Un enfant disparait. Ce sont les désarrois de son ami, ses angoisses, sa certitude qu'il ne s'en sortira pas, qui encadre tout le roman, dans un village où tout le monde se connait, où tout le monde observe tout le monde. Il s'appelle Beauval, ce village, mais nous savons depuis la première phrase que des évènements tragiques se sont abattus sur ce joli vallon.
Sans trop parler, les sentiments de ce garçon de 12 ans élevé par sa mère ne peuvent s'exprimer, mais ils sont là. Cette mère affolée par les quand dira- t- on ne peut pas plus parler, mais elle range, mais elle lave, mais elle fait au mieux et, silencieuse, elle protège son rejeton, elle accepte même qu'il vienne très peu la voir, comme si son éloignement avait été concerté entre eux deux. le rituel et la répétition construisent un mur solide contre tous les faits qu'elle ne veut pas voir, et les angoisses qu'elle refuse.
Enoncé comme un roman noir psychologique, “
trois jours et une vie “est en effet noir, et en même temps rempli d'humour. La force de
Pierre Lemaitre réside dans son écriture, un enchainement de style direct et d'indirect libre, sans ponctuation ni transition: “Sa mère avait toujours refusé les animaux à la maison, pas de chat, pas de chien, ni de hamster, rien, ça fait des saletés”.
Le style indirect libre sert à énoncer les pensées, les phrases toutes faites, les lieux communs de ce village obtus perdu dans la tourmente. “ je ne veux pas le défendre, ça, merci bien, mais quand même! Si on ne peut plus circuler en voiture sans être accusé d'enlever des enfants, alors, moi, je....” Les phrases commencent par “Elle”, et continuent par “Moi”, un moi qui annone des vérités premières, du style” j'ai toujours été folle de toi, même si je ne voulais pas me l'avouer, “etc, etc
Pourquoi ces villageois vont ils à la messe de minuit? Par prudence, on ne sait jamais, pour se protéger, par convenance, et puis ça ne peut pas faire de mal, autant se prémunir et demander de l'aide à l'occasion à ce Dieu auquel plus personne ne croit, mais qui reste comme une vieille tante à qui on rend visite parce que cela se fait. Sauf que le plaisir est gaché, car il y a beaucoup de gens qui ne sont pas d'ici. N'être pas du village, c'est impardonable.
Pierre Lemaitre se surpasse quand il met en scène un jeune prêtre, bien décidé à remettre de l'ordre dans les pensées tordues de ses ouailles. Bien sûr un enfant de 6 ans a disparu, mais c'est bien léger et futile quand on sait que Jesus est né, et que ce doit être la réjouissance principale et incontournable avant tout. le père endeuillé , lâché comme un taureau dans l'église, semble même prêt à en découdre avec Dieu, un comble, et les autres fidèles suivent la messe avec une résignation de condamnés. Ils sont vraiment obtus et à courte vue, ces villageois, non, qui ne comprennent pas que la joie que procure l'arrivée de Jésus est la vraie et seule réalité.
Roman noir donc, mais aussi plein d' humour-tout –court, et l'intelligence du coeur qui semble être la patte de
Pierre Lemaitre.