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sur 507 notes
Certains prennent les enfants du bon dieu pour des canards sauvages, et d'autres des loups pour des chiens. C'est ce qui arrive à Franck, après sa sortie de prison. Cinq ans pour braquage, la faute à pas de chance, et à la sortie, Jessica, la petite amie de son frère, qui lui offre le gîte et le couvert dans la ferme familiale, près de Langon. Son frère Fabien est parti faire du bizness en Espagne et Franck, qui ne rêvait que de liberté, de fraternité et de grand air se retrouve dans une caravane au milieu de nulle part, avec une famille dysfonctionnelle, comme diraient les psy, une famille de manganes, comme on dit à Bordeaux. Il y a Roland, alias le Vieux, escroc à la petite semaine, ferrailleur, en cheville avec les gitans, il y a Simone, la Vieille, une peau de vache, Jessica, la petite amie du frère, un peu nympho, camée, et hystérique et Rachel, sa fille, adorable gamine perdue et déjà brisée par ce trio de bras cassés.
Le Corre confirme ce que l'on savait déjà, qu'il est l'un des meilleurs auteurs de noir de l'Hexagone, et d'Europe aussi d'ailleurs -quand on aime on ne compte pas-. On se demandait s'il allait faire aussi bien qu'Après la guerre. On ne se le demande plus, on dévore Prendre les loups pour des chiens. Il nous avait prévenu Hervé, non, il ne faut pas faire comme le petit chaperon rouge dans les bois, et se laisser berner. Mais on n'a rien vu venir, ou on n'a pas voulu voir.
Prendre les loups pour des chiens est donc du très bon noir social, celui qui prend racine dans la vraie vie de la France d'en bas, pas celle qui a des ardoises à 900 000 euros, non, celle qui rame quand elle doit rembourser les centaines d'euros des trop perçus des allocs, comme si elle n'était pas déjà assez dans la mouise. Une France qui marine dans la colère et la rancoeur : « Sinon, Jessica et sa mère faisaient les vendanges près de Sauternes, des ménages, des remplacements pour s'occuper des vieux dans une maison de retraite à Bazas, ou dans un supermarché comme caissière. Envie de balancer de leur fauteuil les vieux gâteux, hargneux, marinant dans leur pisse, envie parfois d'étouffer sous un oreiller ceux qu'on avait abandonnés là comme des clébards et qui pleuraient en silence ou refusaient de quitter leur faction derrière la fenêtre de leur chambre, envie de jeter un pack de bière à la gueule du client râleur et méprisant, ou de faire manger le tiroir-caisse à la chef qui trouve que ça ne va pas assez vite et puis aller massacrer leurs vignes à tous ces connards de propriétaires qui vienne t surveiller le travail dans leur panoplie de paysan, bottes en caoutchouc, blue-jean, grosse veste de velours , juste ce qu'il faut de négligé pour marcher sans trop se salir dans la boue au milieu de ceux qui triment, courbés entre les rangs de vigne."
C'est donc l'histoire d'un brave type poissard, qui aurait pu sortir d'un roman de Jim Thompson ou de Charles Williams, des marécages louisianais ou de chez les péquenauds du Tennessee, et qui à l'instar du petit chaperon rouge perdu dans les forêts girondines, n'a pas su voir le loup sous son déguisement. Un type sympa qui aspirait à la liberté, au libre-arbitre, et qui voulait rompre avec la promiscuité se retrouve étrangement prisonnier dehors, de ses sentiments, de sa fidélité à son frère, de son empathie pour la petite Rachel, d'un code de l'honneur caduque, et des décisions des autres. Avec, comme toujours chez le Corre une écriture puissante qui sait à merveille évoquer une Gironde écrasée par la canicule, la Gironde de l'intérieur, celle des marais, de l'Estuaire et de la rive droite. Pour les façades XVIIIème, les pulls sur les épaules et le Sauternais de Malagar, il faudra repasser plus tard ou lire Mauriac. Ici ce sont des vies à la semaine, marquées par l'intérim, les aides à la personne et les combines avec pour perspective d'autres semaines à tuer.
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A l'image de ce clébard fourbe sur la couverture, Franck, à sa sortie de prison, aurait dû se méfier.
Anticiper que cette famille avait tout de l'aimant à emmerdes.
La belle-famille de son frangin comme petit nid douillet pour repartir d'un bon pied, la vaste blague que voilà.
Le paternel vicelard, la daronne rebutante, la donzelle camée un brin cyclothymique et sa gamine totalement mutique donneraient presque envie de retourner en taule en chantant la mélodie du bonheur.
Le frérot aux abonnés absents pour une durée indéterminée et c'est dans cet univers vicié que notre Francky allait devoir prendre ses nouvelles marques.
Avec un starting-block aussi foireux, peu de chances de concourir à la réinsertion de l'année, on va pas se mentir.

Lentement, méthodiquement, avec délectation, Hervé le Corre lève le rideau sur un décor poisseux conjecturalement à l'origine du Misèèèère de Coluche.
De pauvres gens, il en est bien question.
Mais des paumés de la pire espèce.
Sournois, nocifs, nuisibles, de ces pseudos amis qui vous dispensent d'avoir des ennemis sans toutefois y parvenir.

Lentement, méthodiquement, Franck et le lecteur s'embourbent de concert, tombant de Charybde en Scylla, s'évertuant à transformer le jour suivant en cauchemar éveillé plus marquant que le précédent.

Sur le fronton de leur taudis délabré, ces miséreux auraient dû y inscrire, à l'instar de la Divine Comédie, "Laissez toute espérance, vous qui entrez".
Mais cela aurait certainement gâché le surprenant potentiel entubatoire de ce nid de crotales décérébrés.

Prendre les Loups pour des Chiens, c'est un peu comme sauter sans parachute.
On se dit "pour le moment, tout va bien, pour le moment,... ", jusqu'au crash final.

Un grand moment de noirceur.
Le Corre, encore !
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L'ambiance est lourde, pâteuse, asphyxiante et écrasante. le sac des noeuds que les personnages trimballent sur leur dos risque de se défaire à tout moment.

Il plane un sentiment d'instabilité en permanence. La description des humeurs, des ressentis et des paysages est très riche et très profonde, serties de beaucoup d'acuité et de réalisme.

Les frustrations et les colères éclatent souvent dans une sorte de violence animale, tapie au fond de la fausse nonchalance qui caractérise les personnages principaux.
Ces derniers mènent des vies minables, vides de sens, les relations entre eux, tirées par une apesanteur malsaine, les clouent sur place, dessinant un univers étriqué et sombre.
Ce sont des êtres complexes, écorchés, sur le fil, luttant à perdre haleine contre leurs démons.

C'est un gouffre hurlant d'horreurs, d'embrouilles, de vies brisées, d'hébétude continuelle.

Hervé le Corre nous livre un roman noir, très sombre, d'une grande violence, qui nous laisse un peu hébétés, au bord de nausée.

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Ce qui est formidable, d'abord, chez le Corre, c'est qu'on se retrouve dans un lieu, un vrai.

La Gironde en été : les forêts de pin sombres, impénétrables, comme une herse de barreaux dressés contre le ciel métallique ; derrière, la plage martelée de chaleur, la grande flaque grondante d'un océan de plomb fondu ; plus loin, à l'intérieur, les baraques de ferrailleurs dans la poussière de la cambrousse, les mobil homes et les cahutes des Gitans dans la moiteur des marais, et, au milieu de nulle part, les hyper marchés où l'on pousse un caddie harassé dans un air enfin respirable - conditionné .
La ville au loin , Bordeaux, avec ses boîtes de nuit, ses restaurants, ses HLM,- ses caïds, ses dealers, ses tox's, ses voleurs repentis. La ville avec sa prison.
Et l'autoroute comme un trait d'union à péage et à gendarmes entre ces deux mondes.

La deuxième chose formidable, chez le Corre, c'est qu'on y rencontre des personnes à aimer ou à haïr, mais toujours de vraies personnes, de chair, de sang, de rancoeur, de folie, de blessures, de silence, de fidélité, ou de poisse.

Des braves gars comme Frank, faux dur sorti de taule, petit frère solidaire et meurtri qui n'a rien balancé et tout pris, jeune écorché vif revenu de zonzon et de ses illusions, mais qui veut croire à un autre départ, plein de frustrations et de sève : le pigeon idéal.

Des gosses comme Rachel, petite môme meurtrie, marquée, muette, murée vive sur son manque d'amour.

Des femmes comme Jessica, belle à se damner, folle, peut-être, à lier, douce et féroce comme une panthère.

Des Vieux, pathétiques, vachards, combinards, vendus ou repentis. Des Parents Terribles , Pépère Pervers ou Protecteur, Mémère sorcière.

La troisième chose formidable chez le Corre, c'est que, quand on y a bien cru, à ce lieu, qu'on en sent les odeurs, qu'on en entend les rumeurs, qu'on en touche la moiteur, quand on s'est bien attaché à ces gens, qu'on tremble pour, qu'on vibre avec ou qu'on gronde contre , voilà que le récit monte d'un cran : la réalité devient mythe.

Voilà qu'on se met à prendre les loups pour des chiens.

Voilà qu'on voit des chiens partout : des chiens de garde, des chiens fureteurs, des chiens cureteurs, des chiens d'attaque, des chiens de combat, des Cerbère aux Enfers, des chiens des Baskerville, des chiens de terreur ou de mort ; oui, mais aussi des chiots sans défense, des Chiens Perdus sans Collier, des chiens battus, des chiens de sa chienne, des chiennes en chaleur, des chiennes lubriques - et partout des chiens de meute, des chiens de curée, des chiens d'hallali.

Et des chiens crevés dans une chienne de vie.

Pas un mot de plus sur le piège à loups qui referme sur nous ses mâchoires d'acier : on est enchaîné, happé, avalé, engouffré. Pas moyen de respirer… jusqu'à la dernière page.

Parce que la quatrième chose formidable chez le Corre c'est le style.

Ciselé, fulgurant, brutalement poétique, doucement violent, magiquement évocateur, sensuel ou déchirant, toujours sobre, toujours original. Évitant les clichés si nombreux dans le polar qu'ils en deviennent des "topoï"…

Un style qui donne soif, qui donne chaud, qui fiche les boules, qui donne la rage - un style qui déménage !

Encore une fois, merci à Pecosa qui m'a toujours fait découvrir des bouquins formidables –les livres de Javier Cercas entre autres- et à qui je dois la découverte de le Corre, le breton bordelais, un grand, un très grand auteur de roman noir.

Un auteur formidable!


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Franck 26 ans a passé plusieurs années derrière les barreaux pour un braquage.
Il est accueilli à sa sortie de prison par Jessica, l'amie de son frère Bastien parti en Espagne pour affaires...En attendant son retour, il est hébergé dans le Sud de la Gironde par les parents de Jessica : Roland et Simone, des parents bruts de décoffrage, Rachel leur petite fille mutique et un chien molosse.
Franck privé de repères se retrouve plongé dans leur univers de mouise, de gouaille, de trafics, de magouilles et de débrouilles...
Hervé le Corre nous plonge dans une atmosphère moite, glauque et animale où grouille un nid de crotales.. le chien inquiétant veille d'un oeil. Rachel voit tout mais ne dit rien.. Franck se laisse guider par la main de Jessica...L'attente est plombante et inquiétante et les scènes d'action et d'hystérie décoiffantes. La fin fantastique...
Les personnages déclassés du terroir ont de la consistance, une bonne descente, de la gueule. On marche sur des braises dans un milieu borderline où il suffit d'un regard, d'une étincelle pour que ça pète.
J'ai adoré... Prendre les loups pour des chiens !
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« Et si Hervé le Corre était notre meilleur auteur de romans noirs? » C'est par cette question que débute le portrait que l'Obs consacre à l'écrivain. Et la question est pertinente car l'auteur récompensé pour ses précédentes oeuvres vient de publier un roman noir d'une très grande force.

Voici en quelques mots l'argument du roman : à sa sortie de prison, Franck attend que son frère Fabien vienne le chercher. Mais c'est Jessica, son amie, qui le récupère et qui lui annone qu'elle l'hébergera chez ses parents le temps que Fabien revienne d'Espagne. Sans le savoir, Franck s'installe dans « un nid de couleuvres aux prises avec des crotales ».

Alors oui, nous sommes en plein roman noir. L'ambiance est étouffante, les personnages sont écrasés par la canicule. L'action se déroule dans une ferme isolée à quelques kilomètres de Bordeaux, autant dire au milieu de nulle part, tant la lande encercle et ensauvage tout. L'intrigue est noyée dans le mystère : un frère absent et injoignable, des non-dits, les combines, les histoires inextricables… La violence peut se déclencher à tout moment, imprévisible et brutale. le livre est peuplé par la faune de nos bas-fonds : dealers, truands, trafiquants. Il y a des soupçons de fantastique, certains lieux semblent imprégnés de magie. Les événements s'imposent d'abord à Franck qui devra s'extraire de ces rouages pur reprendre sa destinée en main. L'image du chien symbolise les peurs et les blocages que Franck devra surmonter pour parvenir à la résilience.

J'ai été marqué par la justesse et la puissance du récit. Il y a une multitude de détails criants de vérité, avec notamment les mots, les vêtements et les comportements des personnages qui démontrent la qualité d'observation et le souci de réalisme de l'auteur. Même les scènes de sexe sont crédibles, c'est dire. L'histoire m'a captivé et je me suis surpris à lire les passages d'une grand intensité à toute allure, en sautant des phrases.

Hervé le Corre signe un roman noir et puissant d'une très grande qualité. Et s'il est absurde de déterminer s'il est oui ou non le meilleur de son genre, il est certainement un auteur majeur du polar français.
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Qui pourrait encore dire que le roman policier, le roman noir, sont des sous-genres de la littérature, après avoir lu un livre d'Hervé le Corre ?

Pas moi, en tout cas! Il n'est pas le seul, certes, à donner des lettres de noblesse à ce genre littéraire, mais il faut reconnaître qu'il y excelle! J'avais été très impressionnée par " Après la guerre", je le suis aussi par ce livre-ci, plus noir encore, plus imprégné d'instincts primaires, de sauvagerie.

Et quelle écriture! L'auteur manie la langue de façon unique, alternant crudité des mots, rage verbale et moments de poésie intense, follement envoûtante. Il crée des ambiances si réalistes, on est sur place, témoin de tout.On la sent, la chaleur écrasante de l'été dans cette région bordelaise. On le respire, le relent de vomi dans la caravane... Et puis, juste après, on bascule dans un vertige, celui des personnages, des paysages qui prennent un aspect déformé, inquiétant, troublant.

Juste quelques jalons pour l'intrigue: un jeune perdu, Franck, qui sort de prison après un braquage, une famille nauséabonde qui l'héberge, en attendant le retour d'Espagne de son frère Fabien, copain de la fille de cette maison sordide, Jessica, folle et vénéneuse . Un chien menaçant, mais comme le titre l'indique, ce n'est pas lui qui est le plus à craindre dans l'histoire...Une petite fille attachante, Rachel, l'enfant de Jessica.

Came, meurtres, poursuites, toute la trilogie typique des gangs est respectée mais on va bien au-delà de cela... Je vous laisse découvrir cet univers de violence, de misère sociale et de folie....traversé d'instants d'une fulgurante beauté...avec une fin inattendue. Du grand art!
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Excellent !!
Je viens de lire je ne sais où que Bordeaux est la ville en France où il fait le plus bon vivre...Après deux livres de le Corre à Bordeaux et en Gironde, j'ai comme un doute...
Des sables, des marais, des forêts de pins effrayantes, des fermes abandonnées en ruine, des mobiles homes décatis, une chaleur moite et écrasante, un soleil de plomb entrecoupé d'orages furieux...Manquent plus que les alligators et c'est la Louisiane pourrie de True Detective...
En tout cas, le Corre est un pro de l'ambiance, c'est génial. On s'enfonce avec lui dans les forêts d'épineux, dans une ferme habitée par une famille toxique. Franck, 26 ans, sort de prison. Il y est resté cinq ans pour un braquage avec son frère. Il est accueilli dans la ferme par la copine de son frère, Jessica. Son frère est parti en Espagne pour "affaires". Il doit l'attendre ici. Quelle famille ! le chien, monstrueux, kingien, les grands-parents, au pastis dès le petit-déjeuner, vivant d'expédients, d'embrouilles, la fille, Jessica, trop belle, trop folle, et la petite-fille Rachel, qui en a déjà trop vu à huit ans.
Personnages qui semblent vivre devant vous, décor angoissant, parfois presque fantastique, plages et stations des Landes telles que vous ne les avez jamais vues, mais encore plus réelles que réelles, intrigue noire, noire, il n'y a plus d'espoir, ce livre est vraiment une grande réussite.
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Je n'ai pas tout compris ce livre a 2 titres :
-comme un roman noir
- prendre les loups pour des chiens
......
Bon soit, c'est un roman "noir " poisseux , désespérant.
Un homme sorti récemment de prison va attendre son frère, parti faire "des affaires " dans la famille de la copine de ce dernier.
Cette famille plus que dysfonctionnelle, on peut même dire toxique ,cache bien des secrets dévoilés au compte goutte par l'auteur.
Dans la moiteur de l'été bordelais, l'auteur décrit avec la précision d'une autopsie la sordidité des lieux , la déchéance des personnes. Il ne s'est pas passé grand chose avant la page 150 pour un livre qui en compte 300 environ, mais l'écriture est parfaite et accrocheuse , aucun ennui ni temps mort.
Un vrai plaisir de lecture, pour ceux qui aiment les romans noirs bien sûr.
Je vais rechercher d'autres livres de cet auteur, si vous avez des suggestions, je suis à votre écoute


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Dans ce livre, Prendre les loups pour des chiens, Hervé le Corre nous plonge ici de nouveau dans le Bordelais qu'il connaît si bien et c'est une fois encore un très bon cru.
J'ai découvert depuis peu cet auteur et j'en deviens, lecture après lecture, un inconditionnel lecteur. J'avais particulièrement apprécié Après la guerre, autre roman d'Hervé le Corre, et donc Après la guerre, je me suis demandé, que vais-je lire maintenant de cet auteur ? Vais-je continuer de l'aimer ? Je me suis laissé guider en confiance par certains amis d'ici-bas, merci les aminches ! Et le résultat ne m'a pas déçu... Sortant de la noirceur poisseuse et humide de Bordeaux, je me suis retrouvé ici en terre un peu plus ensoleillée. Mais ne nous ne y trompons pas, Prendre les loups pour des chiens est un roman noir, pur jus. Rien à dire sur la couleur, si vous m'accordez que le noir le plus obscur peut être une couleur. Ici nous sommes à ciel ouvert, le soleil donne, mais la chaleur demeure lourde, pesante. Et ce que le noir peut révéler de lumière, ici c'est le phénomène inverse qui va se produire. Le soleil est âpre, le soleil n'est rien d'autre qu'une brûlure. Et l'ombre qui se déplie sous le fait de ses rayons n'est guère mieux dans ce qu'elle propose comme alternative pour se protéger.
Bon, je ne vais pas m'attarder sur le scénario, tout a été dit. Je vais quand même la refaire, en tâchant de ne pas trop m'attarder sur le détail mais plutôt de vous délivrer mon ressenti. Un certain Frank sort de prison au bout de cinq ans, pour un braquage commis avec son frère Fabien. Nous apprenons très vite que c'est Franck qui a pris pour les autres. Car c'est un gentil, un naïf, presque un pur à sa manière, dans le monde dans lequel il évolue. Jessica, femme sensuelle, compagne de Fabien, vient le chercher à sa sortie de prison, il est hébergé chez elle qui vit en même temps chez ses parents, avec sa petite fille Rachel. Fabien est en Espagne. Et le décor est planté : une famille toxique, pas un pour rattraper l'autre, les vieux sont glauques, Jessica est aguichante à midi et l'inverse le soir, quant à Rachel, la petite fille, attachante et énigmatique à souhait, semble prendre la main de Franck pour l'amener là où il n'est peut-être pas autorisé d'aller. Même le chien de la maison est un affreux Jojo. Et tout ce petit monde joyeux, allez hop tout le monde à la campagne ! fonctionne avec des combines, des coups tordus, des regards de travers qui font froid dans le dos comme la lame d'un couteau. Il faut bien vivre ou survivre. Survivre, c'est sans doute le mot exact. Nous découvrons un microcosme, hors sol, mais totalement réaliste. Une réalité d'une certaine vie, qui sans doute nous échappe pour beaucoup d'entre nous, et dont nous fait part Hervé le Corre. Derrière l'intrigue et le rythme qui nous prennent à la gorge, c'est une peinture sociale sans concession. Les détails vont au plus profond de ce que peut être la précarité : une caravane posée au fond d'un hangar comme hébergement, son odeur rance au-dedans, des bagnoles aux moteurs éventrés qu'on bricole avec les moyens du bord et qu'on revend auprès de gitans, des canapés défoncés, des petits boulots à côté, des magouilles, des bocks de bière qu'on ouvre pour égrener la torpeur des journées... Et Fabien qui ne revient toujours pas de l'Espagne...
Puis, brusquement, dans cette moiteur qui pourrait nous endormir une fois qu'on a absorbé trois ou quatre bières, le scénario s'emballe. La forêt tout au bord de la maison devient angoissante, plus que jamais... Le paysage est là, important pour accompagner la métamorphose des personnages : Franck qui va passer de chien à loup, par la force des choses, pour chercher la vérité, mais surtout pour survivre dans cette folie qu'il découvre autour de lui pas à pas...
Que puis-je vous dire encore ? J'ai adoré ce livre, son humanité, sa poésie féroce et sensible, son émotion à fleur de page. J'adore cet auteur, j'adore le Corre, ces livres, j'en redemande, je prends le Corre tout entier !
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