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2,74

sur 260 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un chroniqueur spécialisé dans la presse people et les horoscopes bidons, copain comme cochon avec Louboutin et Beigbeider, grand ordonnateur des nuits parisiennes poudrées et arrosées, ex-pilier des Bains-Douches et qui raconte ses amours torrides avec Eva Ionesco, une ancienne Lolita sulfureuse des années 70, aujourd’hui quinquagénaire un peu enrobée, qui défraya la chronique avec les photos pornographiques prises d’elle par sa propre mère, Irina Ionesco, et en tira un film récent - plutôt réussi d’ailleurs : vous, je ne sais pas, mais moi, ça me ferait plutôt fuir…

Un romancier qui se lance sans vergogne, après un an de mariage avec la nouvelle Shirley Temple de la photo kitch et pédophilique, dans une hagiographie amoureuse – parce que c’était elle, parce que c’était moi- en affirmant haut et fort faire de la littérature, surtout après la parution des beaux éloges conjugaux, à la fois fervents et pudiques d’un Jean-Jacques Schuhl –INGRID CAVEN - ou d’un Jérôme Garcin –THEATRE INTIME - : vous, je ne sais pas, mais moi cela me donne a priori envie de rigoler…

Pourtant, sur la foi d’une critique emballée, j’ai lu d’une traite le livre de Simon Libérati et j’avoue être tombée sous le charme…

Pas grand’ chose à se mettre sous la dent côté mère abusive et potins nauséabonds : amateurs de romans à scandales, passez votre chemin !
Quelques parisianismes récidivants et une tendance de l’auteur à ne pas se prendre pour un quartier de mandarine, mais là non plus rien de vraiment exaspérant, c’est une petite faiblesse attendrissante qu’on lui pardonne tant le livre est, à lui seul, une sorte d’OVNI…

Objet Violemment Néo Irréaliste.

Je me suis pincée pour y croire : Libérati et Ionesco me sont apparus comme la réincarnation de Nadja et Breton, ou je ne m’y connais pas : rêves, prémisses, prénoms, rencontres, lieux, tiers médiateurs, prophéties, coïncidences et géographie parisienne aux allures de Labyrinthe borgésien - tout destinait magiquement les deux amants à s’appartenir pour la vie …même si la rencontre a mis 35 ans à s’opérer. Cet ascendant surréaliste, cet abandon délibéré à la tyrannie du hasard et de l’irrationnel, l’auteur les reconnaît plus d’une fois : « Je retrouvais sans m’y être attendu l’atmosphère de mon enfance, influencée par le surréalisme et cette force particulière qu’ont certains hommes de dégager les croyances anciennes de la décadence universitaire pour leur rendre leur valeur de pari. »

Mais les liens avec l’Amour Fou ne s’arrêtent pas à Breton : Libérati est un malade de Nerval, au point d’avoir quitté, six ans avant sa rencontre avec Eva, son Paris des Bains-Douches pour le poétique Valois, terre de SYLVIE - une autre histoire d’amour récurrent, fatal et féerique : « Ainsi puis-je refaire à intervalles réguliers le voyage nocturne aux fêtes d’archers de Loisy et à la maison de Mortefontaine dont la treille brille pour moi d’un fanal éternel. » et l’auteur précise :« Avant même que l’événement capital, rencontre ou accident, se produise, le décor doit être planté. »

Je n’étais pas au bout de mes surprises ! D’abord l’enchantement du style :une longue phrase, quasi proustienne, qui vous envoûte et vous entraîne dans ses méandres, une érudition raffinée – les romantiques « noirs », Nerval en tête mais aussi Barbey, Gautier, Villiers – il y a du Véra dans cette Eva- et insolemment éclectique – j’ai retrouvé avec délice quelques considérations sur les pages de garde des anciennes éditions Tintin où l’auteur, enfant, cherchait « dans la galerie des personnages qui s’y trouvent accrochés sur fond bleu » des têtes qu’il ne connaissait pas et qui lui indiquaient « des albums inconnus, peut-être introuvables, un monde de découvertes »- ou encore une analyse subtile et ironique du charme un peu pervers de la Comtesse de Ségur dans la vieille Bibliothèque Rose - Sophie et ses malheurs, en héroïne néo-sadienne…après Justine ou les malheurs de la vertu !!

Avec raffinement, finesse, subtilité, donc, Simon Libérati nous conte l’histoire un peu magique, éternelle et romantique d’une Rencontre fondamentale, transcendante, entre un noceur narcissique et une femme-enfant un peu schizo –les trois voix d’Eva ravissent la diva- non pas celle, à mon sens, d’une rédemption – la cocaïne et la bibine restent leurs meilleures copines- mais celle, très faustienne, d’un Pacte –Enfer ou Ciel, qu’importe !- et d’un Pacte éminemment amoureux et littéraire : lui l’aide à faire un deuxième film à partir des souvenirs de son enfance brisée, elle lui donne sa personne pour qu’il la transmue en personnage romanesque.. Un honnête marché, somme toute, avec le Désir et la Folie comme garants…

Il y a même du Méphisto chez Libérati : je te rendrai ta jeunesse –un lifting en l’occurrence- et ta silhouette – un coach et un régime- , et tu me laisseras te tromper avec mon autre maîtresse, la littérature…. que je tromperai à son tour en ne lui parlant que de toi !

Oui, vraiment, une heureuse surprise : j’ai balayé tous mes a priori et je me suis gentiment enivrée, en suivant les conseils d’un dandy merveilleux, grand frère tutélaire de Simon Libérati :

« Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. »

Et Baudelaire ajoutait :

« Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous! »

Rajoutons à cet étourdissant cocktail : de hasard, de magie, de mystère, de désir …

EVA est l’élixir qu’il vous faut !
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Eva est un livre singulier, le portrait amoureux de l'ex-fillette-objet photographiée dans les années 70 par sa mère, Irina Ionesco, dans des mises en scène érotiques ou pornographiques. Simon Liberati s'attache avec beaucoup de délicatesse à décrire leur première rencontre (il était alors âgé de 19 ans, elle de 13) et tout le parcours de la jeune icône qu'elle était alors, personnage imaginé, magnifié par sa mère photographe, jusque dans la démesure. Parcours d'une jeune fille défaite de son enfance, entrée en résistance et en révolte contre sa mère et contre toute forme d'autorité, comme un Narcisse cherchant son reflet dans des eaux sans fond.

Simon Liberati donne à voir mais aussi à comprendre, avec beaucoup d'acuité et de sensibilité, celle qui deviendra des années plus tard son épouse, mais il dénonce aussi ce que furent les excès d'un certain milieu parisien, celui des nuits des années 70 en pleine libération sexuelle, celui du microcosme fêtard du Palace, des Bains douches, celui enfin d'une certaine élite artistique et intellectuelle de gauche qui avançait vers un idéalisme cynique et sans scrupules (on ne parlait pas encore de pédophilie) .

Sous l'écriture de Liberati, le personnage et la personnalité d'Eva Ionesco oscille sans cesse entre fiction et réalité, apparaît dans toute sa lumière mais aussi dans sa complexité, dans un temps que l'on dirait éphémère, dépassé. Quelque chose insiste cependant dans l'écriture qui rend ce livre attachant. C'est un hommage rendu à l'enfant-victime mais aussi une déclaration d'amour à la femme résiliente d'aujourd'hui.
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J’ai souvent pris du plaisir à lire ce livre parfois prenant même si certains aspects en sont agaçants ou ennuyeux. Liberati nous livre un objet hybride : il oscille entre le roman d’amour, la biographie de son épouse Eva, l’autofiction, l’autobiographie, le journal intime, le roman autoréflexif sur la littérature. Ce côté indéterminé en est un des intérêts et permet d’éviter le piège d’une construction linéaire ou chronologique. Le récit oscille en permanence et de manière assez fluide entre des temps différents : le présent, le passé proche, le passé ancien. C’est un livre sur la mémoire, sur les traces du passé, sur les souvenirs. Cette indétermination entre biographie et fiction est assez réussie.

Liberati me fait l’impression d’être un artisan verrier ou artisan bottier, je veux dire par là, un écrivain exerçant de manière quelque peu désuète un métier quasi disparu. Il nous livre un travail soigné, minutieux, expression d’un savoir-faire traditionnel transmis de génération en génération, parvenu à un degré de parfaite maîtrise. Sa langue et son écriture plongent dans la tradition et j’ai eu l’impression que Liberati avait écrit , un peu intimidé, avec tous les écrivains qu’il admire, perchés sur son épaule. J’ai ressenti cependant un poids de la tradition un peu encombrant. Ce qui est le plus agaçant, c’est cette manie de citer et de faire des références en permanence (j’en ai compté jusqu’à 8 en une seule phrase). Ainsi lorsqu’il évoque son déménagement dans le Valois, Liberati ne peut pas s’empêcher de convoquer Nerval et Sylvie et de préciser illico ‘Valois, pays littéraire’. Lorsqu’il raconte sa sortie dans le 16ème arrondissement pour accompagner Eva chez son médecin, il se retrouve bien évidemment à l’attendre dans la maison Balzac, en surplomb de l’hôtel de Lamballe où Nerval, encore lui, fut interné quand le palais fut transformé un asile psychiatrique.

Les meilleurs passages sont ceux où Liberati abandonne la prose romantique et nombriliste avec laquelle il s’étend sur lui-même, souvent sans complaisance, et ceux où il sort de son obsession de la littérature et de l’objet de son écriture. Liberati ne manque évidemment pas de rappeler que Eva est aussi le titre d’un roman de J.H. Chase et va même jusqu’à s’interroger à propos de sa première nuit d’amour avec Eva sur « l’étrange destin qui consiste à faire l’amour à un de ses personnages ». Ce livre a donc aussi pour objet la littérature et sa place omniprésente dans la vie de l’écrivain. Une autre citation pour l’exemple : « Très naïvement, je voulais être à la hauteur de ce que j’avais écrit ».

Les meilleurs passages, donc, sont ceux où il retrace une époque et particulièrement celle de la fin des années 70, celles des années punk et destroy, celle des années Palace, celle où la pédophilie n’était pas encore devenu un crime intolérable, notamment dans un certain milieu artistico-intellectuel. Son style devient un peu moins ampoulé et comme un caméléon s’adapte au côté moins sage de cette période. J’ai aussi aimé la peinture fine et subtile de la relation complexe entre Eva et sa mère. Le livre est également sauvé par le caractère évidemment fort romanesque de son héroïne principale, dont Liberati fait un portrait kaleïdoscopique émouvant, attachant et haut en couleurs.

Parce que la fin est très belle et très réussie, je décide de rajouter une étoile à mon jugement premier et de finalement donner 4 étoiles à ce livre.
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Une écriture érudite et très libre, un écrit passionnant sur la rencontre entre Liberati et Eva Ionesco, une description quasi hypnotique de la vie des héros dans le Paris de la fin des années 70. Eva est une forte personalité dont la jeunesse a été plus que tumultueuse. Leur amour unique dure toujours, loin de Paris, à la campagne, mais ils sont toujours proches des lumières de la ville. Liberati excelle dans ses descriptions d'Eva, de son caractère insolite et attachant, hors du commun, il nous parle de lui et d'elle, si proche et si inaccessible.
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Un souffle
Difficile de ne pas être sensible à l'enfance d'Eva Ionesco, photographiée nue dans des positions indécentes par sa mère. le livre de Simon Liberati raconte ses rencontres avec Eva à différents moments de sa vie et son amour immodéré pour celle qui est devenue sa femme. Ce livre est aussi une chronique des nuits parisiennes. Je l'ai lu d'une traite sans pouvoir m'arracher à ce texte. A lire.
Lien : https://lilietlavie.com/2019..
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D'une image, d'un souvenir, d'une rencontre, Simon Liberati nous parle d'EvaIonesco, sa femme.
» Est-ce son origine slave? Elle a la tristesse des âmes errantes, des voyageuses, de celles qui savent qu'elles partent toujours la première. »
Cette Lolita exposée sous l'appareil photographique de sa mère dès sa plus tendre enfance en des positions dénudées et pornographiques, connaît une adolescence rebelle. Toujours sous l'influence maternelle, elle sombre dans l'alcool, la drogue et la prostitution. Arrêtée par la police à l'âge de douze ans, elle est confiée à la DASS. Désintoxication, thérapie, procès contre sa mère, lecture, théâtre la reconstruisent peu à peu en lui laissant pourtant des tendances suicidaires.
Lorsque Simon la croise au cinéma Trianon, il est à nouveau sous le charme de cette amie d'adolescence. Actrice, mère d'un fils de vingt six ans, elle a, malgré « quelque chose de brisé ou de bridé, une retenue« , un sérieux impeccable.
D'une narration emmêlée, à force de roues concentriques autour d'un passé difficile à assumer, il dresse le portrait d'une femme blessée mais dotée de grâce et de pureté.
L'auteur écrit une élégie, » l'éloge oisif de la jeunesse, de la grâce et de la perdition » ce qui emplit désormais toutes ses journées auparavant perdues dans la fête, l'errance et l'alcool. L'amour transparaît à chaque instant pour cette femme meurtrie mais si digne.
» Tu sais, tu peux me quitter, je n'ai pas peur d'être perdue, ça m'est arrivé si souvent. »
La narration emmêlée, les références personnelles m'ont souvent éloignée de ce récit pourtant si bien écrit, de cette histoire si prenante.
Une belle histoire intime se mérite et l'auteur préfère la qualité au nombre de ses lecteurs…
» le petit nombre de gens à avoir lu mon dernier livre ne me chagrinait pas, car je n'ai jamais cherché à séduire que l'élite. »

Un témoignage qui fait déjà polémique…mais un bel éloge à la femme aimée dont l'enfance fut brisée.
Lien : https://surlaroutedejostein...
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Livre que la Grande Librairie m'avait conseillé. En lisant les critiques on constate que les avis divergent : ou on adore ou on aime pas ce roman.
Pour ma part, j'ai été déçu, mais j'ai tout de même poursuivi la lecture jusqu'au bout.
Simon Liberati raconte le grand amour pour Eva Ionesco qu'il épousera, la vie, la jeunesse de celle-ci, il en fait une biographie d'Eva que sa maman photographe prenait comme modèle dès son jeune âge. En effet la gamine, petite devait poser dans des tenues parfois dérangeantes, souvent nue, pieds nus aussi dans des lingeries, nuisettes presque transparentes et laissait souvent dévoiler son intimité féminines.
Le roman contient trop de personnages qui à mes yeux n'intéresseront pas les lecteurs. Ce n'est pas un livre que j'ai lu avec plaisir. C'est un livre que je ne conseillerais donc pas.
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Inclassable ce livre à la plume d'une grande finesse. C'est l'histoire tristement célèbre d'une enfance volée et abusée, d'une ado à la dérive et d'une femme qui lutte contre ses démons. Mais c'est aussi l'histoire croisée de ceux qui se retrouvent au bout d'un chemin sinueux pour poursuivre ce qu'il leur reste de bon à vivre ensemble. L'un a besoin d'en faire un livre et l'autre un film, point de guérison totale mais une forme de rémission à deux et un livre très réussi.
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Simon Libérati retrace ici le destin hors du commun de sa femme, Eva Ionesco.
L'amour absolu qu'il lui porte transparait tout au long de ce livre qui devient un très beau roman d'amour.
C'est aussi un livre sur la rédemption d'Eva et de l'auteur grâce à son union avec Eva qui apparait comme sa muse.

Eva est la fille de la photographe Irina Ionesco. Eva est un objet entre les mains de sa mère, un objet d'art. Irina réalise des nus érotiques d'Eva dès l'âge de 4 ans, l'utilisant comme modèle de son œuvre photographique érotique, parfois pornographique. Elle en fait une poupée, une sorte de Lolita sous son œil pervers.
Nous sommes dans les années 1970, époque libertaire où, par exemple, des expositions avaient lieu dans une galerie spécialisée dans l'art pédéraste... On croit rêver... Irina va jusqu'à exposer sa fille à 11 ans, vivante, pratiquement nue lors d'une exposition.
Eva a subi l'injustice d'être traitée d'obscène, d'être objet de scandale alors que sa mère était encensée et tirait tous les bénéfices de son art. Surnommée "baby porno" par la presse, elle est bien entendu méprisée par ses camarades de collège.
Sa mère est allée jusqu'à la prêter à des amis qui la font tourner dans des films pornographiques. Elle l'entraîne dans l'alcool, dans la drogue. Eva connait sa première expérience sexuelle à 10 ans en tournant du porno, est plongée dans la drogue dure alors qu'elle n'est qu'en 6ème. Placée à la DDASS à 14 ans, elle va de maisons de redressement en institutions psychiatriques, faisant plusieurs tentatives de suicide.

Adulte, Eva devient actrice et réalisatrice. Elle se marie, devient mère à 30 ans et commence un combat juridique contre sa mère. C'est une femme qui aura eu plusieurs vies.
Eva apparait comme une femme très forte ( dotée de "bravoure " selon Simon Libérati) qui a su faire preuve de résistance, se réfugiant dans le plaisir innocent de sa collection de poupées Barbie et dans les dessins animés de Casimir. C'est vraiment une survivante, beaucoup de figures de cette époque ont disparu victimes d'overdose.
Cette femme adulte au comportement infantile, excessive, colérique, narcissique va aller à la rencontre de Simon Libérati en 2013 sous prétexte de travailler ensemble sur un scénario. Ils ont fréquenté le même milieu, pendant toutes ces années, ils ont du se croiser à maintes reprises dans des soirées sans le savoir.

Commencera alors l'union de 2 solitaires, de 2 égoïstes, pourvus d'une même sensibilité. Simon Libérati dit très joliment qu'il l'attendu 35 ans, 300 000 heures... Leur rencontre le sauve "d'une existence parisienne sordide et mondaine" où il s'acharnait à se détruire dans une terrible fuite en avant.

Simon Libérati reconstitue le destin d'Eva sans réel souci chronologique, il nous balade d'une époque à une autre, d'un souvenir à un autre avec des allers retours entre le présent et le passé. Il cite des articles de presse, des interviews de l'époque, le tout baigné de la voix d'Eva.
Une des vies d'Eva que l'auteur n'évoque pas est sa vie de mère de son unique fils...Comment a-t-elle pu jouer son rôle de mère avec le manque total de figure parentale qu’elle a eu?
Par ces allers-retours, il nous dresse le portrait à la fois de l'Eva de sa jeunesse et de l'Eva du présent. Sa fascination pour elle, transformée en amour absolu, est également bien décortiquée.

Mon bémol sur ce livre : il faut attendre environ un tiers du livre pour que l'auteur nous plonge réellement dans l'histoire d'Eva. Je comprends qu'il ait eu besoin de situer l'époque, son parcours et leur rencontre mais j'ai trouvé ce passage un peu long. J'ai trouvé aussi la lecture parfois difficile avec des phrases tortueuses, sophistiquées, voire mystiques. Je suis restée complètement hermétique à certains passages, un exemple "Il émane d'elle une trouble impureté antique, celle de l'hermaphrodite Borghèse ou d'une petite prêtresse barbare de Piape aimée de Marcel Schwob. Elle semble avoir traversé les siècles depuis les ruelles de Subure à cheval sur un poney aux yeux de cauchemar, c'est l'incarnation même de la jeune Pannychis, que j'ai tant aimée quand j'avais dix-huit ans et que je lisais le Satiricon sur un banc des Tuileries." Heureusement tout cela est bien contrebalancé par de nombreux passages sublimes.
Le côté suffisant et snob de l'auteur, "Je n'ai jamais voulu séduire que l'élite", m'a agacée un temps; la façon dont il évoque ses propres déviances m'a gênée "Pour des raisons qui ont trait à ma peur de la prison, je n’avais jamais eu affaire avec des enfants, quoique j’adore les petites filles. Je le regrettais, sans savoir qu’il me serait donné un jour de finir ma vie avec la plus extravagante des femmes-enfants". Mais ensuite l'histoire d'Eva m'a littéralement happée.

Concernant la polémique soulevée par le procès qu'Irina Ionesco a intenté pour empêcher la parution du livre, j'ai trouvé l'auteur factuel, implacable dans ce récit mettant en scène Irina mais sans manifester de haine ni de jugement. La relation d'Eva Ionesco avec sa mère n'est pas au cœur du livre de Simon Liberati, elle n'est là que parce qu'elle est constitutive de l'histoire d'Eva, de son itinéraire et de sa personnalité.

Ce destin extraordinaire d'Eva, que je ne connaissais pas du tout, méritait bien un livre, il me restera inoubliable.
Lien : http://leslivresdejoelle.blo..
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De l'incroyable matière romanesque que constitue la vie de sa compagne, Eva Ionesco,
Simon Liberati a su tirer un beau livre - très poétique, très personnel. Sans rien cacher de ses propres addictions, de ses faiblesses, Liberati compose un émouvant "Hymne à l'Amour d'Eva" - enfant abusée, adolescente rebelle, femme aujourd'hui reconstruite, mais qui reste pleine de blessures et de failles.
Bien sûr, par moments nous sommes un peu transformés en voyeurs, et sommés d'apprendre des choses parfaitement indiscrètes ( le désordre d'Eva. Son lifting, ses manières un peu crapuleuses et ses grossièretés de langage. Ses excentricités, ses violences ...). A d'autres moments il se livre à des raisonnements tatillons: à quelle date exactement Eva a-t-elle fait couper les somptueux cheveux blonds de son enfance? Sur ce point, dit-elle la vérité dans son film? Qu'en pensent les amis, les témoins? Que disent les photomatons, cartes postales et petits poèmes qu'elle stocke dans une boîte en fer?
Mais ce qui est frappant chez Liberati, c'est la volonté d'inscrire la femme qu'il aime dans une mythologie qui lui est personnelle, et qui comprend tout aussi bien Nerval et Lewis Caroll que le cinéma underground ou les petites reines martyres du monde de la nuit: un imaginaire labyrinthique où s'entremêlent érudition et féérie, un peu de noirceur gothique, pas mal de substances illicites, mais où toutes les femmes, rêvées ou vécues, sont autant de cailloux de Petit Poucet qui mènent à "L'Amour fou" (Liberati Père faisait partie du groupe surréaliste; Louis Aragon, André Breton ne sont pas loin, qui veillent en figures tutélaires...).
Quant à moi, bien que n'ayant jamais fréquenté le Palace et n'ayant découvert Eva Ionesco qu'assez récemment, je ne me lasse pas de confronter entre eux leurs deux livres ( et de les confronter au film qu'Eva elle-même a réalisé). Chez Eva comme chez Simon l'écriture est belle, poétique et sensible , et le petit zeste de "people-itude ", ou de snobisme parisien, ne me rebute pas, bien au contraire! Ainsi, avec leur parcours de vie incroyablement romanesque et leur authentique talent, ces deux-là constituent à mes yeux une sorte de diamant noir de la littérature française contemporaine!
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