'insoutenable, il est pourtant possible d'espérer. Ce coeur qui bat encore, qui remplit ses fonctions premières, servira à quelqu'un. Pleurons dignement les morts et réparons les vivants.

Face à l'incompréhension des parents, il faut expliquer. Expliquer que d'autres peuvent vivre grâce à un don qui n'en est pas un, douce ironie qui veut que sans refus clairement exprimé de la part du mort, le don d'organes est obligatoire, mais passons, là n'est pas la question. Il faut expliquer aux parents que leur fils vivra à travers tous les autres, fragments de lui-même disséminés aux quatre coins de la France, qui un coeur à Paris, qui un rein à Strasbourg. Faire accepter de la manière la plus détachée, la plus cliniquement détaillée, le processus de prélèvement d‘organes. Dure tâche que celle du personnel soignant. Rassurer aussi : la sacralité du corps sera respectée, non le corps de Simon ne sera pas un marché aux organes, ou tout du moins, essaiera-t-on de ne pas trop en donner l'impression. Et les vivants, ceux qu'il faut réparer, comment leur faire oublier qu'il aura fallu une mort pour qu'il vive, processus bizarre qui veut qu'une vie dépende d'une mort. Comment les amener à supporter le fardeau d'avoir dorénavant une part d'un autre en soi ?

Est-il besoin de vous dire que j'ai aimé ce livre ? D'ailleurs, est-ce si important de l'avoir aimé ou pas ? Car cela reviendrait à aimer ou ne pas aimer le don d'organes non ? Je ne sais pas, je suis perdue et j'écris ces lignes à chaud, seulement quelques heures après avoir refermé le roman. Maylis de Kerangal rend hommage à tous, ces hommes et ces femmes dévoués, fatigués, souvent maladroits, qui chaque jour sauvent des vies grâce au don d'organes. Décrit minutieusement ce processus, ces quelques heures pendant lesquelles tout se joue : de la mort à la greffe, seulement une dizaine d'heures et encore. Décortique cliniquement chaque étape, les mots alambiqués pour dire l'indescriptible. Nous conte le désarroi des autres, les vivants, ceux qui restent et doivent accepter la perte, perte d'autant plus difficile à tolérer qu'on retire une partie de l'être aimé, à qui on fait subir un dernier outrage pour en sauver d'autres, acte sacrificiel d'amour. Et les receveurs, qui n'ont rien demandé mais attendent tant, à qui on offre une seconde chance mais la regrettent parfois amèrement.

Je ne sais pas comment finir cette chronique. Vous dire que le don d'organes est essentiel ? Acquiescer sur le dilemme moral d'un tel acte ? Je vais donc me taire. Je crois que tout est dit.


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Au vu de son style, de son approche du sujet ultra intimiste, je pensais que ce roman avait tout pour me déplaire. Bien au contraire, je suis tombée dedans, littéralement happée par le réalisme des situations, l'aura de chaque personnage, le suspens terrible, l'intérêt scientifique du sujet. J'ai beaucoup appris, ressenti, frémi. Rarement un simple roman m'aura connectée avec autant de force à la fragilité, la beauté et l'importance de l'essence corporelle.
J'adore me tromper.
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Kerangal Maylis de, – "Réparer les vivants" – Gallimard-Folio, 2014 (ISBN 978-2-07-046236-0), précédemment publié aux éditions Verticales en janvier 2014 (ISBN 978-2070144136)
Nombreux prix dont le prix de «roman des étudiants France-Culture-Télérama» ou «meilleur roman 2014» de magazine Lire, et autres.

Rien qu’au vu des piles en librairie, de la liste des prix cultureux ou encore du matraquage médiatique, j’avais soigneusement évité ce bouquin. C’était sous-estimer la force de ces institutions, de ce qu’une certaine vulgate marxisante appelle la «superstructure idéologique», l’efficacité de l’appareil publicitaire, la capacité de nuisance de la caste détenant les leviers de la sacro-sainte «communication». Ce livre me fut offert, par une charmante jeune dame de mon entourage proche ! Impossible de me défiler, mon avis était sollicité. Me voilà fort marri.

Commençons par un tour rapide : au vu de la présentation de l’éditeur et de la toute dernière page listant les œuvres issues de la même plume, nous avons ici affaire à un auteur confirmé, ayant publié de nombreux romans depuis l’an 2000. Impression corroborée par l’écriture même du roman : indubitablement, Madame de Kerangal maîtrise son art d’écrire, le récit est mené avec rigueur, l’intrigue est menée sans errement inutile, le style est assumé (personnellement, je le trouve ampoulé et boursouflé, mais bon, n’épiloguons pas sur les goûts et les couleurs). Bien évidemment, nous avons là affaire à un auteur ayant atteint la maturité et découvert «son» style.

A partir de là, le lecteur se dit que le choix du thème principal – la mort accidentelle d’un fils de dix-neuf ans, le don éventuel de ses organes – est lui aussi mûrement réfléchi et délibérément choisi par cet auteur. Nul ne peut nier que la mort accidentelle d’un rejeton de dix-neuf ans constitue un évènement brutal, douloureux, bouleversant au sens le plus radical de ce terme, et que l’éventualité d’un prélèvement de ses organes vient rajouter une couche dramatique d’une violence inouïe, accentuée par l’urgence imposant une décision immédiate.
L’auteur a délibérément choisi ce thème fondamental, elle sait pertinemment qu’il va frapper toutes celles et tous ceux qui ont la chance d’être parents. Cela rappelle un peu le roman «Tu verras» de Nicolas Fargue (que j’ai trouvé quelque peu surchargé de mièvrerie, mais bon…).

La lecture confirme que ce récit a été soigneusement organisé, millimétré, et profondément travaillé. Rien n’a été laissé au hasard soit pour rendre au mieux le drame exposé, soit pour remuer le petit cœur de Margot-des-chaumières, mais dans la catégorie sociale «supérieure» à la clientèle des Harlequins, au choix. Un vieux routier de la lecture ne se laisse plus prendre à ce type émotionnel lacrymal sans y regarder à deux fois, c’est tout le problème avec les vieux schnocks blanchis sous le harnais et ployant sous le faix des livres lus depuis … beaucoup trop de décennies sans doute. Bref, le vieil imbécile regarde les à-côtés, l’arrière-plan, les bas-côtés, le cadre et même les bords chantournés et biseautés du miroir, et là…

Pour les gens de ma génération, celle née au début des années cinquante du siècle dernier, celle qui s’agita entre mai 1968 et grosso modo 1975 en braillant dans les rues, la scène d’ouverture est déjà pleinement révélatrice.
L’auteur y met en scène trois gamins de dix-neuf ans, nés dans les années 1985-1990, dont les parents eux-mêmes sont donc nés grosso modo dans les années 1965-1970 (comme l’auteur, née en 1967) et sont issus de la génération qui «fait» mai-68. Et que font ces trois gamins ? Que cherchent-ils au péril de leur vie ? Ils cherchent à se faire plaisir et peur en surfant sur une vague en hiver au large du Havre, ils recherchent des sensations fortes, aussi hédonistes qu’individualistes. Pour nous qui rêvions de «changer le monde», de soulever «la société», de déclencher une «révolution populaire» si ce n’est «culturelle prolétarienne» (à la pseudo-Mao), c’est d’autant plus consternant que l’auteur mobilise tout son talent et son style pour rendre cette scène la plus esthétique possible, montrant par là combien elle adhère elle-même à ce nombrilisme individualiste du seul plaisir physique d’un corps jeune : elle nage et surfe à pleines brassées dans le jeunisme le plus tartignole.

Et ce n’est que le début. Examinons de plus près les milieux sociaux ici présentés.

Les parents vivent – bien évidemment – séparément (p. 206), le père se prénomme Sean et se livre à la noble activité de confection d’engins de glisse et de surf (pp. 152-155), c’est limite artistique, hein ? Par ailleurs, bien évidemment, il n’est pas français mais anglophone (ça s’impose dans ces milieux-là) et – mieux encore – d’origine maorie, avec les tatouages idoines, garantie de cet exotisme de pacotille tant prisé des cultureux d’Arte (autre exemple avec le «shaper» de la p.155).
La receveuse Claire Méjan est d’ailleurs traductrice vers l’anglais, et tout le roman est ainsi entaché d’anglicismes (exemples p. 79, 84, 114, 121, 212) qui détonnent dans le niveau de langue choisi (ainsi que le barbarisme «alors même que», utilisé à plusieurs reprises comme p. 101, mais passons) auxquels s’ajoute la dose incontournable de citations de variétés anglophones présentées comme des sommets de culture (par exemple Bob Dylan et Neil Young pp. 120 et 122 ou d’autres p. 152). Sans oublier la grand-mère et le cousin qui vivent – bien évidemment – aux Etats-Unis (p. 129).

Juliette, la petite copine du jeune décédé (pp. 141-149), est – bien évidemment – lycéenne en «terminale option Arts plastiques» (p.143) et élabore d’ores et déjà une Grande-Œuvre-d’Art-Contemporain digne d’Arte, de Télérama, et même du supplément «M» du quotidien Le Monde, à n’en pas douter (il fut un temps où les jeunes filles de bonne famille «faisaient» du piano), le tout en citant Villon (p. 146) bien sûr. La description de la rencontre entre la mère du gamin et cette jeune amante de son fils (p. 210) culmine dans un conformisme qui en dit long sur le jeunisme bon chic bon genre : «elle portait un jean slim en velours côtelé rose pâle sur des baskets montantes vert gazon, un twin-set jacquard sous un ciré rouge».

Le médecin Révol est né en 1959 (p.42), il est amateur de prestigieuses lectures si tant plein intéressantes (p.32), ne dort pas (pp. 119-122 - réminiscence involontaire de ces héros de romans policiers états-unisiens standards ?). Il cultive des plantes psychotropes (p. 120), c’est donc un personnage dans le vent (il ne se passe pas un mois sans que le quotidien «Le Monde» ne publie un vibrant plaidoyer en faveur de la légalisation du cannabis, l’un des «arguments» majeurs repris ici étant d’ordre médical). Accessoirement, il est passé maître en matière de manipulation des proches : il vous les cloue sur place de son «profond regard» (pp. 106-107, l’auteur a peut-être elle-même également trop regardé les exécrables séries états-unisiennes peuplées de Grands Chirurgiens Héroïques ici mentionnées).

L’infirmier Thomas Rémige se livre au chant (pp. 74-75). Comme tous les autres personnages de ce roman, il est «magnifique» (p. 79). C’est un Grand Manipulateur (pp. 123-140 puis 160), excellent même puisqu’il parvient à énoncer froidement le contraire de ce qu’il fait (p. 134) ! Dans la gamme de l’exotisme de pacotille, il est allé quérir un oiseau, un chardonneret, hors de prix en Algérie (pp. 167-173), c’est tout mignon.

Rien ne manque dans ce roman, pas même la bête de sexe. Mode oblige, c’est une femme qui endosse le rôle, mais elle occupe un rang social inférieur (comme par hasard) puisqu’il s’agit de l’infirmière Cordélia Owl (encore un nom qui mélange les genres et les origines, comme par hasard également). Elle endosse la seule scène sexuelle explicite du roman, qui – bien évidemment – se déroule dans des conditions lamentables près des poubelles (pp. 35-36), elle en est obsédée au point de ne pas écouter le Grand Docteur (pp. 115-117), c’est vraiment pas beau, hein ? Mais il faut bien adjoindre un peu de piment dans toute cette sauce douceâtre.

Le portrait de Marthe Carrare (pp. 177-189) qui – bien évidemment – élève seule sa fille (p. 188) culmine dans un avortement (p. 188).

Il y aurait encore d’autres remarques à formuler sur d’autres personnages moins présents dans le récit (le bel italien Virgilio – lui aussi bien évidemment «étudiant d’exception, interne hors norme» p. 246 et sa tigresse Rose pp. 229-241), mais je terminerai par la description de la tribu du Grand, Noble et Beau Docteur chirurgien Harfang (pp. 189-194). Ces pages ont le mérite de nous faire toucher du doigt le racisme social courant dans une certaine littérature et une certaine strate sociale de notre beau pays, cultivant hypocritement un égalitarisme outrancier de façade.
Le pire, c’est qu’il existe vraiment de tels clans, surtout dans des secteurs comme la médecine, le droit ou le spectacle, où il est dorénavant admis de faire des carrières météoritiques du moment que l’on est le fils ou la fille de Machinchose, moyennant des combines et un favoritisme de moins en moins dissimulés. De nombreux sociologues soulignent d’ailleurs combien l’accession des filles au même niveau d’étude que les garçons a considérablement renforcé l’endogamie professionnelle, qui s’achemine inéluctablement vers un système de caste à l’indienne.
Que notre auteur décrive ici ce phénomène avec une telle empathie (le terme «dynastie» survient p.190) relève soit de l’angélisme béat, soit de la complaisance d’entre soi, soit de la sur fréquentation des plus basses séries états-unisiennes, soit de l’adhésion pure et simple aux pires théories de l’Übermensch voire de la supériorité aryenne. La scène des courses à vélo et du mépris des épouses (pp. 193-194) relève de cette idéologie de la soumission imbécile, effectivement pratiquée dans ces milieux-là pour faciliter une carrière auprès de celui qui – bien évidemment – participe au marathon de New-York (p.190) et dispense un «exposé étincelant» (p.194).
La dernière pousse de ce clan est – bien évidemment – une fille, une harfanguette, affectueusement présentée comme une toute blanche colombe (par opposition à la vilaine infirmière victime de ses instincts les plus bas) « la jeune fille en manteau blanc, également postée là, silencieuse, et qui se décolla du mur… » (p. 248) on se croirait dans «Nous deux».

Tout ceci nous amène au ressort idéologique profond de ce roman doucereux, à savoir la promotion de l’idée selon laquelle l’être humain ne vit que dans son cerveau, que le corps n’est qu’une machine, un réservoir d’organes manipulables à volonté (pp. 43-46). Ce thème très à la mode sert de caution à la promotion de la dissociation du corps et de l’esprit, s’incarnant dans la gestation pour autrui, le changement de genre à la demande (remboursé par la sécu), l’euthanasie des gens qui déraillent (surtout s’ils sont âgés ou gravement handicapés), le traficotage des embryons, et bien d’autres idées magnifiques visant à «améliorer» l’espèce humaine, pour aboutir à une «race des seigneurs» que les nazis ne faisaient qu’entrevoir bêtement.

Avant de lire ce roman, j’étais plutôt favorable au don d’organes, après une telle lecture, je ne suis plus du tout certain du bienfondé de cette démarche…
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En surfant sur la vague Simon vit des moments inouïs de peur, de jouissance et d'excitation extrême; il est un orfèvre de la vague, il sait la choisir et l'appréhender pour atteindre des sensations vertigineuses et transcendantes. Il partage cette drogue dure avec ses potes Chris et Johan. De retour d'une session très matinale, la camionnette conduite par son ami Chris percute un poteau, Simon n'a pas de ceinture et cogne violemment dans le pare-brise. Il ne survivra pas à l'accident.

Ses parents, Marianne et Sean sont alors placés face à ce dilemme jamais envisagé: le don (ou refus du don) à la médecine, des organes de leur fils.



Réparer les vivants est l'histoire d'un cœur, "la boîte noire" du corps: le muscle cardiaque qui permet la vie mais aussi le cœur, symbole de la vie affective et amoureuse. Le cœur de Simon est le personnage principal de cette histoire de transplantation. le parcours de ce cœur, entre le donneur et le receveur, ressemble à une course-relais où tous les relayeurs (les parents, le personnel médical) œuvrent pour faciliter le passage du témoin afin qu'il arrive dans les meilleurs conditions jusqu'au receveur.

Le privilège du lecteur est de connaître toute la chaîne tissée par ce cœur, du receveur au donneur; la fiction permet de lever l'anonymat qui est de mise, habituellement, dans les dons d'organes.



C'est un livre aux multiples qualités. L'urgence de la transplantation donne du rythme, du souffle au texte, le cœur continue de battre entre les lignes. L'écriture de Maylis de Kerangall est créative et s'adapte sans cesse pour évoquer tour à tour la virtuosité des chevaucheurs de vague, la douleur crue et insoutenable des parents, la solennité lors de la demande de dons ou le jargon en usage entre techniciens de la greffe.

Le lecteur fréquente les coulisses de l'hôpital, entre au bloc au moment de la transplantation des organes, là où s'écrit un moment de grand réalisme, un travail de haute précision et de finesse: le "pinceau du calligraphe japonais, (l') amortie du tennisman". le lecteur pénètre aussi dans les vies privées, les réflexions intimes des parents de Simon, de l'infirmier coordonnateur, du chirurgien et c'est le dosage de cet équilibre entre réalité et fiction, entre documentaire et roman qui épate et mobilise.

Réparer les vivants emporte le lecteur dans une course vitale avec toujours le souci de considérer, ménager, respecter, "réparer" les vivants!



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24 heures dans la vie d'un coeur, celui de Simon Limbres, 19 ans, qui passe en moins d'une journée dans la poitrine de quelqu'un d'autre, malade cardiaque, prioritaire sur la liste des receveurs d'organes.
Tout avait pourtant bien commencé, ce matin-là, même si c'était un dimanche en plein hiver à 5h50 du matin, un moment un peu dingue pour faire du surf. Mais au retour, l'accident. Mort cérébrale. Les faits s'enchaînent alors, logiquement, prévisiblement : prévenir les parents, les laisser encaisser le choc avant d'en amorcer un deuxième : Simon aurait-il accepté de faire don de ses organes ? Violence de la question, délai de réflexion, oui, non. Forcément c'est oui, sinon la quatrième de couverture ne dirait pas que ceci est « le roman d'une transplantation cardiaque ».
Dans « Réparer les vivants », on parle donc de coeur, en tant qu'organe devenu inutile chez celui dont le cerveau a grillé, mais espoir de vie pour celui/celle qui est sur le point de perdre le sien (de coeur) ou la sienne (de vie). Il n'y est donc pas tant question du coeur romantique, le siège des sentiments, au centre des histoires d'amour. Quoique. Il est beaucoup question des états d'âme des uns et des autres, de ce qui se passe dans leurs têtes, et dans leurs coeurs, donc.
Il y a là tous les ingrédients d'un roman captivant, urgence, tension, drame, questions existentielles, générosité, compassion, l'amour, la mort, la vie, le tout lu et approuvé par les jurys de nombreux prix littéraires.
Et pourtant, quelle déception. Rien à voir avec le sujet, tout à fait intéressant, mais tout à redire sur le style. Phrases kilométriques, vocabulaire alambiqué, digressions incongrues et gratuites sur des personnages secondaires. Et à force de vouloir éviter le pathos, l'auteure a réussi à ne me faire ressentir d'empathie pour aucun des protagonistes. Tout cela est disséqué, froid et clinique, approprié à une salle d'opérations. Mais à un roman qui parle du coeur, l'origine de tant d'émotions, et qui aborde un sujet aussi douloureux ?
J'aurais voulu aimer ce livre, mais je m'y suis ennuyée. L'engouement qu'il a suscité m'échappe.
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