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EAN : 9791094810101
160 pages
zonaires éditions (21/06/2017)
4.5/5   1 notes
Résumé :
Ce sont des oiseaux fragiles fauchés en plein vol.
Des êtres hantés par un passé importun, frappés de malédiction, sur le point de basculer vers l’indicible.
Une femme assise dans un café qui s’apprête à retrouver son amour de jeunesse et voit avec terreur se former sur son visage les traits de la « jeune fille en ruines » du passé.
Une romancière à succès rongée par une étrange addiction, sollici-tée par un écrivain en mal de conseils.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Les Ravissants, est une merveille glaçante, étrange et pénétrante ancrée dans le terreau des souvenirs...
Recueil chroniqué par Zerbinette dans la revue Azenda (La Réunion) à lire dans le post lecture sur www.zonaires.com
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Des fois, quand je vais toquer à sa porte le matin, mamie de-mande avec une grosse voix : « C’est qui ? »
Comme quand le loup a dévoré la mère-grand dans l’histoire, même si on le sait seulement après que le Chaperon a dit : « Comme tu as de grandes dents ! » et que le loup lui a répondu : « C’est pour mieux te manger mon enfant… ».
« C’est moi Zézé, je dis en posant le plateau du petit-déjeuner, j’apporte ta galette et ton petit pot de beurre ! ».
« Tire la bobinette et la chevillette cherra ! » crie mamie, même si je sais que c’est pour de faux puisqu’il n’y a pas de bo-binette sur la porte, sa chambre est fermée à clé, et il faut de-mander à Rani ou à maman pour l’ouvrir.
Mais il y a des fois où mamie a mal dormi à cause d’un petit pois sous le matelas qui l’a empêché de se lever.
J’ai beau faire « toc, toc, toc » à sa porte, elle crie « Mal, mal, mal, mal, mal… », jusqu’à ce que je me bouche les oreilles en disant : « Arrête, mamie ! » et que maman qui est en train de bronzer près de la piscine en maillot de bain blanc me dise : « Laisse mamie tranquille, Ysé. »
D’autres fois, mamie est de mauvaise humeur et ne veut pas jouer avec moi, comme la princesse malpolie qui ne veut pas prêter sa balle en or au crapaud, mais est obligée de l’embrasser à la fin pour le transformer en prince, même que c’est bien fait pour elle.
« Dégage, elle dit d’une voix très fâchée, pauvre merde dé-gueulasse », et d’autres gros mots qui me font rigoler même si on n’a pas le droit de les dire en vrai.
Et le Prince crapaud est une de mes histoires préférées de quand j’avais quatre ans et que mamie me gardait chez elle le mercredi et le samedi, avant que papa et maman déménagent sur l’île et qu’elle ait des problèmes dans sa tête, a dit papa.
Moi j’aimais rester chez ma mamie parce qu’elle m’emmenait au parc et qu’on rigolait quand elle faisait des choses drôles comme oublier ses clés, laisser le feu sur la plaque, chercher partout ses lunettes alors qu’elle les avait sur la tête…
Ce que j’aimais le plus, c’est quand elle ouvrait son grand livre de contes avant la sieste et me demandait : « Laquelle tu veux qu’on lise, aujourd’hui, chérie ? »
J’en choisissais une en faisant, « pic-pic » et mamie lisait pen-dant que je suçais mon doigt en regardant les images, jusqu’à avoir envie de dormir.
Et il y avait des fois où elle inventait l’histoire rien que pour moi, comme celle des deux petites filles pendant la guerre, qui sont si sages et si blondes et vont se cacher à la cave pendant un bombardement, et alors une bombe tombe sur la cave et les pe-tites filles sont retrouvées des semaines plus tard, les doigts ro-gnés à force d’avoir gratté le mur.
« R-o-g-n-é-s », disait mamie en me regardant dans les yeux.
« Ça veut dire qu’elles étaient mortes ? » je demandais en su-çant mon doigt et en tirant sur ma veuzère qui est un doudou en tissu de quand j’étais bébé, mais que j’ai appelée comme ça, je sais pas pourquoi.
« À ton avis, petit ouistiti ? » riait mamie.
Et il y avait encore d’autres histoires qui font peur, comme celle de la petite fille qui a gagné des médailles de bonne con-duite à l’école que la maitresse a épinglées sur son tablier. Un jour, la petite fille rencontre le loup et se cache dans un buisson où elle se met à trembler si fort que ses médailles cognent les unes contre les autres, alors, le loup la trouve et l’avale toute crue avec ses médailles en or et argent.
« Hilarant ! » rigolait mamie en se tapant sur les cuisses.
Ou, quand elle me lisait Blanche-Neige et les sept nains, au mo-ment où Blanche-Neige croquait dans la pomme empoisonnée, mamie se mettait à crier exprès :
« Blanche-Neige est MORTE, MORTE, MORTE ! Et les nains ne pourront plus rien pour elle ! »
Jusqu’à que je serre la veuzère tellement j’avais peur, même si j’aimais bien ça quand même.
Et le soir, quand papa et maman venaient me chercher et que maman me demandait : « Tu as passé une bonne journée avec mamie, chérie ? » j’expliquais les choses qu’on avait faites toutes les deux, comme donner du pain aux canards ou manger de la barbapapa. Je racontais l’histoire des petites filles aux doigts rognés, celle de la marâtre trainée dans un tonneau hérissé de pointes de fer, ou de la méchante reine condamnée à danser avec des souliers chauffés à blanc jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Maman me regardait en fronçant le nez comme si quelque chose brûlait dans la cuisine, et se tournait vers mamie en disant :
« Qu’est-ce que vous racontez comme horreurs à cette en-fant, Martine, vous voulez lui faire avoir des cauchemars ? »
Mamie avait l’air tout étonnée et demandait : « De quoi par-lez-vous, Lucie ? »
Et maman répondait : « Ne me prenez pas pour une idiote, Martine. »
Mamie se tordait les mains en expliquant que l’histoire de la marâtre qui danse dans les souliers chauffés à blanc était un conte des frères Grimm, et que les frères Grimm, à sa connais-sance, n’avaient jamais fait de mal à personne.
« Ce sont des histoires inappropriées pour une gamine de quatre ans, grondait maman, si ça continue, nous ferons garder Ysé par quelqu’un d’autre… »
Mamie se tournait vers papa qui regardait ses chaussures et maman me demandait de mettre mon manteau.
« Embrasse mamie, on y va… », elle disait, d’une voix fâchée.
« Mais on va revenir demain, pas vrai ? », je demandais en ti-rant sur sa manche.
« Vous ne voulez pas rester diner, pour une fois ? suppliait mamie, tout est prêt, il n’y a qu’à passer à table.
– Non, merci, répondait maman en plissant le nez comme si elle repensait à la fois où mamie avait servi des pommes de terre crues au dîner parce qu’elle avait oublié d’allumer le feu sous la marmite et que c’était « immangeable », elle avait dit.
– Une autre fois », ajoutait papa d’un air fatigué.
Et mamie me faisait un câlin en m’appelant son poussin, et je voyais qu’elle était triste parce qu’on avait rigolé toutes les deux quand elle avait fait le clown en mettant du sel à la place du sucre dans son café, manger comme un cochon en mâchant la bouche ouverte, mais maintenant je devais rentrer dans ma mai-son et la laisser tomber comme une vieille chaussette.
« C’est seulement jusqu’à demain, je disais, un petit dodo c’est tout. »
« Je sais mon trésor, à demain… », répondait mamie.
« Mais sans histoires qui font peur, on est bien d’accord, Martine ? » soupirait maman en embrassant mamie sans toucher ses joues avec sa bouche, comme un baiser papillon.
« C’est promis. » jurait mamie avant de tourner la tête et me regarder en me faisant un clin d’œil comme si elle avait dit : « Parle à mon cul, ma tête est malade !», comme les fois où elle s’amusait à dire les mots interdits exprès pour me faire bisquer.
Et dans l’ascenseur, je jouais avec les boutons des étages pour faire comme si je n’entendais pas maman dire à papa
« Elle ne m’inspire plus confiance, je vais mettre Ysé à la garderie… »
Moi, je voulais pas aller à la garderie ! Mais heureusement, papa répondait :
– Maman a toujours été fantasque, mais Ysé l’adore, et, fran-chement, elle ne m’a pas l’air traumatisée...
– Ta mère n’a pas une bonne influence sur elle. Elle se né-glige. Elle est sale. Je suis sûre qu’elle ne s’est pas lavée de la semaine…
– Tu exagères, répondait papa.
Et moi, je tripotais les boutons de l’ascenseur en repensant quand mamie faisait la cochonne à table. Quand elle renversait l’assiette sur la nappe à cause qu’elle tremblait des mains, et que je savais pas si elle le faisait exprès.
Après ça, quand maman me demandait comment s’était pas-sée la journée avec mamie, je faisais attention de ne pas dire son secret de tout ce qu’elle oubliait dans sa tête. Et, des fois, ma-mie me racontait des histoires qui font peur, des fois non.
Barbe-Bleue, Le Loup et les sept chevreaux, L’avisé petit tailleur.
Ou bien elle oubliait des choses que je l’aidais à retrouver.
Quand elle se grattait la tête, debout au milieu du salon, et demandait : « Qu’est-ce que je voulais faire, déjà ? », je répon-dais : « Passer l’aspirateur ! »
Et quand on rentrait du parc et qu’elle se trompait de rue, je la tirais par la main jusque devant la porte de la maison. Ma mamie tout essoufflée qui se tapait la tête de la main en di-sant : « Cette caboche, il n’y a plus rien à en tirer ! »
Des fois, elle pleurait parce qu’elle était fatiguée de tout ou-blier, alors, je lui caressais la main en disant : « Personne ne sau-ra ton secret, mamie… »
Et maintenant, j’habite sur l’île où on roule à gauche et on parle anglais.
J’ai cinq ans et demi et je sais déjà écrire mon prénom Y-s-é, même si j’irai seulement à la grande école en septembre, et celui de N-é-m-o, mon petit frère qui met tout ce qu’il trouve dans la bouche, même que ce n’est pas vraiment drôle de jouer avec lui, alors, des fois, je m’ennuie.
Heureusement, on va tous les jours à la plage regarder les poissons à travers le masque, parce que la maison est à cinq mi-nutes à pied du lagon.
Des fois, je reste avec Wilford, le jardinier qui tond la pe-louse, nettoie la piscine et nourrit Rosalie, la tortue de quatre-vingt-dix ans qui rentre la tête dans sa maison quand elle veut dormir.
Ou alors, avec Rani, la femme de Wilford, qui fait la cuisine et le ménage dans la maison, et me fait goûter des trucs qui pi-quent la langue comme le feu.
Mais le plus chouette, c’est que mamie habite avec nous, maintenant.
Même que ce n’était pas prévu, parce qu’elle devait passer seulement trois semaines pour les vacances de noël, et, en at-tendant, on se parlait sur Skype où elle me disait qu’elle était pressée de me voir, et je disais « moi aussi » surtout après qu’on avait pleuré toutes les deux « comme des madeleines » au mo-ment de prendre l’avion, et j’aurai bien voulu voir ça en vrai, moi, des madeleines qui pleurent.
Et mon Papa dit que c’est à partir du soir où il a annoncé notre départ sur l’île à mamie qu’elle a commencé à « disjonc-ter ».
Je m’en souviens parce que c’était le jour de La G
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