Une quinzaine de nouvelles constituent cet ensemble rédigé en 2008.
Cela commence par Willa, du nom de la jeune femme assez originale qui, pour le moment, partage la vie de David. Ils sont échoués sur un quai de gare, au milieu d'autres passagers. La raison en est simple: leur train a déraillé et l'Amtrack (SNCF américaine) doit leur en envoyer un autre pour les sortir de cet endroit au milieu de rien. mais Willa n'a pas la patience d'attendre et part vers la petite ville la plus proche. Il fait nuit noire, les loups menacent. David pourtant la rejoint et tente de la ramener vers la gare. le dialogue vers bascule vers l'absurde,, l'angoisse, le mystère la douleur (“ Tu crois qu'on pourra encore faire l'amour? ” “ Percevoir et attendre, tu te souviens? ” ). Dans cette salle de danse enfumée, sur un air de musique country, ils “ continuèrent à tourner sur la piste de danse vide. Parfois, ils apparaissaient dans le miroir... ”
Quant à “ la fille pain d'épice, qui court, court, jusqu'à l'épuisement pour vider sa tête des images d'un couple qui bat de l'aile, quand elle rencontre le tueur en série, elle se bat avec l'énergie du désespoir. Grâce à ses muscles hyper entraînés, elle est en mesure de faire échec à la mort. le combat qu'elle mène contre sa vie insignifiante la sauve finalement d'une mort atroce. Et, malgré l'horreur de la situation, elle est frappée par la beauté délicate de l'arc en ciel. Une vie nouvelle peut commencer. Il faut attendre les notes en fin de livre pour comprendre le titre qui fait référence à “ Gingerbread Girl ”, héroïne de livres pour enfants au cours desquels elle chante “ Cours, cours, cours... Jamais tu ne m'attraperas. Je suis la Fille Pain d'Epices. ”
L'auteur fait part de son traumatisme après le 9 septembre 2001 dans deux nouvelles: “ Laissés pour compte ” est absolument angoissant: un homme retrouve chez lui des objets ayant appartenu à des collègues de bureau victimes de l'attentat, lunettes de soleil, penny pris dans un bloc de résine, un coussin péteur, une batte de base-ball. Chaque objet lui renvoie en pleine figure ce qu'il a pu observer chez ses collègues mais surtout l'affreuse culpabilité du survivant. En dépit de ses efforts pour se débarrasser des objets, il les voit revenir, inlassablement, et commence à souffir de véritables crises de panique. Il faudra une visite chez une cliente qui fera office d'oreille pour que les objets acceptent de disparaître. Une histoire terrifiante mais aussi intéressante dans son approche quasi psychanalytique.
Les attentats du 11 septembre sont de nouveau abordés dans “ Fête de diplôme ” où nous assistons à l'horreur par les yeux d'une jeune diplômée, seule à comprendre ce qui se passe, au milieu de gens aisés en train de faire la fête.
Effrayante nouvelle, et longue cette fois, que “ N ”, découpée en plusieurs chapitres au cours desquels nous assistons à la relation d'un drame vécu par le patient d'un psy, puis par le médecin lui-même. D'étranges rochers dans le champ d'Ackerman, lieu interdit à toute visite par chaîne et écriteau, disposés en cercle comme à Stonehenge. Il sont sept, ou huit si on ls saisit dans l'objectif d'un appareil-photo. le patient curieux qui n'en finit pas de compter, recompter les rochers comprend que le monde est en danger si on ne rétablit pas la parité des choses. Il aligne, rajoute, ôte, pris de TOC incontrôlables, sa vie se passe à réorganiser l'espace et les choses. Nous voilà dans un univers fantastique qui a pourtant sa logique, sa morale, sa philosophie. Fascinés, angoissés, nous serions prêts à basculer dans la folie des chiffres, comme cet obscur et génial comptable. On apprécie le thème, la forme, l'écriture, l'univers ce cette nouvelle qui fait évidemment penser au boulingrin de
Shining, labyrinthe symbolique des méandres de la folie mentale.
Une autre nouvelle est frappante: il s'agit de “ vélo d'appart ”. Qui ne s'est ennuyé à mourir sur un vélo d'appartement, à pédaler pour rien et sans autre but que d'entretenir la forme et perdre du poids? C'est le cas de Richard Sifkitz, peintre à ses heures, qui va, pour se stimuler, faire “ comme si ” il suivait un itinéraire. Il pédale et note le déplacement fictif qu'il est en train de faire. Pour mieux rendre l'expérience, l dessine sur le mur en face de lui, un paysage de forêt. Et quand le paysage se transforme au rythme de ses coups de pédale, nous basculons dans la folie, encore!
Encore un bon texte, celui consacré au chat-tueur, qui vient se caler sur l'image bien établie du chat-qui-porte-malheur. Un étonnant de mélange de douceur, violence, folie, encore!
Toutes ces nouvelles offrent un moment de lecture d'autant plus agréable qu'il est très varié et repose sur des motifs faisant appel aux peurs ordinaires, comme l'écrit l'auteur dans ses notes explicatives en fin d'ouvrage.