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sur 204 notes
J'ai découvert Simon Liberati il y a fort longtemps, à l'époque où je lisais encore les « Inrocks », magazine que je dévorais pour ses chroniques consacrées à la musique, qui proposait également une revue de l'actualité littéraire. Simon Liberati y était régulièrement encensé, une odeur de soufre semblait émaner d'une oeuvre délicieusement transgressive. Souvent déçu par les inclinations littéraires très « rive gauche » et un peu snobs de la revue, j'avais pris soin de garder mes distances.

C'est le hasard qui m'a conduit à découvrir la très belle écriture de Simon Liberati, en lisant dans la touffeur de l'été « Trois jours et trois nuits », un recueil où des écrivains renommés (Sylvain Tesson, Pascal Bruckner, Jean-Marie Rouart, etc.) racontent tour à tour leur retraite dans l'abbaye de Lagrasse, en compagnie de quarante-deux jeunes chanoines qui mènent une vie de prière placée sous l'égide de la Règle de saint Augustin. le beau texte écrit par Simon Liberati m'a séduit par son respect sincère de la simplicité, de la beauté et de la dimension spirituelle de la vie monacale.

Lorsque j'ai aperçu « Performance », le dernier roman de l'auteur, j'ai rompu ma promesse et j'ai acheté le roman auréolé du dernier prix Renaudot. Pour ma défense, le quatrième de couverture mentionnait les Rolling Stones, le groupe qui incarne le rock'n roll, même s'il arrive loin derrière ma trinité personnelle composée du Père, Bob Dylan (God Dylan pour les intimes), du Fils, Neil Young (qui a gardé la voix de chérubin de ses débuts), et du Saint-Esprit, Leonard Cohen (qui dort parmi les anges depuis 2016).

J'ai cédé à la tentation et j'ai bu le calice jusqu'à la lie : j'ai lu « Performance » de Simon Liberati. Malgré une certaine beauté formelle liée à la fluidité de l'écriture, j'aurais mieux fait de passer mon chemin. le roman qui se veut transgressif et nous promet du sexe, de la drogue et du rock'n roll, oublie le plus important : la musique, ces quelques notes de guitare qui vous emmènent ailleurs, qui vous transportent l'âme dans un lieu où le mois de novembre n'existe pas, ce refuge sacré où rien ni personne ne peut vous atteindre.

« Performance » met en scène un écrivain de 71 ans, en mal d'inspiration depuis un AVC, qui se voit proposer d'écrire le scénario d'une série consacrée aux Rolling Stones, allant de leur arrestation en 1967 pour usage de stupéfiants à la mort de Brian Jones en 1969. Acculé par le fisc, le vieil homme valétudinaire voit dans ce projet une dernière chance de renouer avec ses ambitions littéraires, tout en vivant une histoire d'amour « scandaleuse » avec Esther, sa magnifique ex-belle fille, plus jeune d'un demi-siècle.

Ce retour sur la fin des sixties, l'âge d'or de la musique, me semblait plein de promesses. Hélas. le narrateur se regarde beaucoup trop le nombril, pour rester poli et n'évoque jamais le seul sujet intéressant de son ouvrage : ce moment incroyable où Dylan, les Stones, les Beatles et tant d'autres ont touché une forme de grâce que nul n'a retrouvée depuis. L'auteur préfère s'attarder avec une trivialité qui frôle la vulgarité sur ses problèmes de prostate et d'énurésie, et se croit sans doute transgressif lorsqu'il nous narre par le menu l'addiction à la cocaïne de sa toute jeune compagne aussi belle qu'anorexique. Malgré son gros ventre, le narrateur baise encore avec une certaine vigueur son ex-belle fille, achète de l'opium pour le réalisateur coréen de la série, et s'attache à nous décrire la descente aux enfers d'un triste sire aux allures de freluquet égaré nommé Brian Jones.

Une dose de sexe « scandaleux », beaucoup de drogues, de l'alcool aussi, mais de musique il n'est jamais question. le principal mérite du roman est le retour quasi encyclopédique qu'il nous propose sur la vie en forme de cirque malsain des Stones entre 1967 et 1969. Simon Liberati ressuscite des figures oubliées telles que la pauvre Marianne Faithfull, sur le point de sombrer dans les gouffres de la drogue, ou Anita Pallenberg qui délaisse Brian Jones pour Keith Richards dont elle fut la compagne pendant plusieurs années. L'auteur réussit avec un certain brio à recréer cette ambiance propre à la fin des années soixante, mêlant odeur d'encens, influence d'un certain folklore hindouiste et consommation effrénée de drogues.

Grâce à une écriture ciselée, Liberati réussit le tour de force de donner du rythme à un roman où il ne se passe presque rien. le seul intérêt de l'ouvrage réside dans la plongée très documentée dans l'univers trouble qui entourait « le plus grand groupe de rock'n roll du monde », et dans la description de la lente agonie de l'antipathique Brian Jones. Sa disparition laissera d'ailleurs son entourage froid. Nul ne savait alors que la mort inexpliquée de l'un des fondateurs des Rolling Stones marquait la fin d'une époque.

Cette lecture m'a rappelé qu'il faut toujours tenir ces promesses, et rester à distance de ces romans faussement transgressifs, où la consommation de drogue et la relation entre un vieil écrivain à bout de souffle et son ex-belle fille anorexique, ne sont que le masque d'une vacuité nihiliste qui ne dit pas son nom.
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Il a soixante et onze ans. Il est écrivain, mais un AVC lui a coûté son inspiration. Incapable d'écrire une ligne, il accepte à contre-coeur sur la proposition d'un producteur , de scénaristes une série sur les Rolling-Stones. Pour continuer à exister, pour pouvoir se regarder (avec dépit) dans un miroir, et être encore à la hauteur dans les yeux de la jeune femme qui partage sa vie (et accessoirement recevoir quelques subsides pour compenser les insuffisances de sa trésorerie).

Entre deux anecdotes qui constitueront les scènes du biopic, il se plaint beaucoup. de la vieillesse qui se révèle être un naufrage, pour citer le général De Gaulle, de ce corps qui le lâche, de l'échéance d'une fin de vie, d'un bilan qui lui paraît dérisoire. Même s'il est adepte de l'autodérision, la blague est malgré tout bien cruelle.

S'il est difficile de trouver des raisons de se réjouir de ce discours, le vieillissement nous attend tous, le ton reste léger, en particulier pour décrire les manies d'Esther, la compagne de ses vieux jours, fille d'une de ses ex, et qui l'appelle Mimi !

Le roman fait aussi la part belle au thème de la série sur laquelle « Mimi» travaille. Mais il s'agit essentiellement de courtes évocations d'épisodes de la vie du groupe et de ses satellites, Marianne Faithfull, Anita Pallenberg … Alcool, drogues, et succès difficiles à gérer : les exactions des stars des années soixante-dix en font des victimes d'une époque dont ils n'ont pas compris les enjeux.

Le roman est très bien écrit, on aurait aimé quelque chose de plus développé sur les Stones. le thème du vieillissement est le mieux traité, et confère donc à l'ensemble une ambiance assez morose.


252 pages Grasset 17 Août 2022
#Performance #NetGalleyFrance
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Il est ou plutôt était écrivain, déjà âgé. Suite à un AVC, l'inspiration l'a fui. Cet homme est amoureux et vit avec son ex-belle-fille, la fille de son ex-femme : cinquante ans d'écart. Pressé par le besoin d'argent, il accepte d'écrire le scénario d'une série télé sur le début des Stones, jusqu'à la mort de Brian Jones en 69.
J'ai aimé me plonger dans cette période même si elle ne constitue pas la partie principale du livre, et même si l'écrivain (le héros du livre) nous la raconte à travers son ressenti et sa situation particulière, en y cherchant des clés, pour mieux comprendre sa propre vie. C'est bien la seule chose que j'ai aimée.
Je n'ai pas aimé ce roman : je n'ai pas aimé le style, trop recherché, rendant la lecture peu fluide. Je n'ai pas aimé les personnages, aucun ne m'a donné envie de faire plus ample connaissance avec lui, et tout particulièrement le personnage principal, ce vieil homme à qui la vie échappe, son métier d'abord, il ne sait plus écrire, plus d'inspiration, et bientôt il le pressent cet amour que la différence d'âge condamne à brève échéance. Cet homme ne parle finalement que de lui, s'auto-analyse sans arrêt et je n'y ai trouvé aucun intérêt. Et ce qu'il décrit de sa relation amoureuse avec cette jeune fille n'a rien d'original, j'ai déjà lu cela …
Lu dans le cadre du jury du prix Fnac, dernier des livres reçus, celui que j'ai le moins aimé.
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Etes-vous Stones ou Beatles ?
Mimi, le narrateur, est par défaut Stones, attendu qu'il doit écrire le scenario d'une série TV basée sur les années 1967-1969 du groupe, ponctuées par la mort de Brian Jones. Mimi a 71 ans, et une maîtresse d'un peu moins de 25 ans, qui n'est autre que la fille de son ex-femme. Ambiance. Mimi vient de faire un AVC, il a du bide, ne peut plus se laver les pieds, il picole sec et devient incontinent. Sexy. Mais il reste un lettré fin et élégant (dans l'âme), qui tente de donner satisfaction (ha ha !) aux deux producteurs trentenaires qui le harcèlent à coups de visios jusque dans sa maison de campagne lugubre.

Bizarrement, j'ai bien aimé ce drôle de récit, qui mélange les péripéties d'un vieux décati qui a connu Marianne Faithfull, et les détails croustillants sur le trio maudit Brian Jones-Anita Pallenberg-Keith Richards. J'ai apprécié les reconstitutions de la fin des 60's, juste esquissées par touches légères et gracieuses, avec une forme de répulsion à l'égard des femmes fatales qui ensorcelaient alors les Stones. Les descriptions de la vie compliquée de Mimi, vieux dandy parisien, et sa fascination pour sa jeune muse, m'ont également charmée et amusée.
Car même si son ex-compagne a récemment publié un livre où elle lui démolit le portrait, je n'ai pas pu m'empêcher de trouver Mimi drôle, avec son auto-apitoiement teinté de lucidité. Liberati se vieillit de dix ans dans ce roman, il se présente comme un vieux dégueulasse cultivé, et ça m'a plu, à une époque où tout le monde -ou presque- tente de s'afficher sous son meilleur profil. J'y ai trouvé une acceptation bienfaisante de la vulnérabilité, et quelque chose de finalement très rock'n'roll.
J'ai également aimé retrouver le côté obsessionnel de l'auteur : ici, les Stones, ailleurs Charles Manson, Eva Ionesco ou Babsi Döge -et même quelques traces du "Lolita" de Nabokov. Enfin, ce récit m'a semblé plus léger que les précédents -peut-être en raison de la mise à distance imposée par le personnage burlesque et touchant de Mimi.

C'est donc un roman que j'ai pris plaisir à lire, plus que je ne l'escomptais, et qui séduira aussi les fans de Liberati. Et ceux des Stones.
Et même ceux des Beatles.
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"Performance" c'est aussi un film dans lequel joue Mick Jagger. Pourquoi ce titre alors me direz-vous pour ce roman ? Tout simplement parce que notre narrateur, écrivain un peu sur la fin, perdu dans l'alcool mais surtout qui a peur de perdre sa jeune concubine, est chargé d'écrire un scénario pour un film qui a justement pour sujet cet épisode "Redlands" (médiatisé à l'époque mais presque oublié) des Rolling Stones, encore jeunes, arrêtés pour détention et consommation de drogues. Toute une époque : cette jeunesse dépravée qui écoutait du rock ! On retrouve (découvre ?) avec intérêt Brian Jones, créateur initial et musicien de ce groupe légendaire, avant qu'il ne soit évincé et qu'il décède meme quelques mois après. En écrivant pour ce film c'est tout le sien (au narrateur) qui défile (ses amours, ses addictions, ses peurs de vieillard et de vieil écrivain). Si j'ai eu du mal à entrer dans cette histoire, elle m'a finalement accaparé faut l'avouer. Comme quoi ! Histoire qui permet à son auteur d'obtenir le Prix Renaudot 2022... comme quoi !
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SEX DRUG and BOF BOF.
Vous aller vite comprendre le bof bof! :)
Ce roman est censé nous raconter l'histoire d'une personne de 71 ans, atteinte d'un AVC, qui a été appelée pour écrire une mini-série sur la vie des Stones de légende. Les Stones de la fin des année 60, qui défrayaient la chronique, et jusqu'à la mort de Brian Jones.
Là je me dis "ahhh wouaiiiiii les Stones quoi", intéressant, je le mets dans ma PAL de suite.
Et là je commence le bouquin, et oui j'ai un peu de Mick, Keith, Brian, de Marianne et d'Anita aussi... mais vraiment très peu.
L'ambiance est coincée, pas de musique dans ce bouquin, pas de ROCK AND ROLL.
Pas contre, on suit l'histoire d'amour et les états d'âme du narrateur : 71 ans, libidineux, avachi, décati et qui se tape son ex-belle-fille de 23 ans qui est mannequin. Il se rend bien compte que ca ne va pas durer, il voit son état se délabrer et elle entourée d'autres qui lui correspondraient plus.
Autant dire qu'on tombe vite dans le pathétique avec une scène de cul toutes les 10 pages environ. Beaucoup de SEX.
Pour ce qui est du DRUG, on nous raconte l'affaire Redlands : la perquisition au domicile de Keith Richards, la première fois que les Stones étaient pris en possession de drogue. Et on suit notre narrateur à la recherche d'un revendeur d'Opium, ou qui attend son dealer de coke pour donner un regain à sa chérie. J'avais déjà dit que c'était pathétique ???

Bref, on se demande si les gens qui attribuent le prix Renaudot ont lu autre chose que la 4ème de couverture.

Terriblement déçue de cette lecture où moi j'attendais du son et du bon.
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Un écrivain de 71 ans en panne d'inspiration se voit confier le script d'une série télé consacrée aux Rolling Stones.
Il vit une histoire d'amour avec sa belle-fille de cinquante ans sa cadette.
On a donc deux histoires.
Celle des Stones et celle d'un écrivain sur le déclin.
Il est pas mal question d'alcool, de drogue et de sexe.
L'écriture est intéressante même si j'ai trouvé le tout souvent brouillon.
J'ai failli arrêter ma lecture au début
Je n'avais pas percuté que Simon Liberati est le mari d'Eva Ionesco.
Un ressenti en demi-teinte pour cette lecture.
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Drôle de pitch pour finalement une jolie surprise !

Étonnant pitch donc que celui-ci : un auteur alcoolique de 71 ans en incapacité d'écrire à la suite d'un AVC se voit proposer par deux jeunes producteurs l'écriture du scénario d'une mini série pour Netflix sur la période 67/70 des Rolling Stones alors qu'il ne les a jamais rencontrés et est plutôt réfractaire aux séries télé comme aux biopics !

Ha !?!?

C'est ce septuagénaire hors normes mais pas hors sol qui sera le narrateur et le protagoniste principal de ce court roman intitulé donc : Performance.

Performance, bien sûr c'est le titre du fameux film de 1970 avec le lippu félin Mick Jaguar, mais c'est aussi le qualificatif que l'on pourrait attribuer au premier chapitre de ce livre qui, sans en avoir l'air, distille immédiatement une ambiance ambivalente à ce récit de l'auteur à priori peu inspiré qui pourtant décrit avec un certain panache l'idée qu'il se fait du projet qui lui est soumis.

Il a son point de vue et son angle d'attaque bien arrêtés qui ne sont pas forcément en adéquation avec ceux des producteurs.
Balayée donc l'idée d'une biographie classique, linéaire ou iconographique au profit d'une évocation plus sulfureuse, d'une esquisse plus transgressive mais néanmoins finement documentée.

Même s'il est désormais bien loin de l'âge qu'avaient ses célèbres personnages à l'époque considérée, il pense pouvoir se remémorer et bien dépeindre cette période d'alors encore proprette et singulièrement pop mais qui allait bientôt s'aiguiller et dégénérer vers un univers plus sombre voire maléfiquement glauque.

Keith Richard sera au générique du roman certes, Brian Jones aussi, bien sûr, mais le véritable héros, c'est ce romancier d'un âge certain.

C'est lui qui parle, c'est lui qu'on entend !
Après la scène d'ouverture et sa rencontre avec les producteurs, quand il s'en retourne rejoindre sa très (très) jeune et très (très) camée dulcinée dans un hôtel parisien du faubourgs St Germain, c'est avec la voix de Gainsbourg découvrant Melody Nelson que j'entends les mots qui noircissent ma page. C'est ce débit reconnaissable entre tous et difficilement imitable finalement, ce détachement, cette classe décadente, cette provocation chic et érudite, cette culture ostentatoire aussi qui murmurent à mon oreille.

C'est son quotidien qu'il nous livre, celui de l'écrivain écrivant. Quand il fini par convaincre les jeunes producteurs, c'est son travail que nous voyons prendre forme pour nous raconter sa vision du swinging London sous acide qui rend stone et plus particulièrement les tribulations des rollings & Co puisque élargis à leurs proches, Marianne Faithfull ou Anita Pallenberg entre autres.

Bien sûr, il faut connaître un minimum l'abécédaire stonien pour suivre les nouvelles déambulations littéraires de Liberati comme il fallait connaître Manson, Polanski et Sharon Tate pour suivre ‘Californian Girls' il y a quelques années. Pour coller au récit, mieux vaut avoir les références au fameux épisode de Redlands dit de ‘la barre Mars' réputé avoir précipité aux enfers l'apparente angélique et évanescente Marianne Faithfull.

Pourtant, le fond du roman est ailleurs, dans la démarche créatrice du narrateur plutôt en déveine depuis un certain temps. L'écrivain raconte la stone-storie, évidemment, mais ce n'est que le média, l'histoire dans l'histoire ou l'alibi, le propos du livre est l'écriture, l'élaboration du script, la réflexion et les recherches de l'artiste comme sa vision par anticipation de ce que devrait être l'oeuvre télévisuelle en construction.

La performance est là dans cette prestation sur commande qui devient d'autant plus une obsession que sa propre vie actuelle comme passée semble sortir tout droit d'une composition survoltée du plus grand groupe de rock'n'roll du monde (il vit avec la fille de son ex-femme qui a quasiment cinquante ans de moins que lui mais qu'il ne connait que depuis trois ans seulement (transgressif mais pas incestueux))

Cette double Odyssée quasi punk est écrite avec un esthétisme léché parfois même maniéré qui, comme un riff de six cordes électrifiées, distorsionne et tranche avec le propos et l'édulcore naturellement sans qu'il y ait effet ou posture.

Il y a du style et de l'élégance dans la forme même si c'est pour évoquer alcool, sexe, drogue, rock'n'roll et déchéance physique.

On suit le narrateur dans sa quête de vraisemblance voire sa fuite en avant à perfectionner le moindre détail pour être le plus proche possible de l'ambiance de l'époque, visuellement bien sûr mais aussi idéologiquement, socialement, replongeant dans les us et coutumes d'alors aujourd'hui éliminés par le temps passé. Au delà du folklore et des clichés qui ont franchi les barrières du temps, il cherche à se rapprocher de la psyché de ses personnages quitte à tordre le cou à des idées reçues bien installées.

Cette série télé sera l'oeuvre d'un dandy décadent peut-être mais quand même conscient du décalage (revendiqué) qui existe entre lui et le reste du monde. Lui, vieillissant, subissant les assauts du temps dans sa propre enveloppe corporelle revient sur la jeunesse flamboyante des hérauts du Rock.
 C'est classieux comme disait initial SG.

Un triple voyage, en fait que ce roman :
- Un voyage physique et géographique à travers la France et l'Espagne, dans les pas lointains de Keith et Anita.
- Un voyage virtuel dans la quatrième dimension, l'espace temps, à la recherche des Rollings Stones et de la jeunesse perdus.
- Un voyage introspectif et crépusculaire enfin, celui de l'homme vieillissant qui regarde sa vie finissante et son corps en déliquescence épris de la jeunesse personnifiée par sa compagne.

Un roman en forme d'autofiction où tout est faux, à l'instar du décor de la série télé et de son jardin en plastique découpé au laser où se ferme le récit.

C'était ma quatrième rencontre avec Simon Libérati, après ‘Jayne Mansfield 1967', ‘Eva' et ‘California Girls'. Sûrement pas la dernière !
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Quel culot de faire de ce livre le prix Renaudot de cette année quand en face il y avait vraiment de magnifiques romans pour ne pas citer qu'on était des loups.
Récompenser un livre avec de tels propos incestueux voir pedophiles quand on regarde bien la différence d'âge du protagoniste de 70 ans et sa belle fille de 50 ans sa cadette, quelle ironie!
Finalement c'est ça Performance : la dégénérescence d'un vieil homme complètement narcissique et pervers, qui ne peut s'absoudre à laisser partir Esther, sa belle fille dont il est fou amoureux.
non vraiment même en racontant les Stones de 67 à 69, il ne mérite pas l'éloge qu'on lui fait. fuyez !
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Chronique vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=WekVRvP2Wh4

De quoi ça parle ? On y suit le narrateur, âgé de 71 ans, écrivain qui n'écrit plus, et qui va cachetonner pour une série Netflix sur les Rolling Stones dans les années 70. A côté, on suit son quotidien, avec Esther, sa nouvelle compagne, fille de son ancienne femme, âgée de 23 ans.
C'est difficile pour moi de juger ce livre, juger une oeuvre devrait s'affranchir de la morale. Donc je vais essayer d'évoquer ce qui m'a dérangé de la manière la plus prudente possible. Parce que même si on a pas envie de faire notre Sainte-Beuve et de juger l'homme, quand il s'agit d'un texte autofictionnel, ça s'avère plus compliqué, car l'homme c'est le sujet, c'est la matière du texte.
Je vais commencer par parler de ce que j'ai apprécié dans ce texte, puis on va expliquer en quoi la polémique qui va suivre ou non la médiatisation de ce texte est selon moi assez justifiée.

J'ai aimé la précision de Liberati, le fait qu'un des procédés qu'il affectionne soit l'hypotypose, qu'il utilise beaucoup dans les passages sur les Rolling Stones pour les faire revivre comme à l'époque : l'énumération de détails suit une progression visuelle, comme si on assistait à ces scènes, comme une caméra qui zoome de plus en plus pourrait dire les deux producteurs de la série sur laquelle il travaille. Par contre, il a tendance à faire des généralités, des sentences qui sonnent littéraires mais qui auraient gagnée à être de temps en temps remise en question, on ne comptera pas par exemple le nombre de fois où apparait le groupe indéterminé des « femmes ». La littérature c'est sans doute l'observation, noter que tel groupe de personnes agit de telle manière, les agents immobiliers, les policier, etc,. (c'est bien pour le tableau d'ensemble que l'on fait). En revanche, il faut aussi contrebalancer avec la distinction, surtout quand on rentre dans le détail (ici avec Esther par exemple. Or, il ne le fait jamais, elle ne contredit jamais ses idées généralistes sur les femmes. La palme revenant à « Intuitive comme toutes les hystériques, même si cette hystérie chez elle était rentrée » Même quand ça ne correspond pas à son idée de base, il fait une pirouette pour faire rentrer Esther dedans, et on ne commentera pas le terme d'hystérique, à minima malvenu).
Ce que j'ai trouvé assez amusant, c'est la manière dont Liberati peint notre époque, ridiculisée sous les traits des deux producteurs de cette série Netflix sur les Rolling Stones (ces deux producteurs qui m'ont fait penser aux pubeux du film The Square — toujours penser à l'audience, à la réaction de leur public-cible), donc une époque bégnine qui joue sur une nostalgie totalement faussée qui prend plus en compte l'optimisation et la budgétisation du projet que son esthétique.
Tous ces passages sont assez marrants, entre lui qui est là pour remplir les caisses et leur servir un peu de sa féérie d'it-boy vieillissant, qui perd par conséquent de sa féerie pour devenir une soupe à la recette facile, et eux dont les remarques visent toujours à côté. On ajoute la figure du réalisateur coréen étonnamment profond et mystique, et malheureusement, du name dropping à gogo (d'ailleurs le name dropping serait presque un procédé littéraire avec Liberati — quand il parle littérature, quand il parle musique, il aime balancer des noms en veux-tu en voilà, mais ça a malheureusement un côté artificiel voire cuistre puisqu'il ne prend pas le temps d'expliciter un peu ses références. Alors certes, je dis souvent que je veux de la précision en littérature, mais je pense que plus obscure est la référence plus il est nécessaire de l'expliquer : le but de la littérature n'est pas de faire le malin, si tu veux utiliser des notions oubliées, c'est bien de les mettre en scène, pas juste les balancer pour montrer ta culture. J'ai trouvé que ça donnait des airs compassés au texte, que ça pouvait retirer de la spontanéité à certains moments, que les moments où c'est pertinent, c'est surtout les passages où ils parlent de ces années 67-70. Car c'est toute une reconstruction historique qui doit être faite, sans paraitre en être une, et que donc virevolter d'un nom à l'autre comme si on les connaissait tous, ça donne un côté réaliste au texte. J'aurais cependant apprécié plus de passages, qu'il tire plus sur les fils, parce qu'on a souvent la désagréable impression qu'il rompt la rêverie, même si je peux aussi comprendre que c'est son intention.
On aime bien les quelques extraits où il se représente comme une des dernières figures d'une aristocratie agonisante, un homme de lettres et de culture comme l'entendraient plutôt les siècles passés, et le ridicule du hiatus qu'il y a entre le fantasme de l'écrivain et la réalité égaye parfois le texte — sa demeure est en ruine, il se claquemure avec sa nouvelle compagne pour éviter le scandale, s'habille de vêtements mités « L'écrin avait beau être vide, l'écrivain disparu, l'individu qui jouait son avatar avait encore la tête de l'emploi avec sa robe de chambre Old England en tartan vert et bleu, son pyjama Charvet et ses pantoufles de velours. Je recouvris la robe de chambre par une sorte de super-robe de chambre, un manteau Lanvin croisé en cachemire marron d'Inde troué aux mites […] ». Mais bizarrement on a aussi l'intuition qu'il aime cette image, que le ridicule est une sorte de transmutation qui se produit dans l'oeil du lecteur sans que ce soit souhaité par l'auteur — il cite ces marques et la recherche encore étudiée de ses tenues comme un dandy qui a malgré tout encore du goût, une sorte de manière de perpétuer sa distinction de classe, de montrer que malgré la ruine, il restera ce noble au-dessus de la masse, cet aristocrate au goût sûr. Ce fossé avec le lecteur lambda, il dérange à deux ou trois reprises :
On sent que Liberati cherche, comme il l'a dit dans un de ses précédents roman Eva, à « ne séduire que l'élite ». Dès le début, le geste hiératique d'ouvrir la fenêtre dès que le petit personnel se barre est éloquent — ici, le petit personnel, c'est les dealeurs, qui sont les seuls personnages qui ne viennent pas de la bourgeoisie ou de la petite noblesse comme dit Liberati. le petit peuple ça pue, semble -t-il écrire. Ou encore quand la décoratrice médit du réalisateur « Ségolène se régalait des déboires du réalisateur et de ses assistants. Cette malveillance de domestique m'agaçait ». Et enfin, quand Esther ose le contredire, cela fait ressortir son milieu d'origine au yeux du narrateur, ce qui lui fait dire « Comment cette oie osait-elle me faire les gros yeux, me reprocher à moi, de cette petite voix agacée où une pointe de vulgarité laissait voir un peu d'accent vaudois, comme ces anciennes prostituées rangées dans un intérieur bourgeois qui laissent couler un mot ordurier trahissant ce qu'elles cherchent à cacher » — Il essaie lui-même de cacher derrière une peinture de moeurs très 19ème son mépris de classe, son mépris du féminin aussi, où dès qu'Esther s'éloigne de la petite fille qu'il esquisse, la sentence est redoutable, elle devient une poissonnière.
Et parallèlement à cette intrigue sur la série et sur l'écriture, il y a aussi la relation qu'il entretient avec Esther, une jeune femme de 50 ans sa cadette, fille de son ex-femme, particulièrement malaisante.
Parce que ce qui dérange, c'est pas tant la différence d'âge que le rôle de femme-enfant dans lequel il l'enferme. Ce qui donne en plus un aspect assez répétitif au roman (et qui me fait d'ailleurs me demander s'il a été suffisamment relu par son éditeur, on note par ailleurs la mention à deux reprises du portail cadenassé de leur maison). Pour vous montrer ce que j'entends par là, je vais vous mettre maintenant toutes les citations qui mentionnent la jeunesse ou la fraicheur d'Esther :
« L'amour des très jeunes filles est d'une eau plus transparente que les sentiments même ardents d'une femme plus âgée »
« de toutes les femmes que j'avais aimées, Esther était sans doute l'une des trois plus belles, et la plus jeune ».
« Enfantine, elle aimait que je lui relise sans cesse les mêmes choses »
« Jamais plus elle ne serait aussi séduisante qu'en ce moment et elle offrait ses lys et ses roses à un vieux desperado désargenté, édenté et parfois saoul. »
« Certaines filles très belles et très jeunes se montrent extrêmement sensibles à la beauté au sens large »
« Esther avait un con si frais que j'aurais pu lui arracher la langue ou les oreilles d'un coup de dent »
« Esther n'avait pas envie d'être mère, elle m'avait dit « on ne fait pas un enfant à un enfant »
« je ne voulais pas que la petite finisse sur le trottoir, un de ses fantasmes récurrents »
« Et puis elle rit de ce rire dont la jeunesse est prodigue et qui disparait vers 30 ans. »
« C'était une enfant, mon enfant, je ne pouvais pas supporter de la faire souffrir ».
« Je restai impassible, ses colères d'enfant ne m'impressionnaient pas »
« Peut-être parce qu'elle n'était pas une femme, parce qu'elle était demeurée dans cette région de l'enfance où certaines petites filles ont la droiture simple des garçons ».
« Dans les tortures permanentes que m'infligeait la vie aux côtés de cette enfant »
« Je pensai à la jeune fille qui dormait près de moi comme l'ogre pense à la chair fraîche. Je n'étais pas excité physiquement, mon sexe petite chose sentant l'urine n'avait rien à voir avec le cep de vigne noueux, long et dur comme un manche de tire-bouchon que j'avais introduit tout à l'heure dans la vulve fraiche de la jeune fille »
« le plus terrible, dans les amours entre un vieil homme et une jeune fille, ce n'est pas le vieillissement de l'homme, ce singe rusé menaçant ruine depuis des décennies, mais le flétrissement de la jeune fille ».

On a l'impression que c'est uniquement la jeunesse qui l'intéresse, que c'est uniquement par ce prisme qu'il la perçoit, ce qui donne un côté vampirique à son personnage — Esther n'est qu'une sorte de memento mori, un calice dans lequel il s'abreuve désespérément. Il faut préciser en plus, ce qu'on voit dans certaines citation « torture permanente », qu'il se plaint de la situation et retourne la culpabilité sur la séduction d'Esther, comme un Humbert Humbert qui ne prend même pas la peine d'être cynique (il faut savoir que toute la partie sur Esther est autobiographique, excepté qu'elle n'est pas directement la fille d'Eva Ionesco, mais sa belle-fille. de plus, elle souffre d'anorexie, de toxicomanie, et dépendante financièrement de lui semble-t-il, comme il dit « Je la tenais par un lien souple mais solide ».)
Ça joue toujours sur la même note, et en plus d'avoir un côté crypto/pédophile, de jouer même sur la corde de la culture de l'inceste (concept qui reprend la formule culture du viol pour montrer comment l'art ou la société peuvent parfois légitimer l'inceste), ben le roman va toujours dans ce sens, ce qui donne un aspect unidimensionnel à leur relation. En fait, ce que j'aurais voulu, c'est pouvoir être touchée par cette relation, ou alors au contraire pouvoir en rire — quand Houellebecq est limite sur ses plans là, c'est assez dégueulasse, y a assez de distance pour me faire marrer. Liberati se prend trop au sérieux, trop au premier degré, y a même à une ou deux reprises des remarques assez pénibles dans la manière dont il se peint.
« On ne me donnait pas toujours mes 71 ans, le visage régulier entre les poils, la stature martiale et une bonhomie pleine de simplicité mêlée au reste d'une éducation à l'ancienne, sans compter mes grands pieds et mes mains puissantes prometteuses de certaines voluptés[…] »

Quand on écoute ce qu'en dit le masque et la plume, on voit que c'est l'éléphant dans la pièce, je suis sûre que tous, et surtout les femmes, ont mis le doigt sur l'aspect pédophile de ce texte, mais relativise. Ce qui est ironique, c'est que Liberati dit ce lieu commun : « La société parisienne, naguère si libérale de moeurs, était devenue moralisatrice et jalouse », le masque les contredit d'une part, et me fait m'interroger, sont-ils complaisants pour ne pas paraitre moralisateurs et jaloux, a-t-elle déjà été moralisatrice et jaloause, cette société parisienne — on pense à Matzneff, on pense à la libération de la parole, au monde d'après et toute les conneries qu'on entend à la radio et à la télé. Si ce roman permet de démontrer cette hypocrisie, qu'il n'y a jamais eu d'ère post Metoo, à part un argument marketing de magazines féminins, que c'est aussi un enrobage que sortent les dominants pour se justifier, parce qu'il se sont fait prendre la main dans le sac, à soutenir des hommes tels que PPDA, Matzneff, et cie. Beigbeder a fait son mea culpa pour ce dernier, on voit que se désolidariser de Matzneff, c'était surtout pour ne pas être éclaboussé par lui. Rien n'a changé, on est en 2022, et un livre qui parle de vulve fraiche de jeunes filles vient de gagner le Renaudot.

Lien : https://www.youtube.com/watc..
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