Que notre Histoire est riche !
Avec quelle pugnacité devrions-nous la protéger contre l'injure des siècles, et soustraire les vieilles pierres qui la racontent à l'acharnement des démolisseurs !
C'est à peu près ce que nous dit
G. Lenotre en ouverture de ce bel ouvrage.
Le château de Rambouillet, sous forme de confidences, lui a ici confié que sous la bizarrerie de son architecture se cachait une vieille forteresse médiévale.
Qui mieux que
G. Lenotre, l'homme des vieilles maisons et des vieux papiers, qui mieux que lui aurait pu recueillir les secrets de six siècles de "Petite" et de "Grande" Histoire ?
Il y avait là, au VIIIème siècle, un petit manoir qui tirait son nom d'un mince ruisseau le Rambe ou le Rambeuil.
Au bout de six ans de travaux,
Jean Bernier, nommé souverain informateur des eaux et forêts du royaume par
Charles V, en fit un château-fort.
Le château de Rambouillet était né ...
Autour s'étendait une immense forêt où naguère les druides coupaient le gui sacré sur les chênes.
L'Église avait ordonné que, jusqu'à la Révolution, tous les pins y soient abattus afin que les anciens dieux gaulois ne s'y réfugient pas !
Le décor est planté.
G. Lenotre n'avait plus qu'à y camper ses personnages, qu'à y faire revivre quelques scènes de l'Histoire de France :
la mort de
François Ier et l'avènement d''Henri II , l'entente de la Ligue entre Catherine de Médicis et le duc de Guise et bien d'autres petits ou grands événements qui marquèrent
le château de Rambouillet.
Du fond des temps jusqu'après 1830,
G. Lenotre raconte ...
Malheureusement, peut-être trop préoccupé par son sujet,
G. Lenotre a ici délaissé sa plume de conteur, l'a oubliée dans son encrier.
On ne retrouve pas dans ce livre le style qui habituellement fait tout le plaisir de l'amateur de la "Petite Histoire".
Le style de Lenotre est en effet inimitable, à la fois léger et précis, à la fois moderne et orné de charmantes et vieillottes moulures de phrases.
Parce ce que restituer
L Histoire, c'est bien sûr maîtriser la méthode de savoir lui extirper ses secrets, mais c'est aussi tout l'art de conter ces mêmes secrets à un auditoire profane et non initié.
L'historien d'aujourd'hui, trop sûr de sa science, a souvent tendance à négliger ce que les anciens maîtrisaient fort à propos : le style, la tournure et la sentence.
Et finalement semble avoir abandonné à "l'amateur-historien-animateur" de télévision le soin de faire aimer le genre et la matière.
Dommage ! Dommage ! Triple dommage !
Bien sûr, ce livre est intéressant, quoi qu'alourdi par des détails de travaux et de longues descriptions de chantiers.
Mais on n'y retrouve pas la plume du maître.
Les personnages ne sont pas peints ici comme à l'habitude.
La verve, la précision et la malice de la plume semble avoir été préoccupées par d'autres mots, ailleurs, en un autre lieu, en d'autres temps.
G. Lenotre écrit là comme si le sujet ne l'avait pas enthousiasmé.
Et la lectrice, le lecteur, tous deux amateur(e)s de "Petite" et "Grande" Histoire, pour une fois, en sortent un peu déçu(e)s ...