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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
*** Rentrée littéraire 2020 #22 ***

La race des orphelins, c'est celle de ces enfants nés dans les Lebensborn, des maternités dans lesquelles les Nazis ont tenté de créer une « race supérieure » de Germains nordiques, des lieux sordides où des femmes racialement sélectionnées donnent la vie à des bébés blonds aux yeux bleus nés de rencontres furtives avec des SS avant de les abandonner au parti. Entre 9 et 12.000 enfants seraient nés dans des Lebensborn allemand, norvégien et même français ( le manoir de Lamorlaye dans l'Oise ). Près de 10.000 enfants aux caractéristiques physiques aryennes ont également été arrachés à leurs parents dans les territoires conquis par les Nazis pour être placés dans ces centres de germanisation.

C'est forcément très intéressant de voir comment un écrivain peut s'emparer d'un sujet aussi puissant et finalement méconnu ( les Nazis ont effacé toute trace de cette folie eugéniste à la fin de la guerre ), et l'occurence, le résultat est ici très impressionnant.

La race des orphelins se présente comme le journal de Hildegarde Müller, née dans un Lebensborn norvégien, aujourd'hui vieille femme en quête de son histoire qui est passé à la trappe de la grande Histoire. Oscar Lalo refuse une forme purement narrative pour faire le choix très pertinent d'un récit composé de bribes, de fragments, chacun sur une page, parfois juste quelques lignes. Cette économie de mots est remarquablement maitrisée, chaque mot à sa place. Ces mots hurlent la mémoire figée de la petite enfance inaccessible, crient les trous béants de ne pas connaître l'identité de ses parents. Les mots se répètent pour dire ils crient l'indicible et l'éternelle culpabilité d'être née de la volonté d'Hitler.

« Dans mon jeu de cartes, mon roi et ma reine ne valent rien. J'ai tout fait pour l'en guérir, pour divorcer de mes parents. Mais on m'oppose un vide juridique : on ne divorce pas du vide. On baigne dedans, comme dans une piscine sans eau.(...) Comme vous le savez, je n'ai pas de légendes à inscrire sous les photos de ma petite enfance. Normal : je n'ai pas de photos. Alors j'ai recours aux images et, tant qu'à faire, à des images absurdes. Ma naissance est absurde. Je suis née sans cordon. Ma piscine sans eau, c'est parce que je suis obligée de sortir d'un liquide amniotique qui n'existe pas. Une déplacée sans placenta. J'ai perdu les eaux. »

Ce roman court et intense sidère et prend aux tripes, et il le fait sans pathos aucun mais avec une charge émotionnelle qui semble pouvoir surgir à tout moment.
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Hildegard Müller est née dans un Lebensborg, conçue pour parfaire aux idées totalitaires d'Hitler durant le Troisième Reich. Elle fait partie de la race des orphelins. Conçue sans amour, née sans amour de parents fantômes, victime du nazisme, porteuse de la honte, du vide, de la culpabilité. Son prénom avec ce H lui fait horreur autant que sa langue autant que tout ce qu'elle porte dans son sang.

Elle fait appel à un scribe afin de l'aider à écrire son journal. Elle sait à peine lire et écrire alors elle donne les images, lui donnera les mots. Ensemble, ils vont extraire les métastases de sa mémoire, il lui lira Kafka le procès, il lui fera voir des films, ensemble images et mots vont s'amalgamer pour éclairer le mur des lamentations des orphelins du Lebensborn.

Véritable coup de coeur pour ce roman d'Oscar Lalo qui plonge dans les ténèbres de ce fait historique peu traité en littérature. Il le fait avec grande humanité à travers de petits textes page après page écrits avec verve, lyrisme et puissance littéraire. Les images affluent comme autant de bombes de l'horreur pour nous faire ressentir toute la souffrance de l'héroïne. Oscar Lalo jongle avec les mots sans jamais lasser mais toujours en procurant un torrent d'émotions. Un livre remarquable et brillantissime.
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Oscar Lalo a choisi d'écrire son roman sous une forme particulière : quelques lignes par page. C'est un choix judicieux. Chaque texte percute et interpelle. Bravo pour cette efficacité !
Il est question ici d'Hildegarde Müller née dans un des lebensborns durant la seconde guerre mondiale. Ces lebensborns sont en fait des sortes de maternité créées par Himmler. Hildegarde Müller demande à un scribe de raconter "son histoire".
Par ce biais on apprend des tas de choses sur ces enfants victimes de la folie des nazis. La race aryenne supposée être une race supérieure était donc l'objectif de ces lebensborns. Certains enfants étaient volés, d'autres conçus par des SS et des femmes dont le profil correspondait aux exigences de cette organisation.
Au-delà de l'horreur et de l'abomination de croire en une race supérieure, il y a le devenir de ces enfants qui, à la fin de la guerre, ont été doublement victimes, ils sont devenus des orphelins de "parents vivants".
Hildegarde Müller décrit ici sa souffrance de n'avoir jamais été reconnue, ni par des parents, ni par la société. Elle n'a jamais trouvé sa place, a-t-elle une place ? " mon sang infâme a suscité la haine. le rejet. L'indifférence. C'est dans cet ordre-là. Haine, rejet, indifférence. Aujourd'hui subsiste l'indifférence. Je suis une oubliée de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Avec une spécificité toutefois : mon histoire ne se limite pas à la Seconde Guerre mondiale. À la violence nazie a succédé le silence des démocraties. Je suis une oubliée de l'Histoire, mais on ne m'oublie pas pour autant. Tout ça parce que je suis issue d'une institution qui ne manquait de rien, dans un pays qui manquait de tout. On oublie que je n'étais issue d'aucune famille. le Troisième Reich m'a enfantée, mais le Troisième Reich n'est pas une famille. Je n'en finis pas d'être accusée de ce dont je suis victime. "
Que dire de plus ? Après ces propos violents on arrive à avoir une idée de ce qu'ont pu vivre ces enfants orphelins.
J'ai vraiment été intéressée par ce roman tout en étant bouleversée par le sort de ces enfants. C' est un pan de l'Histoire qui est rarement évoqué et qui pourtant est effrayant, terrifiant.
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Hildegard Müller a été conçue dans un Lebensborn : une « maternité » où l'on choisissait les parents sur catalogue, pour qu'ils soient des Aryens, les plus purs possible : un père SS, une mère qui répond aux critères, choisie de préférence dans les pays nordiques, notamment la Norvège qui se rapproche le plus de la race pure comme la concevait la folie nazie, construite sur des légendes… On mesurait les parents sous toutes les formes, taille, la hauteur des pommettes (pour éviter toute possibilité de contamination par les Slaves !), la hauteur des oreilles, le nez… il fallait que ces bébés soient parfaits, blonds aux yeux bleus…
Hildegard décide à soixante-seize ans d'écrire son histoire. Elle a réussi à survivre, à se marier avec Olaf, issu comme elle d'un Lebensborn et avoir des enfants mais comme elle sait à peine lire et écrire, elle se confie à un scribe pour retranscrire ce qu'elle ressent.

Une image forte : ces enfants se sont retrouvés dans un couvent qui accueillaient aussi des enfants plus âgés qui avaient survécu à l'enfer des camps et perdu toute leur famille, et ce sont eux qui s'occupaient de ces bébés Lebensborn, leur donnaient le biberon…

J'ai bien aimé la construction du récit que nous livre Oscar Lalo, des petits chapitres, avec parfois des phrases qui se répètent, mais pas tout à fait à l'identique, comme si Hildegard cherchait le mot le plus approprié, la nuance, elle qui nous dit qu'elle sait à peine lire et écrire, qu'elle a appris avec ses enfants.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Belfond qui m'ont permis de découvrir ce livre ainsi que son auteur.

#LaRacedesorphelins #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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La race des orphelins, c'est celle de ces enfants issus du programme « Lebensborn », initié par Himmler et qui consiste à créer de beaux petits aryens en sélectionnant leurs géniteurs sur base de critères déterminés par Hitler afin d'oeuvrer à la prolifération d'une race supérieure de blonds aux yeux bleus. Conçus sans amour, mais endoctrinés dès le plus jeune âge, ces enfants du IIIème Reich ont pour mère l'Allemagne et pour père le Führer.

Née dans un Lebensborn norvégien, Hildegard Müller fait partie de ces enfants de la honte, condamnés à porter une croix, de surcroît gammée, beaucoup trop lourde à porter. Eprouvant le besoin de mettre des mots sur cette vie héritée du nazisme, la vieille femme de 76 ans convoque un scribe pour raconter son histoire.

J'avais déjà entendu parler du programme « Lebensborn », notamment dans « Max », l'excellent roman de Sarah Cohen-Scali, mais ce qui frappe immédiatement à l'entame du récit, c'est la forme atypique de ce roman. À l'instar de Joseph Ponthus dans son incontournable « A la ligne, Feuillets d'usine », Oscar Lalo se démarque immédiatement au niveau de l'originalité de sa narration.

L'histoire est en effet livrée sous forme de journal intime, fait de courts chapitres, parfois de juste quelques lignes, qui restituent avec force et brio les souvenirs fragmentés d'Hildegard. D'une plume incisive, jouant sur l'économie des mots, mais les alignant chaque fois avec une dextérité éblouissante, l'auteur livre un texte puissant et de toute beauté, où chaque mot déposé avec délicatesse rapproche Hildegard de ce passé qu'elle a toujours refusé d'accepter…

Moi qui ai plutôt tendance à lire les livres à grande vitesse, ici, toutes les deux phrases je relisais la dernière, pour mieux m'imprégner de sa justesse et de sa force. le genre de livre que l'on a envie de distribuer dans toutes les écoles, pas seulement pour l'indispensable devoir de mémoire, mais en espérant qu'ils s'écrient « Waow, comment il déchire le mec avec ses phrases de ouf ! ».
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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« La race des orphelins » est le deuxième roman d'Oscar Lalo.
Une femme de soixante seize ans décide de faire un journal sur sa vie particulière. Comme elle sait à peine lire et écrire, elle décide de faire appel à un écrivain. Elle veut témoigner, elle dit avoir besoin de cracher sa vie irracontable qu'elle a en travers de la gorge. Elle parle d'Anne Franck et évoque le fait qu'elles sont toutes les deux des enfants victimes à leur façon du Troisième Reich. Les juifs parce qu'ils étaient obligés de se cacher et elle parce qu'elle serait née dans une maternité SS : un Lebensborn. Hitler ne supportait pas tous ses avortements d'Allemandes car lui avait besoin de soldats. Alors il leur a fait une promesse, ne pas avorter et venir accoucher dans ces maternités. Il s'occuperait de l'enfant et jamais l'identité des parents ne sera révélée. Elle a du vivre en ne sachant rien de son identité, de sa naissance (ses parents biologiques, son nom, son prénom, sa date de naissance, …). Elle va essayer de retrouver des informations, de faire les faire remonter… mais les documents ont été détruits. Les secrets sont bien gardés.

Un roman poignant, bouleversant qui rend hommage à ses enfants qui sont eux aussi des victimes. On a tendance à les oublier. Quand on évoque les victimes de la Seconde Guerre mondiale, on ne pense jamais aux enfants nés dans les Lebensborn. Ce livre aborde un sujet peu évoqué mais tellement important, il ne faut rien oublier. Il rend hommage et il fait un beau travail de mémoire avec ce livre. Chaque page, chaque mot ne peut que toucher le lecteur. Les mots sont justes, choisis. Peu de texte à chaque page pour nous laisser le temps d'encaisser, souffler, digérer, d'avancer…
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Au coeur de cette rentrée littéraire 2020 d'une grande richesse, le roman d'Oscar Lalo « La race des Orphelins » paru aux Éditions Belfond (son second après « Les Contes défaits » en 2016), occupe une place de choix dans le coeur de ces lecteurs. Attardons nous quelque peu sur ce titre, le mot race est en minuscule tandis que celui d'Orphelins commence par une majuscule. Il s'agit ici de signifier que les nazis et leur barbarie n'ont réussis à créer qu'une seule race : celle des Orphelins. C'est un roman poignant, ténébreux, au style d'écriture remarquable. L'histoire qui nous est racontée est celle d'une femme âgée de soixante-seize ans se prénommant Hildegard Müller. Elle n'est sûr ni de son âge, ni de son prénom, encore moins de son nom et de son lieu de naissance. Hildegarde veut se confier « au scribe », nom donné à celui qui est chargé d'écrire cette histoire, son histoire, celle d'une enfant née dans une maternité SS appelée un « Lebensborn ». Il en existait 34 dont 9 en Norvège pendant la Seconde guerre mondiale. Elle ignore tout, ni où, ni quand elle est née. Probablement en 1943. La caractéristique principale des enfants des Lebensrom est de n'avoir été officiellement conçus par personne. Il y a une triple incertitude : la date de naissance, le lieu, l'identité des parents. Hildegard est une énigme, une inconnue et elle porte le poids d'un passé qui la hante. Elle n'a sa place nulle part. Les enfants Lebensrom n'étaient déclarés ni à la mairie, ni à l'église mais uniquement dans des registres qui ont tous été détruits par les bourreaux SS le 30 avril 1945, pendant que l'Allemagne entière brûlait en un gigantesque brasier. Hildegarde dit ainsi que le suicide d'Adolf Hitler tombe le jour de son autodafé. En cas d'adoption, le Reich ne fournissait à la famille d'accueil qu'un seul document, celui qui certifiait que les enfants étaient d'ascendance aryenne. C'est tout. le projet Lebensrom date de 1935 et il a été fondé par Himmler le chef de la SS. Son objectif ultime est à la mesure de la folie de ce régime : remplacer la race inférieure par la race supérieure. Oscar Lalo écrit : « la seule race que les SS aient créée est la race des orphelins ». Hildegard déteste l'initiale de son prénom : le H de Hitler, de Heinrich Himmler, de Heydrich, de Rudolf Hess, de Rudolf Höss. Une enfance volée doublée de la non reconnaissance après guerre de son statut de victime du nazisme. Ils étaient vus comme les fils et filles des nazis. Oscar Lalo écrit cette phrase sublime : « Votre enfance est une flamme étouffée mais jamais éteinte. C'est pour cela qu'elle vous brûle encore ». le roman nous plonge dans une réalité atroce, celle des pouponnières du Reich, celle des Lebensrom, un monde de sélection où les plus fragiles, ceux qui ne correspondaient pas aux idéaux nazis étaient impitoyablement euthanasiés. Comme un écho aux souffrances vécues aux mêmes moment par des millions d'hommes, de femmes, de vieillards et d'enfants gazés dans les camps d'exterminations nazis. Les carences affectives pour ces enfants des Lebensrom étaient incommensurables. C'était un puits sans fond, celui de l'absence totale d'amour maternel et paternel pour ces enfants victimes du nazisme. le retard au niveau psychique, intellectuel étaient criant car les nazis ne pensaient qu'à en faire la future chair à canon pour les garçons et pour les filles, les ventres qui donneront à leur tour des enfants en un maléfique dessein. C'est un sujet peu abordé par les historiens et encore moins par les romanciers et cela fait toute l'originalité du livre d'Oscar Lalo. On est remué, bouleversé, secoué par cette lecture qui nous parle d'un pan méconnu de la Seconde guerre mondiale. le roman est écrit comme un journal où chaque page exprime une idée de Hildegard. L'ensemble se lit très vite. Un fort joli roman sur la recherche de ces origines, l'absence, le manque affectif et la difficile construction de l'adulte qui doit se forger, grandir sans racine, sans amour. Je terminerais par ces mots d'Oscar Lalo, extrait de ce roman : « C'est ça la définition du totalitarisme : quand l'être humain devient superflu ». A découvrir. Un des romans phares de cette rentrée littéraire 2020.
Lien : https://thedude524.com/2020/..
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Ce roman est vraiment un coup de poing !
De ceux que l'on est pas prêt d'oublier.

Il raconte l'histoire épouvantable d'une femme née dans un Lebensborn.
Elle est déjà âgée, 76 ans, et a toute sa vie, vécu avec ce fardeau, sans aide, ni reconnaissance de ce traumatisme.
Elle est née dans une "usine" à fabriquer de bons allemands, de vrais aryens, futur socle de la race supérieure voulue par le Troisième Reich.

L'ignominie absolue : trouver des jeunes filles typiquement aryennes et les faire engrosser par de hauts militaires ou de beaux et purs allemands.
Une fois la "marchandise" finie, on se débarrasse du "moule" et on garde le "produit" .
Sauf que la guerre s'est arrêtée et que ces enfants se sont donc retrouvés abandonnés par les SS, qui dans la grande débandade en ont profité pour détruire tout ce qui aurait permis de tracer ces naissances, abandonnés également par le reste de l'Humanité qui a vu en eux, longtemps (et jusqu'il y a peu) , non pas de pauvres petites victimes du régime, mais de sales chleuh ....

Un livre qui explique bien, sans larmoiements faciles, même si par moment l'émotion est intense.
Ecrit à la manière d'un journal, les mots prennent encore plus de sens et plus de force.
Des phrases courtes et percutantes.
Un texte factuel, tellement factuel qu'il en est extrêmement bouleversant.



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Certains livres nous attirent comme des aimants, sans que l'on sache pourquoi.

Certains livres font sens et sont le catalyseur de la douleur pour y mettre un baume qui pourrait l'adoucir.

Certains auteurs ont le talent de savoir utiliser les mots pour parler des maux. Il ne suffit pas de savoir parler des maux. le plus important étant d'utiliser les mots justes.

Oscar Lalo, accompagne son personnage à travers sa renaissance. Elle est née la première fois dans un Lebensborn, la deuxième fois, elle naît quand elle commence à parler de sa douleur. Il n'y a pas pire douleur que de ne pas savoir d'où l'on vient. Être rejeté est une chose, mais connaître ses racines est le fondement, le socle sur lequel nous nous construisons. Sans cette base, les fondations manquent de stabilité. Comment construire sur des bases instables sa vie, une vie de famille. Comment aimer l'autre, quand on ne s'aime pas ?

Être née dans un Lebensborn est la croix gammée que Hildegarde a portée toute sa vie.

À travers le récit que pose le scribe, les langues se délient et posent la douleur de ne pas être reconnue. La souffrance de l'annihilation de son identité, doublée de du poids de l'Histoire, ne peut aider un enfant à grandir.

L'accompagnement vers une acceptation, vers la reconnaissance de l'état de victime permet d'avancer et de se construire. J'ai été très touchée par Hildegarde qui s'est sentie coupable toute sa vie d'être née dans un Lebensborn. Oscar Lalo, se met en retrait pour lui laisser la place, pour lui laisser la parole, mais surtout lui laisse la possibilité de poser enfin son fardeau. La culpabilité qu'elle porte en elle pèse près de 6 millions de personnes tuées. Sa culpabilité pèse, car elle est vivante, et eux sont morts. Elle est vivante et morte à la fois, elle marche à la lisière de sa vie, qu'elle n'aura pu vivre pleinement, car elle est la face visible et encore vivante du nazisme.

Les mots comme des coups de scalpel qui permettent de retirer cette carapace dont s'est recouverte Hildegarde. Les mots claquent comme un fouet, comme une balle. Les mots étouffent Hildegarde qui les crache pour vomir sa haine de ce qu'elle est. Elle est le visible de l'invisible qui plane sur 70 ans d'Histoire. Elle voudrait être invisible, mais elle crie sa rage.

C'est un livre court, très court dont les mots sont habilement alignés, grâce à une plume incisive qui claque pour éveiller notre conscience sur un sujet très peu évoqué. Un sujet qui démontre l'impossibilité de reconnaître l'enfant victime du côté oppresseur.

Des mots qui touchent, qui évoquent avec retenue, avec respect, avec poésie parfois pour mettre de la musicalité sur l'horreur.

Hildegarde a été oubliée par l'Histoire et grâce aux mots, elle trouve une sérénité. le scribe s'efface, la guide, c'est une thérapie par les mots, par la littérature. C'est un médicament sans ordonnance qui permet d'entendre la voix de la victime qui est l'enfant.

C'est l'enfant en Hildegarde qui parle, c'est l'enfant qui souffre et c'est Oscar Lalo qui lui donne la parole.

La forme du roman est atypique, puisque chaque page évoque une idée ou un sentiment. Loin du roman-fleuve qui pourrait déliter les sentiments, ici chaque page raisonne et fait sens. Chaque page réconcilie l'enfant avec l'adulte, chaque page est un pas vers l'acceptation, vers la délivrance.
Lien : https://julitlesmots.com/202..
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Ce que j'ai ressenti:

"Ce journal pour comprendre ce qui ne se comprend pas."

Je vous prie de faire silence, parce que certains mots sont plus durs à dire que d'autres, parce que certains souvenirs font plus mal que d'autres. Il faut du silence pour se rappeler, pour entendre la main qui écrit l'innommable, pour se réapproprier une mémoire. Il faut du silence pour faire tomber des murs. Il faut du silence pour les victimes.

Ce livre c'est un effort de mémoire. C'est de l'Histoire. C'est le journal intime de Hildegard Müller. C'est une plaie suppurante de l'Histoire. C'est une histoire de vies brisées. C'est une période de la Seconde Guerre Mondiale. C'est l'horreur. C'est une enfant née dans un Lebensborn. C'est une douleur qui se raconte à mi-voix, une souffrance mise bout à bout sur du papier, un puzzle entier de violences subies. C'est la recherche d'une identité après les ravages de la haine.

Faire appel à ces souvenirs, c'est réveiller l'horreur, la peur, l'irracontable, les cauchemars, l'incompréhension, la nuit, la guerre, le totalitarisme, la haine, les fantômes. Ce journal, c'est une envie de réparation, de vérité, de justice, de preuves, de documents officiels. C'est une blessure de sang. Ce journal, c'est un témoignage nécessaire pour ne pas oublier…

Ce livre c'est une prouesse. Un acte de courage. C'est mettre des mots là où certains ont imposé le silence. C'est une trace écrite pour ces enfants malheureux. La Race des orphelins, c'est une bien triste histoire dans l'Histoire de l'humanité.

Ce fut une lecture très éprouvante. Et j'ai pleuré en silence.
Lien : https://fairystelphique.word..
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