« La beauté n'est que simulacre, la jeunesse n'est qu'un leurre » disait
Gotlib. Eh bien voilà qui définit parfaitement ce roman d'un autre genre !
Nous voilà en période de Guerre, face à deux petits rejetons que leur maman dépose chez leur grand-mère, à la campagne, pour fuir les désastres de la Ville. Par deux petits rejetons, entendez deux petites têtes blondes, deux jumeaux, à l'air angélique et hagard.
Vous y êtes ? Bien…
Eh bien vous n'y êtes pas du tout en fait ! Déjà, Mamie est une Sorcière, tout le village l'accuse d'avoir empoisonné son mari, et lorsque sa fille lui confie la douce prunelle de ces yeux, ses petits coeurs tous jolis jolis, elle leur donne le tout mignon sobriquet de « Fils de Chienne ».
Voilà, maintenant nous y sommes ! Et asseyez-vous, parce que ça va décoiffer !
Nos deux jumeaux se retrouvent confrontés au désamour, à l'analphabétisme et à la violence de leur grand-mère. Très vite, ils vont devoir se forger une carapace afin de se protéger de la cruauté (physique et psychologique) de leur nouveau quotidien ; et pour les accompagner, ce « grand cahier » qui recensera toutes leurs péripéties. Et là, c'est la folie totale ! Zoologie, viol, pédophilie, chantage, masochisme, argent facile, pillage ; nos petits anges se transforment en terribles diablotins qui n'ont qu'une seule devise : « L'union fait la force ». Jusqu'à la liberté, même si elle implique le sacrifice.
Avec un humour des plus noirs,
Agota Kristof décrit une société en guerre qui va à la dérive, livrée à elle-même et dont la dé-civilisation (pardonnez le néologisme) se mesure à l'aune des incivilités grandissantes.
Voilà un livre bouleversant ; Kristof fait fi des bonnes manières et de la bienséance en dépeignant une société qui vole leur innocence à ses enfants, qui maltraite ses vieux, qui fait chanter ses prêtres et qui fait de ses filles des vulgaires putains.