Ce sixième volume des State Archives of Assyria - Cuneiform texts, ne ressemble pas entièrement aux autres fascicules universitaires de cette collection : destiné aux étudiants, il présente comme les autres un texte akkadien normalisé, lisible en cunéiforme régulier et non copié à la plume ou photographié sur des tablettes originales ; comme les autres encore, il s'accompagne d'une liste de signes, d'une translittération pour aider la lecture, et d'une traduction. Mais l'auteur a ajouté à son édition du texte original un long et précieux commentaire détaillé, littéraire, mythographique et grammatical, pour guider le lecteur dans sa découverte du texte. le contexte historique, littéraire et culturel de ces textes orientaux très antiques ayant disparu corps et biens, de grands efforts sont nécessaires pour le reconstituer tant bien que mal et diriger la lecture.
En effet, ce court poème akkadien (de 138 vers) raconte une histoire qu'il est nécessaire d'expliquer : la déesse Ishtar, déesse de l'amour et de la guerre, envahit les Enfers où règne sa soeur, Ereshkigal, prend son trône mais meurt dans l'entreprise. Avec la mort de la déesse, toute impulsion sexuelle disparaît du monde, et la faune comme l'humanité, ne se renouvellent plus. Aussi les dieux exigent-ils le renvoi hors des Enfers, et la résurrection, de cette déesse indispensable à l'élan vital et à la conservation de l'univers. Mais pour sortir de ce mauvais pas, elle doit désigner un remplaçant, et c'est son mari Dumuzi (Tammuz) qui prend sa place. Dumuzi est un dieu agricole de la fertilité, qui est condamné à "mourir" pendant six mois, puis à ressusciter pour assurer le renouveau de la végétation.
Donc ce commentaire saisonnier et mythographique accompagne la lecture du texte akkadien. Des critiques ont observé que pour commenter ce court poème, il a été nécessaire à l'éditeur scientifique de se référer à une autre version du mythe, en langue sumérienne, plus longue du double et plus ancienne de mille ans (notre texte akkadien est datable du VII°s av. J.C.). En lisant les explications de Pirjo Lapinviki, on voit bien qu'il s'appuie sur la version sumérienne, pour combler les "trous" de l'akkadien, plus bref, qui prend l'aspect du résumé condensé et abrégé d'un autre poème. On a donc l'impression de passer à côté de l'oeuvre que l'on est en train de lire, sans cesse référée à une autre et rarement expliquée pour elle-même. C'est la remarque de fait
Alan Lenzi dans son "Introduction à la littérature akkadienne". C'est un peu comme si on ne lisait
l'Enéide de
Virgile ou l'Ulysse de Joyce qu'en référence à l'Odyssée d'
Homère.
Enfin, l'appartenance de l'éditeur scientifique à l'école finnoise d'assyriologie, dominée par
Simo Parpola, le conduit comme son maître à relier de façon peut-être hasardée le texte très ancien qu'il commente, aux mythes et traditions gnostiques, voire cabalistiques, bien postérieurs. Si les ressemblances qu'il souligne entre le voyage d'Ishtar aux Enfers et la chute de l'âme dans la matière, puis sa rédemption, sont intéressantes, elles donnent parfois l'impression d'être des analogies un peu gratuites, quoique instructives.