J'ai eu le plaisir de découvrir dans la liste des titres proposés par Babelio, dans le cadre des Masses Critiques, le catalogue d'une exposition à Limoges « le décor réinventé » de Suzanne Lalique-Haviland. J'avais programmé cette visite, qui s'expose jusqu'au 15 avril prochain dans les murs d'un ancien palais épiscopal, le musée des
Beaux-Arts, et j'étais ravie de cette opportunité…
J'ai reçu le livre, je l'ai feuilleté, j'ai admiré, j'ai convoité les oeuvres, j'ai lu quelques passages, je suis allée à Limoges par une journée froide mais ensoleillée, j'ai vu, j'ai aimé, je me suis sentie plus proche de l'artiste, j'ai voulu prendre des photos, hélas ! nous n'en avions pas le droit, j'ai vécu un temps une belle époque, un raffinement, une théâtralité, le luxe, la délicatesse… j'ai pensé que la fragilité et la beauté n'étaient pas éphémères, elles avaient presque l'éternité pour témoigner de leur temps.
Aquarelles, objets précieux, verres opalescents, peintures à l'huile, porcelaines, assiettes, vases, verres émaillés… et des noms qui racontent des voyages et des histoires… Vol d'oiseaux, Aubépine, Calabre, Marocain, Créole, Yzeures, Bengali…
Mots et photos d'un décor réinventé…
Dans la préface, la ministre de la Culture et de la Communication,
Aurélie Filippetti, parle d'un hommage fait à Suzanne Lalique-Haviland, une grande dame de la création « des arts décoratifs à la peinture, du théâtre à l'opéra ». On le lira quelques pages après, que l'artiste, dotée d'un grand talent, était assez modeste et discrète. Cette exposition-rétrospective est la première en Europe.
La généalogie de Suzanne Lalique se pare d'une lignée d'artistes ; un grand-père et une mère sculpteurs, un père, René Lalique, bijoutier et verrier. Née en 1892, elle passera sa vie à Paris dans le monde des arts. Orpheline de mère à dix-sept ans, son père l'encourage très vite dans ses réalisations et l'intègre dans la société Lalique.
Elle donne une modernité à ses oeuvres et apporte finesse et détails à l'élégance de ses formes. A dix-huit ans, lorsqu'elle découvre l'univers du théâtre et de l'opéra, elle est subjuguée par les couleurs et les compositions qui se modèlent avec grâce dans l'apesanteur des mouvements. Son regard est sollicité par le dynamisme de la « liberté corporelle ». Plus tard, on la demandera pour des décors et des costumes de théâtre.
Elle touche à de nombreuses matières, différents univers. La belle époque est la scène de l'Art Déco.
Elle fait des paravents et agence des décors intérieurs avec son père. Elle commence à créer pour les porcelaines de Sèvres, dès 1911.
« Je suis heureux et te félicite d'avoir été reçue sans appui au concours de Sèvres. Sois heureuse d'être si bien douée et surtout d'être en si bon milieu.
Extrait d'une lettre de son grand-père »
En 1912, elle expose pour la première fois au Salon d'automne. Elle crée des imprimés pour étoffes, peint sur papier à la gouache ou à l'aquarelle avec des effets métalliques argentés et dorés. Elle entrelace des arabesques végétales, florales, les agrémentant d'insectes comme les sauterelles, les scarabées…
En 1917, elle épouse
Paul Burty Haviland, un photographe pictorialiste américain, descendant des porcelainiers. Esthète, il partage avec Suzanne l'amour des arts.
En 1920, elle est décoratrice de porcelaine de Sèvres et de Limoges (Manufacture de Théodore Haviland, dirigée par le cousin de son mari).
En 1937, elle est nommée directrice de la décoration et des costumes de la
Comédie Française…
… En 1989, elle repose à Yzeures-sur-Creuse.
Peintre, elle a réalisé des natures mortes qui montrent ses passions pour la décoration, les objets, les collections, le monde du théâtre…
Elle met en représentation les vêtements, les colifichets, les parures, l'intimité et quelques scènes que son oeil a photographiés. Dans les dernières salles de l'exposition, les toiles sont mises à l'honneur. Elles sont après ses planches sur les costumes de théâtre, dessins que j'ai aimés le plus, accompagnés de leurs superbes costumes. de la complexités des plissés de la robe de Poppée (L'incoronazione di Poppée de Monterverdi) aux formes pures d'un costume de danseuse (Idomeneo de Mozart), mon admiration était béate.
Ce catalogue, biographie de Suzanne Lalique-Haviland et de plus de quatre cents illustrations, narre la fabuleuse vie d'une artiste peu commune. Figure un peu secrète, pourtant reconnue, elle mérite d'être redécouverte.
Un beau portrait de femme, une dynastie, un décor précieux, riche, un art de vivre, du début du XXème siècle.