J'ai une tendresse particulière pour les albums Grasset Jeunesse pour plusieurs raisons. La première, et non des moindres, c'est la grande qualité de leur travail, aussi bien dans le choix des artistes et des albums qu'au niveau éditorial. C'est une petite équipe dont on sent l'amour du travail bien fait, et la passion pour l'illustration jeunesse. Et la deuxième, qui n'a rien à voir avec la première, c'est que Valéria Vanguelov, l'éditrice, m'a fait confiance dès notre premier contact, et me fait parvenir quasiment tous les titres qui paraissent, y compris certains dont elle sait qu'ils m'intéressent moins, mais que je les donnerai dans un service hospitalier pédiatrique. Cette démarche est tout à l'honneur de la maison d'édition, que je tenais à remercier au passage. Ceci dit, si leurs albums n'étaient pas supers, je ne les demanderai pas pour l'hôpital, les petits malades méritent le meilleur de la lecture !!!
Je parle de jeunes lecteurs, et pour autant, nombre de leurs albums, y compris celui-ci, ne sont pas réservés à un public jeunesse, voire sont principalement destinés à un public plus adulte. La poésie des illustrations et de l'histoire font que ce titre plaira aux plus jeunes, dès quatre ans, mais l'Histoire derrière l'histoire est elle destinée aux plus grands. J'avais découvert les « villes de lépreux » au Japon avec Les délices de Tokyo, où j'avais avec effarement constaté que ces lieux existaient toujours, et avec cet album, je découvre une vallée entière isolée du reste du pays et du monde, où les lépreux étaient « parqués », et dont certains résidents habitent encore sur place aujourd'hui.
Cet album est l'oeuvre d'un graphiste malaisien qui commet ici son premier titre jeunesse, pour la première fois dans cette version française, l'éditeur ayant acquis les droits mondiaux. Grasset Jeunesse a choisi de donner sa chance à un nouvel auteur talentueux, comme vous pourrez le constater sur son compte instagram.
Les illustrations de
Heng Swee Lim sont tout en naïveté, en douceur, alors pourtant qu'elles racontent une vie extrêmement difficile. Les graphismes enfantins (dans le meilleur sens du terme^^) accentuent le contraste avec la force des mots, et la noirceur de l'immense nuage noir qui vient recouvrir la vallée et les priver de soleil. Heureusement, Apolline est là, qui veille sur ses fleurs et avec tout son amour, arrive à chasser la nuit et retrouver la lumière et l'espoir. Je trouve que la citation de Martin Luther King Jr en exergue reflète parfaitement cette histoire : "L'obscurité ne peut chasser l'obscurité, seule la lumière le peut. La haine ne peut chasser la haine, seul l'amour le peut."
Le contraste entre l'encre noire et la peinture jaune soleil, les traits simples, enfantins, mettent en valeur le propos de l'auteur. Et l'abondance d'encre pour représenter l'immense nuage noir montre l'étendue du désespoir si on le laisse s'installer.
Tout en finesse, le texte français de
Christian Demilly nous emmène dans l'univers onirique et acidulé de l'auteur. Au-delà d'une simple traduction, c'est un magnifique texte tout en naïveté et poésie que nous propose
Christian Demilly, naïveté enfantine d'Apolline devant cet immense nuage noir qui lui cache le soleil et fait mourir ses fleurs, et poésie par la morale de l'histoire, car l'amour et l'espoir, s'ils ne peuvent guérir, peuvent embellir la vie.
Apolline et la vallée de l'espoir est un magnifique album, pour tous à partir de quatre ans, à chaque âge sa lecture, plein d'espoir (comme son titre l'indique^^) et de poésie, de volonté, de persévérance… L'Histoire sous-jacente de cette vallée malaisienne est touchante et révoltante, même si ses habitants y ont finalement trouvé une sorte de paix. Cet album est aussi la découverte d'un graphiste de talent, dont c'est le premier titre jeunesse, mais j'espère premier d'une longue série, car j'ai adoré son style épuré et contrasté.
J'ai reçu la version papier de ce livre dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Grasset Jeunesse. Merci Valéria pour la confiance.
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