On désire toujours, par-dessus tout, l'inaccessible, avec avidité.
On parle volontiers de coups de foudre ; je ne suis que trop conscient de ce que l'amour tend à créer une légende de soi-même, à mythifier après coup ses commencements.
Rien ne me répugne comme lorsque les gens fraternisent parce que chacun voit dans l'autre sa propre bassesse.
À quoi bon se contenter de ranimer un passé perdu ? Qui regarde en arrière finira comme la femme de Loth.
Car être courageux dans l'isolement, sans témoins, sans l'assentiment des autres, face à face avec soi-même, cela requiert une grande fierté et beaucoup de force.
Je sentis avec épouvante que les choses conçues par erreur sont aussi réelles que les choses conçues par raison et nécessité.
De ce soir-là, tout en moi était transformé, j'étais à nouveau habité, subitement le ménage avait été fait en moi comme dans une chambre et quelqu'un y vivait. La pendule au mur, avec ses aiguilles paralysées depuis des mois, de nouveau tout à coup égrenait son tic-tac. C'était important le temps qui jusque là s'écroulait comme un courant indifférent, de rien vers un autre rien (puisque j'étais dans une pause), sans jalon, sans barre de mesure, peu à peu reprenait son visage humanisé: il recommençait à s'articuler et à se décompter.
Vous n'avez jamais pardonné au genre humain. Depuis lors, vous lui avez retiré votre confiance et lui prodiguez votre haine. Même si je puis vous comprendre, cela ne change rien au fait qu'une pareille haine vouée aux hommes est terrifiante et pécheresse. Elle est devenue votre malédiction. Car vivre dans un monde où nul n'est pardonné, où la rédemption est refusée, c'est vivre en enfer. Vous vivez en enfer Ludvik, et vous me faites pitié.
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l'idée m'envahit qu'un destin souvent s'achève avant la mort, que le moment de la fin ne coïncide pas avec celui de la mort...
[...] "que la tristesse ne soit jamais liée à mon nom", cette ^phrase de Fucik est a devise, même torturé, même sous la potence, Fucik n'était jamais triste, et peu m'importe qu'aujourd'hui la joie soit passée de mode, je suis idiote, c'est possible; mais mes autres ne le sont pas moins avec leur scepticisme mondain, je ne vois pas pourquoi je devrais renoncer à ma bêtise pour adopter la leur, je ne veux pas couper ma vie en deux, je veux que ma vie soit une, d'un bout à l'autre [...]