Dans ce second Tome du Fléau nous allons de nouveau à la rencontre des "troupes" qui se réunissent autour de Mère Abigaïl à Boulder, Colorado, ou autour de Randall Flagg dans l'Oasis apocalyptique qu'est devenue Las Vegas. Les deux villes grandissent de manière bien différentes. Si au Navada ça file droit, et les trains arrivent à l'heure, car tout écart est sanctionné de tortures abjectes, dans le Colorado on essaye tant bien que mal de rebâtir une société nouvelle toujours basée sur un principe démocratique. La dictature qui grandit dans la ville du Vice semble croître de manière plus homogène et plus efficace que l'ébauche de civilisation qui pourrait émerger à l'Est, au-delà des montagnes. Les survivants de la Super Grippe semblent irrésistiblement attirés par l'un et l'autre des deux camps. le marcheur quasi omnipotent à face démoniaque et la vieille femme à l'énergie si douce savent que la confrontation aura lieu d'ici quelques mois. Cela semble irrévocable, irrémédiable, comme une perpétuelle bataille du camp du Bien contre celui du Mal. du côté de Las Vegas une discipline de fer basée sur la Peur semble donner aux troupes de R.F. un avantage technologique et humain non négligeable. Dans les montagnes du Colorado tout semble plus compliqué. le comité de départ (Nick, Glen, Stu, Larry, Fran, et les autres) qui donne le cap arrive tant bien que mal à obtenir des résultats corrects cependant, jusqu'au jour où Mère Abigaïl disparaît.
La Poubelle ramène des armes toujours plus sophistiquées à Las Vegas où les crucifixions de traîtres se sont multipliées pour l'exemple...
Nadine et Harold semblent avoir de plus en plus de mal à résister aux appels du Démon...
Fran est enceinte, mais la peur grandit en son sein quant à l'éventuelle survie de son bébé face au virus toujours présent...
Kojak a retrouvé Bateman : le chien fidèle a traversé bien des épreuves et semble rêver lui-aussi...
Dayna, Farris et Cullen, pourraient aller infiltrer le camp du Marcheur...
Les événements s'enchaînent, à un rythme tranquille, implacable, hypnotique, où les énergies opposées semblent prêtes à provoquer un déferlement de violence inédit.
Bien chanceux sera celui ou celle en capacité de dire qui saura triompher !
Et bien ! Quelle aventure, amis lecteurs ! Ce second tome du Fléau vient ponctuer de manière absolument magistrale une aventure chorale fascinante. Les destinées de tous les protagonistes sont captivantes. Ici encore chaque détail compte. On n'arrive pas à lâcher ces aventures bien plus profondes que le contexte post-apocalyptique de départ aurait pu laisser supposer. Car, en effet, le Fléau éclate le cadre habituel du roman purement survivaliste afin d'aborder plus ou moins directement des thèmes philosophiques, spirituels, sociologiques, majeurs ! En vrac :
- la banalité du Mal
- les lois karmiques
- la République de
Platon (ou de Diogène d'ailleurs !)
- le mysticisme religieux
- la symbolique, et les vertus, du pèlerinage
- les limites délicates du système démocratique
- l'interaction permanente du Yin et du Yang (des énergies créatrices et destructrices)
- l'impermanence des choses
- la cohabitation du monde matériel avec le monde invisible
- la force de l'intuition
- la réémergence de la vie sauvage
- les avantages et les limites de la société consumériste
- les aptitudes de l'humanité à s'auto-détruire
- l'influence des traumas de l'enfance sur la vie adulte
- la place du handicap dans les sociétés humaines
- et tant d'autres choses encore !
Je dois avouer que si j'appréciais déjà l'écriture de
Stephen King (
Cujo,
Running Man,
Marche ou Crève, Simetierre,
Carrie,
Shining, etc), le Fléau m'a poussé à m'interroger plus profondément sur les capacités de son auteur. Au-delà du talent de narrateur, de l'alternance quasi parfaite entre moments d'action et pauses plus analytiques, des portraits de personnages fascinants, du soucis du détail permanent, il y a cette intuition de fou qui a poussé un homme, dès la fin des années 70, à écrire un roman de près de 1700 pages sur les conséquences considérables/imprévisibles dues à un virus développé en laboratoire, d'une grippe modifiée dont certains mécanismes ressemblent étrangement à ceux du virus du SIDA, qui en s'échappant dudit laboratoire va provoquer une pandémie mondiale. La facilité avec laquelle King donne vie à ses personnages, les rend cohérents, parle de leurs blessures les plus profondes, de leurs secrets les mieux enfouis, est encore une fois à l'oeuvre elle-aussi. Et il y a cette fascination pour l'irrationnel, pour le mystique et le transcendant, qui nourrit le roman d'une force sans équivalent. Sans même parler des bases sociologiques évoquées à plusieurs reprises, ou des références multiples à la pop culture américaine.
Un véritable chef-d'oeuvre qui m'a marqué très profondément !