Après avoir lu «
L'Outsider » il y a quelque temps en lecture commune, il avait été prévu de s'attaquer à cette série de quatre plus ou moins longues nouvelles, dont l'une est présentée comme la suite du roman précité. C'est oublier de dire, cependant (et je ne cesse de le regretter), que ledit roman, de même que la nouvelle « suite » en question, mettent en scène des personnages qui apparaissent dans des romans encore antérieurs, à savoir : «
Mr Mercedes » et ses deux suivants, «
Carnets noirs » et «
Fin de ronde » s'il faut les citer. Je n'ai encore lu aucun de ces trois-là, et je ne sais pas trop dans quelle mesure leur lecture antérieure aurait été bienvenue, mais soit…
Avant d'entrer plus avant dans le vif de mon commentaire, je peux dire (répéter, pour ceux qui me suivent) que je ne suis pas particulièrement fan de l'auteur. J'avais été quasi-traumatisée par «
Simetierre », lu à l'adolescence, et depuis lors n'avais plus osé aborder aucun de ses livres, jusqu'à mon retour beaucoup plus récent sur les plateformes telles que Livraddict ou Babelio, et me risquer alors à retenter quand même. Depuis lors, j'en ai effectivement lus quelques-uns – bon, trois seulement, mais en un peu plus d'un an, c'est pas mal !
Or, j'ai retrouvé ici ce que j'avais déjà ressenti à la lecture des quelques autres abordés ces derniers temps : l'auteur a un évident souci de ses personnages, mais pour je ne sais quelle raison, je ne parviens jamais tout à fait à m'attacher à eux. Ce n'est pas que je les trouve désagréables ou repoussants ou peu intéressants, mais il y a un petit quelque chose qui ne marche pas chez moi, dès lors j'ai l'impression d'être une spectatrice un peu trop détachée – un peu comme un enfant observe un nid de fourmis, avec ce détachement typique, mélange d'intérêt pas tout à fait passionné, et vague envie coupable de shooter dedans…
Peut-être est-ce dû, aussi, à cette impression qui revient systématiquement quand je lis « du
Stephen King » ? Tôt ou tard dans les derniers romans lus, j'ai toujours eu une impression de longueurs, qui finissent par ralentir sérieusement ma lecture… C'était le cas pour « 22/11/63 », ça l'a été également avec «
L'Institut », peut-être un peu moins pour «
L'Outsider » ? Là je vous parle de mémoire, je n'ai pas été revérifier les avis que j'ai donnés sur ces différents livres au moment de leur lecture…
Ici, ce sentiment a de nouveau fait surface, de façon évidente dans «
Si ça saigne », la nouvelle-titre, la fameuse suite de «
L'Outsider », et en plus la plus longue de ce recueil. Et cette fois, j'ai réussi à identifier un peu plus clairement ce qui m'a gênée : à force de prendre soin de ses personnages, un soin presque excessif,
Stephen King prend la main de son lecteur… et pour ma part en tout cas, de façon un peu trop proche, trop serrée, au risque de finir par lasser ! Je crois que je préfère les livres qui sont davantage dans la suggestion, dans le non-dit qui dit beaucoup pourtant – à l'inverse,
Stephen King en dit trop à mon goût, et en plus en faisant durer les choses ! Pour ne citer qu'un exemple, sans vouloir spoiler : quand Holly rencontre le vieux Dan et le neveu de ce dernier (deux personnages qui, pourtant, m'ont beaucoup plu, dans cette nouvelle !), dans certaines scènes l'auteur ajoute tant et tant de détails, dans une débauche de suspense pas forcément utile, que j'ai fini par lever les yeux au ciel !
Je précise d'emblée aussi que j'ai donc lu ce recueil, à nouveau, en lecture commune : or, mes co-lectrices semblent avoir bien davantage apprécié que moi cette façon de faire de l'auteur. Et tant mieux ! ;) mais cela ne change rien à mon propre ressenti…
Paradoxalement (ou pas), cette habitude de ce que je ressens comme des longueurs dans l'écriture de
Stephen King, est quelque chose qui a manqué dans ces différentes nouvelles, et certainement dans les trois plus courtes – qui font chacune moins de 100 pages pour le broché grand format. C'est un peu comme si tout son talent (car, même si la lectrice que je suis n'accroche pas à 100% à sa plume, je n'ai aucun doute sur son talent de conteur d'histoires !) n'avait pu s'exprimer à sa juste mesure, et dès lors laisse bien un peu perplexe.
La première nouvelle, par exemple, « le téléphone de M. Harrigan », est pour sa plus grande partie une narration presque insipide (mais sympathique) de l'apparition des téléphones portables, et les différentes façons de l'appréhender, selon que l'on soit jeune ou vieux, selon notre niveau de revenus, aussi. Ainsi, quand surgit le petit élément fantastique (les quatre nouvelles ayant ainsi une petite touche du genre), il n'est pas ultra-compréhensible et aurait sans doute mérité d'être développé dans tout un roman, eh oui !
Je n'ai pas compris non plus cet élément fantastico-fantomatique dans « La vie de Chuck », nouvelle que j'ai par ailleurs bien appréciée, car elle a fait écho en moi, avec ce souvenir de tous les possibles qui ont pu éclore dans la vie d'un homme… et puis parfois l'un de ces possibles surgit au détour d'un chemin, mais va-t-on le saisir pour autant ?...
Enfin, « Rat » et son petit côté conte de fée maléfique est sans aucun doute ma nouvelle préférée : j'ai aimé le contexte de l'histoire, ce côté entre réalisme et peut-être délire dû à la fièvre, et puis bon, ça traite quand même (comme par hasard !) de l'écriture d'un roman. C'est la seule nouvelle qui se suffit réellement à elle-même, ai-je trouvé – au moins, j'aurai terminé le livre sur une note tout à fait positive !
Mais donc, «
Si ça saigne », outre les quelques longueurs que j'ai trouvées dans ce format pourtant très court – on est
à presque 200 pages quand même, certains romans sont publiés alors qu'ils en font à peine autant ! – me laisse très perplexe sur un autre point évoqué plus haut : je ne comprends absolument pas comment on peut aborder, ou seulement comprendre cette nouvelle, si on n'a pas d'abord lu «
L'Outsider » ! Bien évidemment, je n'aurai pas de réponse à cette question, puisque j'ai lu les choses dans l'ordre (à l'exclusion de
Mr Mercedes etc., qui présentent le personnage de Holly), mais les références à ce fameux personnage, de même qu'aux autres protagonistes, et en particulier au policier Ralph Anderson, sont tellement nombreuses que j'ai parfois trouvé ça à la limite du soûlant ! En effet, tandis que l'éditeur (français) nous prétend que cette nouvelle peut se lire indépendamment du roman précédent,
Stephen King nous fait un véritable matraquage à propos dudit roman : il y a là, pour moi, une évident contradiction – due sans doute en grande partie au souci commercial d'un éditeur, ce ne serait pas la première fois qu'on prétend que tel ou tel livre peut être lu de manière « indépendante », mais que le lecteur se sent infiniment plus à l'aise dans l'histoire s'il a lu ce qui précède…
Ce nouveau personnage outsider, par ailleurs, ne m'a guère convaincue. Il est beaucoup moins travaillé, et dès lors beaucoup moins horrifique, que ne l'était
l'Outsider original – cette nouvelle a un petit côté inutile sur ce point, à croire que la seule envie de
Stephen King était de prolonger l'existence romanesque du personnage de Holly. Un personnage auquel on finirait presque par s'attacher (eh oui, même moi !) cela dit, dans ses difficultés sociales qu'elle a apprises à surmonter, entre une mère passablement toxique, un oncle bienveillant mais atteint d'Alzheimer, et des collègues ou amis bien sympathiques… même si elle m'a aussi agacée à prier de façon anarchique mais à tout-va ! Cela donne le sentiment qu'un auteur américain ne peut s'empêcher de mettre Dieu (et diable ?) dans ses histoires d'une façon ou d'une autre – le diable étant alors représenté par ce nouvel outsider… ou par un certain Trump, qui est cité çà et là, pas toujours nommément mais de façon évidente, et toujours d'une façon critico-moqueuse ? Inutile de dire que cet aspect-là rend
Stephen King bien sympathique lui aussi !
Bref, c'est un intéressant recueil de nouvelles, qui ont en commun un petit aspect fantastique à la limite de l'horrifique, la plupart du temps très discret et pourtant bien présent, signature évidente de cet auteur archi-connu. Cependant, ces nouvelles sont inégales à mes yeux : une première un peu insipide, la deuxième m'a beaucoup touchée personnellement, la dernière m'a vraiment plu… et la nouvelle-titre me laisse éminemment perplexe : l'éditeur vous ment, je pense sincèrement qu'il est préférable d'avoir d'abord lu «
L'Outsider » !