Nous, Japonais, nous ressemblons souvent à la grenouille qui, au fond d'un puits, contemple l'univers. Nous sommes contents de nous et nous nous flattons nous-mêmes sans nous en rendre compte. Nous versons des larmes d'adoration sur toutes les beautés du Japon. Mais on ne peut s'arrêter là. Nous devons voir plus loin, et réfléchir à ce dont nous pouvons vraiment être fiers. J'ai la nausée de cet inlassable amour de soi. Ce ne sera que lorsque nous contribuerons de façon continue et discrète à l'histoire du monde que la grandeur du peuple japonais rayonnera sur la race humaine. Nous devons rejeter toute vantardise qui ne rime à rien. C'est seulement au prix d'un grand effort que nous pourrons acquérir de réelles capacités. Ne cesserons-nous jamais de penser que le Japon est invincible ? Si nous étudiions l'histoire d'un peu plus près, nous ne pourrions pas nous abandonner à ces rêves complaisants, et nous mettrions un terme à notre vanité puérile. Rien n'est plus dangereux que ces sortes de rêves. Un pays orgueilleux n'est jamais un pays prospère.
(15 mai 1943. Extrait du journal de Tokuro Nakamura)
Jean Lartéguy, écrivain, soldat, patriote | Cercle Richelieu