Cette collection confirme, avec son douzième numéro, la grande inégalité d'intérêt de ses réalisations, tant au strict plan historique que quant à la manière dont la technique de la BD prépare, ou pas, le terrain pour la réflexion.
Sur le premier aspect, je n'ai pas accroché au caractère trop haché des mini-épisodes des pérégrinations de cet obscur et peu attirant Helvète, Favarger. Peut-être les relativement jeunes auteurs historiens ont-ils surévalué le niveau de leurs lecteurs, mais commencer avec un premier chapitre sur la Ferme générale était audacieux, trop pour accrocher d'emblée mon intérêt. Sur la forme, le vocabulaire se veut très "actualisé" mais est manié sans légèreté excessive et avec des essais d'humour qui, pour ce qui me concerne, tombent à plat (cf. les nombreuses vignettes insistant un peu lourdement sur la bisbille entre
Voltaire et Rousseau).
L'impression d'ensemble est celle d'un travail par petites touches qui veulent éclairer (!) peu à peu la vision d'ensemble. Pourquoi pas ? Mais cela ne se fait pas paradoxalement sans un certain flou du propos (il faut un certain temps pour comprendre que les auteurs privilégient l'approche sociale ou sociologique de la période) et au détriment certainement de l'aspect ludique, voire fantaisiste, qui est celui des meilleurs opus de la collection ( cf. La Gaule romaine, n°3, ou les Invasions barbares, n°4).
Personnellement, je n'ai guère accroché au trait de crayon de Spruyt, mais après tout, les goûts et les couleurs...
La première partie est un tourbillon d'informations où l'on se perd un peu, la seconde partie purement historique, elle-même tronquée en zooms sans grand fil directeur, n'offre pas alors les réponses qu'il semblait légitime d'espérer compte tenu de l'ampleur et de l'intérêt du sujet. Ajoutons la volonté un peu trop forcée de vouloir donner des résonances actuelles aux problématiques de l'époque et l'exposition par trop insistante de thèses récentes, donc pas forcément vérifiées ( les Lumières responsables du capitalisme dévastateur et de la colonisation raciste, j'exagère à peine...).
Pour ma part, la déception prédomine, d'autant plus incompréhensible que l'antériorité de tant de numéros (11 en l'occurrence) devrait mettre les auteurs historiens à l'abri d'un ratage ou, ici, d'une demi-réussite. L'exercice est sans doute des plus périlleux, une sorte de quadrature du cercle satisfaisant aux impératifs de la plus grande fiabilité historique tenant compte de l'état de la recherche, sans pour autant tomber dans le cours magistral qui serait contraire, je pense, à l'esprit d'une collection cherchant à faire comprendre et apprendre via le plaisir de la lecture propre à la BD. Ces bémols n'empêcheront pas de saluer l'ambition des auteurs qui apportent une multitude d'informations sur des aspects généralement peu connus, que ce soient les dédales du monde de l'imprimerie ou le questionnement concernant les Parlements provinciaux ( on sent l'apport des dernières recherches et questions des historiens). Davantage de fluidité aurait pu être apportée par des retours clairs et nets au politique ( les voies et moyens de l'absolutisme / les différentes critiques du pouvoir par les philosophes et sa réception / la censure implacable, l'embastillement, etc ) et des éclairages sur des éléments ou personnes que l'ouvrage oublie étrangement (
L'Encyclopédie,
Diderot, le Divin marquis, etc).