Pour initier sa nouvelle collection intitulée « Soirs noirs », la maison d'édition Murmure des Soirs publie «
le Diable et moi » de
Michel Lauwers, journaliste et auteur belge. Sous l'ombre tutélaire d'une autre collection noire, très célèbre, ce roman commence comme une enquête classique. Seulement l'habituel détective en imper mastic et au chapeau mou est remplacé par un dessinateur, Alan Malox. En 1938, pour faire son portrait, il part à travers le sud des Etats-Unis à la recherche de Robert Johnson, un musicien de blues. Au fil des rencontres (et de ses mésaventures), lui, l'homme blanc de Chicago, l'homme naïf du nord, il prend conscience de la condition des noirs, entre petits métiers, prostitution et proxénétisme. Il découvre également toute une culture propre à cette communauté : les salles de réunions, les salles de concert, les bars, le tout plus ou moins dans la clandestinité. Il rencontre ainsi plusieurs personnes ayant connu le guitariste Johnson, et, petit à petit, se fait un portrait psychologique en creux du musicien. Mais Malox arrive trop tard et il le trouve dans une fosse commune. Trop doué. Trop jeune. Trop insolent. Trop violent. Trop séducteur. Trop de tout. Alors quelqu'un lui a réglé son compte. Mais qui est ce Maître qu'il appelait avant de mourir ? Est-il de ce monde terrestre ?
Dans une postface,
Michel Lauwers nous explique s'être inspiré de quelques anecdotes puisées dans les biographies de bluesmen (Robert Johnson a réellement existé). Mais au-delà de l'enquête (et de certains aspects fantastiques), ce roman est une photographie du Mississipi, après la Grande Crise et la prohibition. Il nous montre comment des blancs de Chicago enregistrent des musiciens noirs pour un public strictement noir. Et là se trouve la plus grande réussite de ce roman qui transgresse les règles d'un genre pour, en légèreté, montrer comment Alan Malox va se moquer de la pression sociale – le racisme est présent des deux côtés de la barrière – pour tenter de vivre son amour.