Si le titre ressemble étrangement à celui d'un célèbre feuilleton diffusé tous les soirs sur une chaîne publique, ce n'est évidemment pas un hasard.
Muriel Mille a enquêté sur les coulisses de cette série à succès*, et Paul-André Landes & Emilie Harel ont adapté en BD le résultat de ce travail (thèse de 2013 : 'Produire, de la fiction à la chaîne').
A la fois romance, intrigue policière et comédie, la série est censée évoquer des sujets de société (famille, immigration, homosexualité...). On y va parfois à la louche, à grand renfort de clichés et d'invraisemblances pour frapper les esprits à moindre coût (le temps et l'argent manquent).
Faute de moyens, le boulot se fait dans l'urgence : « Ici ils tournent l'équivalent d'un long-métrage en cinq jours ! [...] 440 jours de tournage par an ! [...] Deux équipes de tournage en même temps, intérieur et extérieur. [...] Et une vingtaine de scénaristes, une quinzaines de réalisateurs, une centaine de techniciens, une quarantaine d'acteurs. »
Oui, c'est l'usine ! Et une usine délocalisée, puisque les scénaristes bossent à Paris, tandis que les tournages ont lieu à Marseille, et les deux équipes ne se rencontrent pas.
Cet ouvrage de la collection 'Sociorama' est sûrement aussi instructif que les autres. Encore faut-il s'intéresser aux séries en général et à PBLV en particulier. J'en suis restée au vieil inspecteur Columbo avec son imper' mastic. On en est loin !
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas cette vision de la TV qui va me réconcilier avec ce feuilleton, dont je ne voyais déjà que les défauts (décors carton-pâte et jeu des acteurs) qui me font fuir en moins de trois minutes.
* en septembre 2014, la série PBLV a été suivie par 4.4 millions de Français en moyenne à 20h15, du lundi au vendredi, soit 18.3% d'audience aux heures des JT de TF1 et France 2.
(source : http://www.toutelatele.com)
Commenter  J’apprécie         310
Une enquête sur la fabrication des séries françaises mis en scène à travers une fiction dynamique et instructive : la collection Sociorama est décidément fort intéressante !
Le scénario est bien ficelé et met clairement en avant les problèmes de budget d'une part puis le souci de "coller à son époque" (évolution des moeurs, etc) autant que d'anticiper certains débats de société (politique, etc) malgré l'utilisation des stéréotypes - obligation incontournable du genre de la série tv.
Une lecture que je recommande !
Commenter  J’apprécie         190
Cette collection est décidément des plus intéressantes. Je n'en suis qu'à deux volumes, mais j'ai déjà une très bonne impression d'ensemble : des reportages journalistiques mis en images à travers des vies de fiction qui permettent de mieux comprendre les mécanismes internes de certains aspects sociétaux. Et ici, c'est encore une fois une belle mise en image qui est faite.
Je n'ai personnellement jamais eu de télé chez moi, autant dire que Plus belle la vie est une de ces nombreuses choses à laquelle je n'ai jamais goûté, et je ne m'en porte pas plus mal. Mais à la lecture de cette BD j'en aurais presque envie, juste pour confronter ce qui est dit à la version finale des séries. Pour faire une telle série, avec autant d'épisodes en si peu de temps, on se doute que le tout sera bâclé, mais à quel point et comment, c'est tout le propos du livre. Entre les attentes, les problèmes de temps et de réalisation, on a un produit passé entre de nombreuses mains et qui n'a rien à voir avec les volontés initiales de chacun.
J'ai beaucoup aimé la façon dont tout ceci est représenté, avec humour et une bonne dose d'inventivité, mais dans lequel on sent toute la charge d'une production aussi lourde et aussi intense. C'est une mécanique qui ne doit pas faillir, et qui brasse bien trop d'argent. le dessin très simple et très lisible rend très bien le propos, sans l'alourdir, et il soutient très bien l'histoire.
Sans aller à dire que c'est un incontournable, j'ai beaucoup aimé ce regard en coulisse de ces supers productions à la chaine. Et surtout que celui-ci soit plus nuancé qu'une simple critique de la télévision et des productions de masse. C'est bien plus compliqué que cela, comme souvent ...
Commenter  J’apprécie         10
Adaptation percutante d'une thèse de sociologie qui dévoile l'envers du décor du soap le plus long de la télé française.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
- Ouais, donc voilà : on est en janvier 2005, un truc comme ça... On a des études qui disent qu'on a un problème d'identification pour les ménagères. Il nous manque une héroïne de 30-35 ans. Et donc il y a Tom, un personnage homosexuel, qui devait arriver, et là j'ai dit : « C'est absolument pas le moment, on commence à peine à remonter la pente... Un gay, ça va faire désordre. On fera venir un homo APRÈS. J'ai pas de problème avec ça, mais quand l'audience sera meilleure. » Et là, au bout d'une heure de réunion, Antoine prend la parole : « ON GARDE TOM ! SI ON DOIT EN CREVER, CE SERA LA TÊTE HAUTE, EN SE BATTANT POUR NOTRE IDENTITÉ, NOTRE IDÉE DE CE QUE DOIT ÊTRE LE SERVICE PUBLIC, C'EST-À-DIRE ÊTRE AU SERVICE DE LA TOLÉRANCE ET DES DIFFÉRENCES ! » C'est drôle parce que c'est MOI en tant qu'auteur (et j'étais pas tout seul) qui avais peur, et c'est LA CHAÎNE qui l'a imposé ! Mais le mieux, c'est que ça a crédibilisé la série ! Ça a montré que dans PJLV on raconte la réalité telle qu'elle est et qu'on se censure pas !
(p. 134-135)
[ figuration ]
- Comme il va être fier, mon père, quand il va me voir à la télé !
- C'est pas pour casser ton délire mais ils évitent un max que tu sois identifiable à l'écran. Et si tu dis 4 mots, tu deviens 'rôle' et ton cachet est encore plus élevé ! Là, en général, ils rentabilisent et te font jouer plusieurs fois.
- Alors c'est pour faire des économies que l'assistant réal[isateur] a fait de la figu[ration] ce matin ?!
- Pour un épisode sur la fête de la musique, ils avaient même fait descendre la prod' de leurs bureaux.
- Exact, le staff fait souvent ça !
- Plus radine la vie !
(p. 98-99)
- [...] j'imagine que vous n'avez pas le temps de traiter un sujet en profondeur.
- Ouais, on est toujours dans l'urgence, c'est pas évident de bien se documenter. Du coup on écrit souvent à partir de notre propre expérience et on a du mal à parler d'autre milieux.
- Surtout que vous [les scénaristes] évoluez tous dans le même milieu social favorisé.
- C'est pas faux ! On avait eu un débat autour de ce que ça peut représenter 50 euros... Y a une séquence où Sophia a 50 € dans son porte-monnaie, ça nous semblait normal. Mais y a des gens qu'ont dit « Attends, elle a 50 euros dans son porte-monnaie, c'est ENOOORME ! ».
(p. 143-144)
Les scénaristes doivent être des dealers qui rendent les gens dépendants !