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sur 204 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Etes-vous Stones ou Beatles ?
Mimi, le narrateur, est par défaut Stones, attendu qu'il doit écrire le scenario d'une série TV basée sur les années 1967-1969 du groupe, ponctuées par la mort de Brian Jones. Mimi a 71 ans, et une maîtresse d'un peu moins de 25 ans, qui n'est autre que la fille de son ex-femme. Ambiance. Mimi vient de faire un AVC, il a du bide, ne peut plus se laver les pieds, il picole sec et devient incontinent. Sexy. Mais il reste un lettré fin et élégant (dans l'âme), qui tente de donner satisfaction (ha ha !) aux deux producteurs trentenaires qui le harcèlent à coups de visios jusque dans sa maison de campagne lugubre.

Bizarrement, j'ai bien aimé ce drôle de récit, qui mélange les péripéties d'un vieux décati qui a connu Marianne Faithfull, et les détails croustillants sur le trio maudit Brian Jones-Anita Pallenberg-Keith Richards. J'ai apprécié les reconstitutions de la fin des 60's, juste esquissées par touches légères et gracieuses, avec une forme de répulsion à l'égard des femmes fatales qui ensorcelaient alors les Stones. Les descriptions de la vie compliquée de Mimi, vieux dandy parisien, et sa fascination pour sa jeune muse, m'ont également charmée et amusée.
Car même si son ex-compagne a récemment publié un livre où elle lui démolit le portrait, je n'ai pas pu m'empêcher de trouver Mimi drôle, avec son auto-apitoiement teinté de lucidité. Liberati se vieillit de dix ans dans ce roman, il se présente comme un vieux dégueulasse cultivé, et ça m'a plu, à une époque où tout le monde -ou presque- tente de s'afficher sous son meilleur profil. J'y ai trouvé une acceptation bienfaisante de la vulnérabilité, et quelque chose de finalement très rock'n'roll.
J'ai également aimé retrouver le côté obsessionnel de l'auteur : ici, les Stones, ailleurs Charles Manson, Eva Ionesco ou Babsi Döge -et même quelques traces du "Lolita" de Nabokov. Enfin, ce récit m'a semblé plus léger que les précédents -peut-être en raison de la mise à distance imposée par le personnage burlesque et touchant de Mimi.

C'est donc un roman que j'ai pris plaisir à lire, plus que je ne l'escomptais, et qui séduira aussi les fans de Liberati. Et ceux des Stones.
Et même ceux des Beatles.
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Drôle de pitch pour finalement une jolie surprise !

Étonnant pitch donc que celui-ci : un auteur alcoolique de 71 ans en incapacité d'écrire à la suite d'un AVC se voit proposer par deux jeunes producteurs l'écriture du scénario d'une mini série pour Netflix sur la période 67/70 des Rolling Stones alors qu'il ne les a jamais rencontrés et est plutôt réfractaire aux séries télé comme aux biopics !

Ha !?!?

C'est ce septuagénaire hors normes mais pas hors sol qui sera le narrateur et le protagoniste principal de ce court roman intitulé donc : Performance.

Performance, bien sûr c'est le titre du fameux film de 1970 avec le lippu félin Mick Jaguar, mais c'est aussi le qualificatif que l'on pourrait attribuer au premier chapitre de ce livre qui, sans en avoir l'air, distille immédiatement une ambiance ambivalente à ce récit de l'auteur à priori peu inspiré qui pourtant décrit avec un certain panache l'idée qu'il se fait du projet qui lui est soumis.

Il a son point de vue et son angle d'attaque bien arrêtés qui ne sont pas forcément en adéquation avec ceux des producteurs.
Balayée donc l'idée d'une biographie classique, linéaire ou iconographique au profit d'une évocation plus sulfureuse, d'une esquisse plus transgressive mais néanmoins finement documentée.

Même s'il est désormais bien loin de l'âge qu'avaient ses célèbres personnages à l'époque considérée, il pense pouvoir se remémorer et bien dépeindre cette période d'alors encore proprette et singulièrement pop mais qui allait bientôt s'aiguiller et dégénérer vers un univers plus sombre voire maléfiquement glauque.

Keith Richard sera au générique du roman certes, Brian Jones aussi, bien sûr, mais le véritable héros, c'est ce romancier d'un âge certain.

C'est lui qui parle, c'est lui qu'on entend !
Après la scène d'ouverture et sa rencontre avec les producteurs, quand il s'en retourne rejoindre sa très (très) jeune et très (très) camée dulcinée dans un hôtel parisien du faubourgs St Germain, c'est avec la voix de Gainsbourg découvrant Melody Nelson que j'entends les mots qui noircissent ma page. C'est ce débit reconnaissable entre tous et difficilement imitable finalement, ce détachement, cette classe décadente, cette provocation chic et érudite, cette culture ostentatoire aussi qui murmurent à mon oreille.

C'est son quotidien qu'il nous livre, celui de l'écrivain écrivant. Quand il fini par convaincre les jeunes producteurs, c'est son travail que nous voyons prendre forme pour nous raconter sa vision du swinging London sous acide qui rend stone et plus particulièrement les tribulations des rollings & Co puisque élargis à leurs proches, Marianne Faithfull ou Anita Pallenberg entre autres.

Bien sûr, il faut connaître un minimum l'abécédaire stonien pour suivre les nouvelles déambulations littéraires de Liberati comme il fallait connaître Manson, Polanski et Sharon Tate pour suivre ‘Californian Girls' il y a quelques années. Pour coller au récit, mieux vaut avoir les références au fameux épisode de Redlands dit de ‘la barre Mars' réputé avoir précipité aux enfers l'apparente angélique et évanescente Marianne Faithfull.

Pourtant, le fond du roman est ailleurs, dans la démarche créatrice du narrateur plutôt en déveine depuis un certain temps. L'écrivain raconte la stone-storie, évidemment, mais ce n'est que le média, l'histoire dans l'histoire ou l'alibi, le propos du livre est l'écriture, l'élaboration du script, la réflexion et les recherches de l'artiste comme sa vision par anticipation de ce que devrait être l'oeuvre télévisuelle en construction.

La performance est là dans cette prestation sur commande qui devient d'autant plus une obsession que sa propre vie actuelle comme passée semble sortir tout droit d'une composition survoltée du plus grand groupe de rock'n'roll du monde (il vit avec la fille de son ex-femme qui a quasiment cinquante ans de moins que lui mais qu'il ne connait que depuis trois ans seulement (transgressif mais pas incestueux))

Cette double Odyssée quasi punk est écrite avec un esthétisme léché parfois même maniéré qui, comme un riff de six cordes électrifiées, distorsionne et tranche avec le propos et l'édulcore naturellement sans qu'il y ait effet ou posture.

Il y a du style et de l'élégance dans la forme même si c'est pour évoquer alcool, sexe, drogue, rock'n'roll et déchéance physique.

On suit le narrateur dans sa quête de vraisemblance voire sa fuite en avant à perfectionner le moindre détail pour être le plus proche possible de l'ambiance de l'époque, visuellement bien sûr mais aussi idéologiquement, socialement, replongeant dans les us et coutumes d'alors aujourd'hui éliminés par le temps passé. Au delà du folklore et des clichés qui ont franchi les barrières du temps, il cherche à se rapprocher de la psyché de ses personnages quitte à tordre le cou à des idées reçues bien installées.

Cette série télé sera l'oeuvre d'un dandy décadent peut-être mais quand même conscient du décalage (revendiqué) qui existe entre lui et le reste du monde. Lui, vieillissant, subissant les assauts du temps dans sa propre enveloppe corporelle revient sur la jeunesse flamboyante des hérauts du Rock.
 C'est classieux comme disait initial SG.

Un triple voyage, en fait que ce roman :
- Un voyage physique et géographique à travers la France et l'Espagne, dans les pas lointains de Keith et Anita.
- Un voyage virtuel dans la quatrième dimension, l'espace temps, à la recherche des Rollings Stones et de la jeunesse perdus.
- Un voyage introspectif et crépusculaire enfin, celui de l'homme vieillissant qui regarde sa vie finissante et son corps en déliquescence épris de la jeunesse personnifiée par sa compagne.

Un roman en forme d'autofiction où tout est faux, à l'instar du décor de la série télé et de son jardin en plastique découpé au laser où se ferme le récit.

C'était ma quatrième rencontre avec Simon Libérati, après ‘Jayne Mansfield 1967', ‘Eva' et ‘California Girls'. Sûrement pas la dernière !
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"Minou?
- Mmmmmmmh...?
- J'ai maman au téléphone. Elle est au salon du livre à Brive, elle me demande par qui tu aimerais te faire dédicacer un livre.
- Personne, merci. Tu sais que j'aime pas ça, ni être redevable envers ta mère ...
- Mais... CA LUI FAIT PLAISIR!!!
- ...
- Alleeeeez! Elle lâche pas le morceau là!
- Aaaaarhgnrgnmlgnmrlmn (inintelligible)...Bon demande-lui le dernier Liberati."

J'avoue, la vision de ma belle-mère face à Liberati me met en joie.
Bref, voilà comment je me suis retrouvé avec Performance entre les mains, avec en prime un petit mot gentil de l'auteur himself. Et peut-être, inconsciemment, je me vois flatté de manière stupide et prompt à être indulgent.

Lors de la découverte de Liberati, j'avais été assez admiratif du style, mais mon intérêt s'amenuisant au fur et à mesure des parutions jusqu'à ses Démons qui m étaient tombés des mains, j'étais plutôt agacé par le personnage. Je vois que je suis loin d'être le seul, mais je me demande si c' est l'écrivain ou l'oeuvre qu'on juge (durement) parfois.

Le sombre dandy destroy parisien est-il devenu un vieux degueulasse provincial en voie de délabrement complet? Les pensées et actes libidineux du monsieur envers une jeune mannequin/actrice nevrosée sont-ils solubles dans le Renaudot? Et surtout, est-ce le vrai sujet du roman, ou un simple énième petit scandale de microcosme?

Mais je papote, et je n'ai encore rien dit sur le roman en lui-même. Allez, petite défense du Liberati en 4 points (vas-y ma couille, au charbon!):

Nous sommes dans un roman à clés avec de petites translations par rapport à la réalité, les véritables péripéties conjugales de M. Liberati etant ici à peine décalées. Je sais, en général ce jeu tourne vite à vide et contente souvent les instincts voyeuristes des seuls cercles germanopratins. Mais, que voulez-vous, ce sujet me passionne, débusquer les variations vie/littérature ou comment faire oeuvre de sa propre vie, où se trouve la limite entre liberté artistique et pillage des autres, honnêteté litteraire et règlement de compte.

Liberati a toujours eu du style et j'aime ça, la beauté de la forme qui fera toujours porter la phrase plus loin qu'un bureaucrate de l'ecriture. le risque, parfois, est l asphyxie. Ici, le style et plus vivant et libre, moins poseur que ce que Liberati peut produire sur le versant esthète sadien/Palace 80's. Mais, qu on le veuille ou non, le gars sait écrire.

Sans doute pour la première fois, l'auteur m'a ému. On le sent pris d'angoisse, il court contre la montre car il sait que bientôt il ne sera plus possible d'écrire/aimer/bander/vivre. L'autoportrait est assez peu flatteur mais sincère, sans apitoiement complaisant. Paradoxalement, les détails de sa décrépitude physique sonnent masochistes et aussi teintés de coquetterie.

Certains lui font le procès d'une différence d'âge faramineuse avec son amoureuse (à peu près 50 ans dans le roman, 40 dans la vraie vie). Je rappelle juste, sans vouloir polémiquer, que la jeune femme à 23 ans et que l'amour, au niveau psychanalytique se résume à l'emboîtement de 2 névroses complémentaires. Je répète pour ceux du fond: amour=2 névroses qui se completent. Quoi? Evidence/cynisme/libération, je vous laisse choisir. Ces deux-là en sont un parfait exemple, un cas d'école.
Et moi, par exemple, obsédé de l'ordre, alors que ma moitié s'applique méthodiquement à maintenir toute sa garde-robe hors de l armoire, mon masochisme à guetter sa validation quand je passe derrière elle face à son infantilisation satisfaite ... on en ferait pas un bon cas d'école?Oui j'enrage...et c est formidable ainsi! Mais je m'égare. Je suis d'accord, ce billet n'a que trop duré.


PS: dans le genre montage parallèle vie perso/sujet "historique", j'ai lu La Vie clandestine de Monica Sabolo juste avant, et les imbrications et identifications aux sujets (Action Directe chez Sabolo et Rolling Stones et mort de Brian Jones ici) me semblent plus judicieuses et mieux menées dans Performance. J'aime Sabolo par ailleurs, je précise.
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71 ans, un AVC, le syndrome de la page blanche, le narrateur est au plus bas. Heureusement, il a Esther. La belle et jeune Esther. 50 ans les sépare, mais l'amour et la transgression (Esther est son ex-belle fille (dis-donc Simon, tu nous ferais pas une petit digression autobiographique…) les unissent, pour le meilleur et pour le pire.

Pour se remettre en scelle et payer ses dettes, cet écrivain délabré accepte d'écrire le scénario d'une série consacrée aux Rolling Stones. Pour l'amour des 70s!

Sex, drugs and Rock & Roll forever🤘
Simon, l'enfant terrible de la littérature française
Simon, le Prix Renaudot 2022
Cette Performance

Je vais vous faire une confession (après tout, toutes mes chroniques littéraires sont des petites confessions), je l'ai bien aimé ce mal aimé de Renaudot. L'écriture de Liberati est fluide et agréable. Certains passages sont un peu triviaux voire vulgaires mais il s'en dégage une certaine beauté. Et une tendresse aussi, dans cette course folle à la vie !

Comme Annie Ernaux dans le Jeune Homme, Simon, pardon, le narrateur se confie sur le temps qui passe, la vieillesse, l'écriture, et la différence d'âge en amour. le tout, avec talent !

Un Renaudot qui décoiffe !





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Performance était un film où le beau Mike Jagger interprétait son propre rôle, un chanteur star, Simon Liberati en a fait un roman où son narrateur, vieil écrivain poussif après un AVC, enfreint encore, et peut-être, pour la dernière fois, les règles de la bienpensance établie.

Car, malgré ses soixante-et-onze ans, le narrateur semble faire un doigt d'honneur, presque ultime, en entretenant une liaison amoureuse avec sa belle-fille de moins de vingt-cinq ans ! Seulement voilà ses neurones étant un peu en bernes, il n'a pas écrit depuis trop longtemps. Et quand on n'a plus la jeunesse pour entretenir l'amour, il faut au moins l'argent.

Heureusement deux jeunes producteurs, très dans la norme, lui proposent d'écrire un scénario sur l'épisode de l'arrestation de Keith Richards et Mick Jagger en 1967 ainsi que la mort de Brian Jones retrouvé dans une piscine en 1969. Peut-être qu'ils finiront par le prendre aussi comme assistant artistique, du moins il l'espère ? Car, il en connait un rayon le papy sur ce groupe mythique : des anecdotes, de nombreuse petites révélations sur la période puisqu'il a bien connu Marianne Faithfull, la petite amie de Mick.

Le mot « groupie » fut inventé pour les Stones. Et, la jeune Marianne Faithfull, très amoureuse de Mike, n'imaginait pas l'enfer dans lequel elle allait tombée en étant amoureuse de son chanteur. le monde entier se rappelle que, lors de la descente de police dans la villa, elle a été retrouvée nue, raide défoncée, enroulée dans un tapis de fourrure. de plus, et l'époque s'y prêtait, Mike, bi-sexuel, ne s'empêchait aucune nouveauté !

Simon Liberati n'épargne rien ! La description de la vieillesse, la décrépitude du corps, les baisses de régimes côtoient les envolées romanesques et sexuelles de son héros. de plus, le vieux has-been, il l'oppose à une mannequin, d'une beauté splendide presque irréelle sujette à un état névrotique l'empêchant quand-même pas mal de vivre. Mais, là où ça devient savoureux, c'est dans ce rôle de scénariste qui abreuve littéralement le lecteur d'une documentation poussée sur les stars. Un régal !

La confrontation ne fait que renforcée l'admiration qu'on partage avec Simon Liberati pour ces stars hors-norme. Devenus eux-aussi des grand-pères de quatre-vingt ans, ils nous épatent encore malgré tous leurs excès, leurs déviances et autres vécus. Ils sont encore capables de faire chanter à l'unisson un stade de plus de cinquante mille spectateurs. Quel talent !

Alors oui, le nouveau roman de Simon Liberati est bien complétement Rock and Roll, mais aussi d'une tendresse folle dans cette course à la vie pour être sûr de fuir encore un peu la mort ! A lire avec Satisfaction, à fond, dans les oreilles !
Lien : https://vagabondageautourdes..
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#Performance #NetGalleyFrance
Avant tout merci à NetGalley France et aux Éditions Grasset de m'avoir permis de lire ce livre.
J'ai commencé ce livre avant qu'il obtienne le Prix Renaudot.
Je découvrais également la plume de Simon Liberati, sombre acérée tel un scalpel, mais juste et fluide, presque envoûtante tant elle colle parfaitement à l'histoire, au niveau du ton.
L'histoire est celle d'un ancien écrivain dont le nom n'est jamais cité, mais répondant au petit nom de Mimi, personnage principal et narrateur de l'histoire : la sienne, qui frappé par un AVC voit ses facultés physiques et psychiques diminuer.
La production d'une série télévisée lui permet de rester encore un peu dans la lumière en lui proposant de devenir le scénariste de cette série basée sur deux épisodes clé de la carrière des Rolling Stones, l'arrestation du groupe en février 1967 dans la campagne anglaise (Sussex) par la police et leur inculpation pour possession de drogue, et la mort de Brian Jones en juillet 1969 dans la piscine de sa maison, elle aussi dans le Sussex.
Le titre du livre est un rappel du film où a joué Mick Jagger, film réalisé en 1968, mais qui n'est sorti qu'en 1970 en raison de son contenu sexuel et de sa violence graphique.
La série télévisée dont on propose à Mimi de réaliser le scénario, s'intitule Satanic Majesties, qui se réfère à l'album des Rolling Stones, Their Satanic Majesties Request, sixième album du groupe qui sera enregistré en 1967, juste après la descente de police à Redlands, nom de la maison de Keith Richards, à Chichester (Sussex).
Dans le livre, cet auteur sur le déclin a presque l'âge des Rolling Stones, dont il a d'ailleurs connu certaines personnes gravitant autour d'eux et a déjà écrit à leur propos.
L'histoire du groupe de rock, et de sa chute de 1967, la descente aux enfers qui aboutira à la renaissance du Phoenix après la mort de Brian Jones, lâchement abandonné, et même débarqué du groupe, sert de miroir à la descente aux enfers de cet écrivain qui voit la vieillesse doucement lui enlever toutes ses facultés. Il tente de s'illusionner, dans sa relation incestueuse, avec sa belle-fille de 50 ans plus jeune que lui. Il a peur de l'oubli, de la mort, il a peur de perdre Esther, cette jeune fille mannequin, magnifique, névrosée, addict à certaines drogues. Les deux fuites en avant misent en parallèle, celle fougueuse et jeune des Stones, celle plus mûre et bien moins brillante de l'écrivain.
Le thème principal du livre est la vieillesse, la perte de tout : de la joie de vivre au goût pour l'écriture.
La présentation alterne entre le bien et le mal, entre Brian Jones l'âme damnée des Stones, et le clin d'oeil de la mort de Charlie Watts, pendant l'écriture du scénario ; Charlie Watts, autre membre du groupe, considéré comme l'ange, le tranquille qui est toujours resté en dehors de l'agitation du groupe.
Entre la candeur et l'innocence de la jeunesse d'Esther, et la décadence du corps et de l'esprit de Mimi.
Un livre intéressant pour les fans des Stones, un auteur un peu trop torturé pour moi, mais une plume sublime pour parler sans fard du dépérissement du corps, et de la vieillesse.
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Trois récits s'entremêlent: celui de la passion à la fois « scandaleuse » et crépusculaire que le narrateur vit avec la fille de son ex-femme, de 50 ans plus jeune que lui; celui qui concerne l'écriture d'un scénario consacré aux Rolling Stones pour Netflix. Et enfin le contenu de ce même scénario c'est-à-dire les deux ou trois années qui précèdent la mort de Brian Jones, fondateur et membre charismatique du groupe…


J'abordais ce livre avec beaucoup de réticences, mais à ma grande surprise je me suis laissée embarquer. Liberati entrelace  avec habileté les différentes facettes de son récit. Il faut dire tout de suite qu'en ce qui le concerne il charge énormément la barque et que les aspects intimes se doublent d'une approche sans concessions de sa propre déchéance physique.  Il se montre non seulement plus vieux qu'il n'est dans la réalité, non seulement alcoolique (on a l'habitude!), mais aussi tellement anxieux de perdre la jeune femme qu'il aime qu'il vit cet amour dans une paranoïa qui flirte avec l'envie de suicide. Par ailleurs édenté, à la limite du cradingue, voire incontinent, avec en toile de fond l'obession de la mort.

C'est comme pour la personnalité de la très étrange jeune femme en question: il la présente comme la fille de sa femme alors que dans la réalité elle est (était, si elle déjà sortie de sa vie??) la petite amie de son beau-fils. Bref, un besoin  d'aggraver son cas, une surenchère dans le scabreux, avec empilement de détails gênants…

Mais enfin, c'est mené avec intelligence et brio. La partie sur les Stones est riche de «culture pop », la partie Netflix est féroce à souhait , de sorte que moi en tout cas, je me suis laissée prendre à ce jeu cruel. Sans crier au génie, comme le font certains de ses vieux copains de St. Germain des prés, j'avoue que j'ai aimé.

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Performance est le titre d'un film de Nicolas Roeg avec Mick Jagger. Point commun avec ce roman de Liberati, les Rolling Stones même si le film est sorti en 1970, donc postérieur à l'histoire des Stones racontée ici.

Le personnage central est un homme de passé 70 ans en couple avec une jeune femme, Esther, 23 ans, en fait sa belle-fille. Lui est un écrivain sans inspiration. On lui propose d'écrire le scénario d'une mini-série télé sur une partie de la carrière des Rolling Stones, plus principalement sur le déclin et la mort de Brian Jones en 1969.

Ce projet va le revitaliser sans laisser pour autant de côté ses questionnements quant à sa vieillesse toute proche et sa relation avec Esther. Il y a un côté assez auto-déstructeur chez lui, beaucoup d'alcool et d'opium, finalement un parallèle évident avec le personnage de Brian Jones dans les dernières années de sa vie.

Deux parties s'entrelacent dans le livre : l'histoire des Stones de la seconde moitié des années 60 où on retrouve Anita Pallenberg, mannequin et petite amie de Brian Jones et aussi Marianne Faithfull, égérie du groupe qui sombre corps et âme dans la drogue et l'histoire de ce romancier amoureux qui sombre aussi dans la dépression et la décrépitude.

Comme toujours chez Liberati, beaucoup de citations et références parfois assez pompeuses supposées montrer le haut niveau de connaissance de cet écrivain un peu élitiste. Si on s'intéresse à cette période de la carrière des Stones, le livre est certes très intéressant ainsi que la plongée dans la fabrication du film.

Très beaux passages aussi décrivant la relation entre le septuagénaire et sa belle nous montrant la passion qui les imprègne.

Sa note : 7.5/10
Lien : https://nathavh49.blogspot.c..
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Simon Liberati nous livre là un roman faussement "rock" puisque même s'il traite bien (très bien même) du groupe Rolling Stones pendant les années de bascule 1966 à 1970 - et se penche vertigineusement sur le destin pathético-tragique de Brian Jones -, Performance est un livre sur l'amour (le dernier), la vieillesse et le temps qui passe, la fiction et la réalité, et les mille et une façons de les raconter. Il y a aussi le roman dans le roman, c'est-à-dire ce scénario commandé à cet écrivain de septante ans, usé, endetté, qui ressasse de manière précise et généreuse le passé et fait revivre les personnages que sont Marianne Faithfull, Mick Jagger, Anita Pallenberg ou encore Keith Richards, en y ajoutant profusion de second-couteaux par ailleurs, un scénario pour une série Netflix, stratagème du romancier qui peut ainsi nous parler des différences de point de vue sur le rock et les années 1960/1970 selon les générations qui les ont vécues, ou pas. le couple que forme le vieil écrivain et la très jeune Esther fera peut-être grincer quelques mâchoires et le largage en force de noms et de lieux fera aussi lever le sourcil gauche aux profanes, n'empêche : Liberati réussi là un roman rock qui peut se targuer d'être un vrai roman littéraire, beau et tragique, sombre et mélancolique.
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Le titre de ce roman est emprunté à Performance, film de Donald Cammel et Nicolas Roeg, sorti en 1970, avec Mick Jagger, James Fox et Anita Pallenberg. L'histoire d'une rock star pas tellement vieille mais has been, recluse dans un univers décadent de tentures, de sexe illimité et de substances hallucinogènes. Un tueur professionnel s'y invite, fait ce qu'il a à faire mais n'en sortira pas indemne, déshabillé de sa virilité et de ses certitudes. Quand on demandait à Mick Jagger s'il jouait son propre rôle ou celui de Brian Jones, il répondait : « Un peu de moi aussi ».
C'est surtout de Brian Jones qu'il est question dans Performance, le livre. Simon Liberati scrute les années où les Rolling Stones étaient en train de devenir "le plus grand groupe de rock du monde". Mais ce qui l'intéresse, c'est la descente aux enfers du lutin paranoïaque aux yeux cernés qui ne vivra pas cette gloire, qui sera viré du groupe et retrouvé noyé à 27 ans dans sa piscine du Sussex. Il jouait de tous les instruments, ne terminait aucune de ses compositions, se droguait à mort, cognait régulièrement Anita, « usant toute sa volonté à détruire ce qu'il aimait ». Il devait mourir jeune, c'était écrit. Fort heureusement, l'auteur ne reprend pas l'enquête pour savoir si Brian s'est suicidé, laissé couler, ou si quelqu'un l'a poussé dans la piscine. A vrai dire, on n'en sait rien.
C'est un roman, pas une nouvelle hagiographie sur le Stone sacrifié. le narrateur reçoit un mail émanant d'une boîte de production qui lui propose de rédiger un script pour une mini-série censée éclairer le « requiem des utopies » à travers la métamorphose des Rolling Stones, entre 1967 et 1970. Mais il n'est pas au mieux. Il n'a jamais écrit de scénario et, à 71 ans, endommagé par l'alcool et toutes sortes d'expériences, sa carrière d'écrivain est derrière lui. Il s'étonne même qu'on vienne le chercher. Il n'a pas de lien personnel avec le groupe. Il n'a que vaguement connu Marianne Faithfull et Anita Pallenberg dans les années 80, muses déclassées, dont le charme devait beaucoup à leur plastique et au satanisme en vogue, la face cachée du Flower Power.
Dans la vie du narrateur, il y a Esther, un mannequin anorexique des années 2020 qui lutte contre ses addictions, avec des tocs sur fond de mélancolie, mais si pure... Elle l'appelle Mimi ou « capitaine », il l'aime comme un fou. Il lui fait la lecture des grands auteurs dans sa maison de campagne où ils se protègent de la société, quasi claustrés. Malgré l'alcoolisme de Mimi, son énurésie et ses ongles de pied « qui ressemblent à des griffes jaunâtres greffées sur le gingembre de ses orteils », Esther l'aime et lui fait le don entier de sa personne. Elle est d'accord avec ça, cet amour qui est une leçon d'esthétique et ne cesse pas d'être un hymne à sa beauté. D'accord aussi pour refaire avec son capitaine, en BMW vintage, le voyage en Espagne que Keith, Anita et Brian ont fait il y a plus d'un demi-siècle, à bord d'une Bentley. le scénariste a besoin de toute l'innocence d'Esther pour convoquer le diable dans les saynètes de la série, dire comment la trahison va s'accomplir et cette histoire mal finir. Si seulement il pouvait, en partant de ce scénario contraint, retrouver l'envie d'écrire...
Mais le vieil écrivain misanthrope sait que le temps lui est compté. Esther a cinquante ans de moins que lui et un jour, c'est fatal, elle le quittera pour un autre, comme Brian fut trahi et abandonné par Anita et Keith en 1967, « dans les draps moites de l'hôpital d'Albi ». Bientôt, il devra expier la faute primordiale, ce qu'il appelle la « catastrophe » : le fait d'avoir rompu violemment avec sa femme pour cette fille, la propre fille de son ex-femme. « Un inceste », dit-il. En attendant, il doit faire avec la jalousie, les brèves disparitions d'Esther, les SMS qu'elle reçoit d'un certain « Brian Jones », le décalage générationnel sur les plateaux de tournage, le réalisateur coréen, les jeunes acteurs « en mode cool et séduction » qui enlève de la profondeur au jeu. Il est au fin fond de l'Espagne, au bout de sa vie, prêt à mourir comme Brian, dans cette piscine reconstituée pour les besoins du film.
En 2002, François Bon a publié une biographie des Rolling Stones qui commençait par le songe d'un pompiste stagiaire devant la Bentley de Keith Richards qui se ravitaillait à la station-essence de Ruffec (Charente), ville étape entre Paris et l'Espagne. Même année 67, même voiture, mêmes passagers. Keith sort faire quelques pas pendant qu'Anita va faire pipi et le petit blond bouffi reste « renfoncé dans le cuir de la voiture ». Simon Libérati aurait pu importer ce mirage et en inventer d'autres pour réenchanter l'histoire sans fin des Rolling Stones. Il a fait mieux : pas tout raconter, pas se prosterner devant l'autel de la contre-culture défunte, injecter des scènes crédibles – un hôtel du Tarn par exemple - dans la reconstitution minutieuse d'une période précise, superposer les personnages et faire dialoguer les époques.
Ne cherchons pas la musique. Il n'y a pas de bande-son. Ce livre est une mise en abîme. C'est le roman d'un roman en train de se faire sur les manques d'un scénario qu'il faut écrire. Au début, on peut craindre le collage et se demander si la trajectoire des Rolling Stones n'est pas un prétexte pour raconter une histoire d'amour scandaleuse - ou le contraire. À la fin, on sait jusqu'où peut mener le processus d'identification, et qu'importe l'âge du capitaine puisque l'inconscient n'a pas d'histoire. Un vrai roman donc, avec beaucoup de fatum et de fortes considérations sur l'amour, la beauté, la jalousie, la punition, le déclin, la vieillesse, le suicide. Mais le pire n'est jamais sûr, même imbibé de whisky, dans l'eau sale d'une piscine de farce.
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