La maison des soeurs

Les années avaient passé et son enfance, sans qu'elle s'en rende compte, l'avait quittée ; sans qu'elle s'en rende compte, parce que dans son désarroi e sa peine elle l'avait protégée comme un trésor sans songer au fait qu'elle devait s'achever. Elle ne retrouvait plus la fillette aux pieds nus qui écoutait les histoires de sa grand-mère ou galopait cheveux au vent dans la campagne. Elle réalisait, désemparée, qu'elle avait oublié de se préparer à la vie qui s'ouvrait devant elle.

Mai 1910

Ce jour-là, Frances ne parvenait pas à s'échapper de la réalité; Elle ne pouvait détacher son regard du château médiéval, là-haut sur la colline, et ses yeux ne cessaient de s'emplir de larmes.

Juin 1907

C'était comme si un aiguillon empoisonné s'était fiché dans la belle histoire -ou dans l'apparence de belle histoire à laquelle elle était si attachée;

jeudi 26 décembre 1996

(...), ils avaient découvert un paysage d'une beauté exceptionnelle. Pas le moindre nuage dans le ciel. d'un bleu arctique, à la fois profond et glacial, il formait une voûte immense qui s'arrondissait sur l'horizon comme une gigantesque boule de verre coloré.

Mardi 25 décembre 1996

La maison avait une histoire, sans doute plus heureuse autrefois qu'aujourd'hui.

Mardi 234 décembre 1996

- Autrefois, il y avait toute une famille qui vivait à Westhill et puis, un jour, il n'y a plus eu que deux soeurs. C'est là qu'on a pris l'habitude d'appeler la maison comme ça. Elles ne sont plus là ni l'une ni l'autre, mais le nom est resté. Tout le monde continue à parler de la maison des soeurs.

Lundi 23 décembre 1996

Comme toujours lorsque Laura pensait à tout cela, son amour pour cette terre l'envahit comme une douleur soudaine qui lui coupa la respiration. (...)
La solitude. Les souvenirs. On ne quitte pas ce que l'on aime vraiment, c'était sa conviction profonde, même si ce doit être une source constante de tracas. Il est possible qu'un jour on y laisse sa santé, mais on ne part pas.

Dimanche 22 décembre 1996

La maison regorgeait de placards, de cagibis, de recoins. Laura les connaissait tous, elle les avait tous fouillés. Jamais elle n'avait fait de découverte d'importance. A croire qu'il n'y avait rien à trouver. Et qu'elle se tourmentait pour rien.

Dimanche 22 décembre 1996

Westhill House était le seul vrai foyer qu'elle ait jamais eu, son refuge, son île protectrice. Elle était indéfectiblement attachée à cette maison, à cette terre, même si elle en détestait l'isolement, le froid, et les souvenirs avec lesquels elle y était prisonnière. Il n'existait pas d'autres lieu dans lequel elle aurait pu vivre.

Dimanche 22 décembre 1996

Son regard s'arrêta sur la fenêtre et au-delà sur les collines herbeuses du Wensleydales, si vertes et si lumineuses en été. En ce moment, elles paraissaient grises et arides, le vent courbait les branches dénudées. de lourds nuages bas filaient dans le ciel.

Dimanche 22 décembre 1996