Les matins méxicains de D.H Lawrence – ou - les couleurs du dernier matin d'un monde.
Les éditions le bruit du temps nous permettent de découvrir à travers ces essais la palette de Lawrence recueillant quelques pigments du Nouveau Monde.
Lawrence découvre le Mexique et le sud ouest américain et leurs hommes : les indiens Pueblos.
La première guerre mondiale est achevée. L'occident s'extirpe des tranchées et tente de retrouver un nouveau souffle. Nous sommes en 1922.
Que va donc déposer sur les lèvres de D.H Lawrence l'air du haut plateau de Taos ?
Une réponse ? Une révélation ? Une perception, une intuition très certainement.
Lawrence ne moralise pas. Il ne s'agit pas d'un retour vers le bon sauvage. Il se décrit lui même comme le singe blanc observant un monde auquel il sait déjà ne pouvoir avoir accès.
C'est parce qu'il est blanc imprégné des odeurs mécaniques du monde de l'occident que le monde du cinquième soleil des Aztèques lui est inaccessible. Et il le sait. Ce qui ne l'interdit pas d'observer.
Son oeil est malin, malin comme un singe, son oeil est brillant comme celui d'un peintre - « je lèverai les yeux vers les collines, d'où me viendra ma force - Essai : du côté de Huayapa». , son oeil est traçant comme l'oeil d'un manieur de plume « Car au bout du bout, il émane du Mexique une imperceptible senteur qui lui est propre, organique comme de tout être humain. ».
Le langage de Lawrence est vif et lucide. Il relève très vite la différence fondamentale qui existe entre les « Peaux Rouges » et les singes blancs.
Même planète sans doute mais avons nous la même façon de regarder le soleil ?
Les amérindiens sont religieux ,essentiellement religieux. Car ils se placent dans la cité des Dieux. Ils sont des dieux. Les singes blancs ont un Dieu, au dessus d'eux et qui les regardent. Les amérindiens font face, ils combattent. C'est la règle de leur propre jeu. Pas de pardon, pas de rémission, ils sont naturels et exerce leur nature sur le monde. Pas d'enfer – Pas de Paradis – Ils sont libres. « L'indien est totalement enchâssé dans l'émerveillement de son propre théâtre ». C'est là leur unique raison.
Quant aux singes blancs , rappelez ici tout ce dont nous sommes capables d'imaginer pour nous soumettre...Nous nous mettons toujours en scène en nous croyant éternellement spirituels.
C'est en observant les cérémonies des Pueblos , la danse du serpent ou du maïs que Lawrence voit poindre les différences. Nous ne pourrons jamais vraiment comprendre la puissance du soleil, nous qui ne voyons plus les dragons.
Ces essais sont profondément intelligents, ils ne s'agit pas de pourchasser les mythes de les épingler sur quelques feuilles, Lawrence entrevoit et le rai de cette lumière si particulière qui lui traverse le coeur le marquera au fer rouge pour le restant de sa vie. Lawrence pressentait que le monde allait de nouveau basculer. La fin des mondes existent. Et c'est en toute honnêteté qu'il s'interroge sur le bien fondé qu'il y aurait à vouloir « conserver » les vieux mondes. Les mondes se vivent ou disparaissent, aucun formol ne leur feront battre le coeur.
Ses différents voyages entre l'Allemagne, l'Angleterre, , la France, les Etats unis lui ont permis de comprendre que notre monde mécanique avait perdu la cadence.
Ces essais sont magnifiques par leur jeunesse, leur fraîcheur, leur sincérité.
Au Nouveau Mexique Lawrence a contemplé la grandeur de la beauté. Regard d'écrivain, d'ethnologue, de reporter , de peintre.
Lawrence, Breton, Artaud, le Cléziot et bien d'autres ont vu leurs matins mexicains se lever.
Alors jetez un oeil, et regardez !
«Le Paradis n'était pas grand:
parfaite, chaque forme ne s'y épanouissait qu'une fois;
un jardin les contenait toutes.»
«Hors de la ville, dans un énorme jardin clos de grilles
croissent beaucoup d'arbres des pays chauds,
je n'y suis pas entré, mais à travers les grilles, j'ai regardé.»
A.
Gide - le traité du Narcisse
Astrid SHRIQUI GARAIN