On connaît l'écrivain
Siegfried Lenz surtout pour son roman La lecçon d'allemand. Deux, trois autres de ses bouquins ont recueilli une certaine popularité auprès de son lectorat convaincu (dans tous les cas, ils m'ont plu) mais le reste de son oeuvre passe franchement inaperçu. Et difficile à trouver ! Mais j'ai réussi à dénicher La nuit des otages, écrit en 1963. Au début, on nage un peu dans le mystère, les repères spacio-temporels n'étant pas indiqués explicitement. Est-ce volontaire, afin de tendre vers l'universalisme ? Ce qu'on sait, c'est qu'un groupe d'individus préparent une embuscade et que celle-ci tourne mal. Sont-ils des contrebandiers ou bien des résistants. On comprend assez vite que leur pays est conquis, il question de l'occupation, de la Kommandantur et de quelques noms d'officiers germaniques. Les noms Scandinaves des combattants donnent d'autres indices. Danemark ? Non, surement la Norvège, on parle souvent du fjord. Nous sommes donc pendant la Seconde guerre mondiale.
Ainsi donc, l'embuscade est un échec mais elle dérange suffisamment l'occupant pour qu'il se saisisse d'une quarantaine de villageois. Des otages. Les résistants sont donc confrontés à un dilemme : livrer leur chef ou bien risquer que des innocents souffrent à leur place. C'est un dilemme auquel durent faire face de nombreux combattants, maquisards lors de ce conflit. Pendant toute une nuit, ils jonglent avec cette idée, cherchent à contre-attaquer, même à prendre d'assaut directement le village pour libérer les otages.
La narration est assurée à travers le personnage de Tobias Lund (son identité reste mystérieuse pendant le premier quart du livre), c'est un des résistants nouvellement admis dans le groupe. Il n'est pas très expérimenté – encore –, il est nerveux mais tient à prouver la valeur. Surtout, il n'est pas au courant de tout ce que ses supérieurs savent. Ainsi, il se trouve dans la même situation que le lecteur. Ou vice-versa. Je sais que, moi, j'ai réussi à me mettre dans sa peau, à vivre son angoisse quand l'embuscade tourne mal, quand il doit s'enfuir, se réfugier chez des villageois, craindre la délation, etc. J'ai ressenti sa stupéfaction à l'annonce de la prise des otages, sa frustration face aux dissensions qui éclatent. Son désespoir. Puis, ne plus savoir à qui faire confiance. J'aime bien quand les récits de guerre (ou d'action en général) mettent l'accent sur le côté humain des évéenemtns. Ça apporte une dimension supplémentaire. Ajoutez à cela une fin quelque peu surprenante.
Cette narration de Tobias Lund, elle m'a paru d'abord un peu étrange. Régulièrement, il s'adresse à un destinataire à la deuxième personne du singulier, son supérieur Daniel, comme si le roman lui était adressé, comme s'il s'agissait d'une longue lettre. « Sans doute, Daniel, perçus-tu la vibration de ses pas, toi qui étais allongé dans ta tente. » (p. 59) « N'oublie pas ce matin où, dans le calme qui régnait sur le fjord […] » (p. 78) Et ainsi de suite. le hic, c'est que ledit Daniel est un personnage important du bouquin, présent dans la majeure partie des péripéties. Ça donne l'impression que le roman est longue lettre adressée après coup, une sorte de testament.
Au final, j'ai quand même bien aimé La nuit des otages. Ce n'est pas le meilleur roman de
Siegfried Lenz, et j'ai bien ressenti un léger ennui vers la fin du deuxième tiers, mais, dans l'ensemble, c'était intéressant.