Ici l'eau s'évapore
Ici l'eau s'évapore il ne reste que sel, luxure
Et visages mués en
Cascades, un temps. S'effritent
Nous regardons la rivière me regarde j'essaie de faire tenir
mon corps à être nymphe, un temps
Dans le remous tout se durcit
Mère
Faites que les nuages éclatent dans le rayon d'une île que le
bâton dérive jusqu'aux terres immobiles
Mots blancs que j'efface aussitôt rive souffle et aube son brame
écrire je suis déjà trop fort à L.
Je sors
Dans la ville grise
Dans la ville grise
Aux supermarchés cafés cinémas on montre nos papiers nos
corps sains nos âmes sont en sourdine, sous nos dents craquent
des os et l'imagination dénude les jambes des filles rieuses devant
les lampadaires j'en suis une que la poudre éclaire, il vient je le
laisse faire, un verre se casse des perles tombent dans les égouts
c'était
Une faim de loup
Je pense
À T. Tzara les cloches sonnent sans raison et nous aussi
D'autres s'affairent
Plus haut on devine les villas avec vue sur la mer
Plus bas, un chalet veille. Nous sommes entre les deux, on
ne voit pas
Se refléter notre image enfantine, aux couleurs gonflées.
Et puis nos yeux font mal à cause de la lumière mais de
nouveau le soir tombe et nous aussi, de nouveau des cheveux
coulent, des châteaux noirs enferment des étoiles
Et nous aussi
Ne sommes qu'en-dedans éclairés
Comme l'une file elle traverse un instant
Ce noyé
Arbres coupés
Au retour
Arbres coupés
Quelqu'un me dit qu'ils empêchaient le soleil d'aller
Derrière la terre depuis nos yeux
J'acquiesce
Ainsi le parquet de chêne
Peut rougeoyer dans des appartements au haut plafond, j'ai
toujours
Cette douleur au poumon c'est quand je me rappelle
Ceux restants ne trouent pas les trottoirs, ils ont des feuilles
Rares
J'ai oublié son visage
Il était je crois gris
Lecture par l'auteur, Julia Lepère & Guillaume Condello
Rencontre animée par Martin Rueff
À l'occasion de la parution de "L'Éducation géographique", Pierre Vinclair et ses complices Julia Lepère et Guillaume Condello proposent un voyage à trois voix le long d'un Rhône imaginaire qui coulerait de Paris vers Londres en passant par Penang, Milan, Dublin et Kyoto.
Ce livre est l'aboutissement de tout ce qu'écrit Pierre Vinclair depuis 2015 : un ensemble de 25 chants, chacun composé dans une forme propre, à propos d'un endroit du monde différent. Chaque chant se veut à la fois une carte postale envoyée dans le futur à ses filles, un exercice de lecture du paysage et une réflexion sur l'écriture et les arts. L'enjeu en est simple : il s'agit de trouver la forme à même de dire ce qui compte, à ceux qui comptent.
À lire – Pierre Vinclair, L'éducation géographique, Flammarion, 2022.
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