Très beau livre de poésie que cette Ile du renard polaire. On l'emmène en voyage, et c'est un double voyage que nous faisons ! Mais ce voyage-ci est plus envoûtant. C'est le voyage insulaire et intérieur de la poétesse finnoise To Kirsikka inventée de toute pièce mais complètement crédible avec son journal, ses poèmes, ses dessins, ses photos. Un livre onirique, très inventif que je vous souhaite de lire !
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Selkie
la journée se passe en plein air à boire du vin
et à divaguer dans le bois derrière la cabane
le mot 𝑙𝑒𝑔𝑠 l'obsède
de la part d'un père qu'elle a peu connu /
tout ça ! elle ouvre les bras penche la tête
en arrière avale l'air danse
entre les bouleaux caresse le rose
des écorces elle rit
et se sent
pousser des ailes qu'elle déploie pour elle seule
à la fin elle retourne sur la plage une crique
abritée du vent
par de grandes roches
à moitié ivre elle bute sur un tas de chiffons
une combinaison de plongée plutôt
*
un bon trente-huit une fois
étendue sur le sable sa perplexité devant
les gants d'un seul tenant au bout des manches trop courtes
et s'achevant / tirebouchonné comme c'est et raidi
par le sel elle ne parvient pas à comprendre elle se trompe
en 𝑞𝑢𝑒𝑢𝑒 𝑑𝑒 𝑝𝑜𝑖𝑠𝑠𝑜𝑛 ça ne voudrait rien dire
la couleur est indéfinissable grise ponctuée de taches
il faudrait voir ce que ça donne une fois sec
une peau mais de quel animal ?
séduite elle la roule et l'emporte dans la cabane
après rinçage elle l'expose au poêle
en séchant les petits poils collés se redressent
une pelisse faite pour la mer imperméable
et chaude
Moi qui suis à peine humaine
J'en viens à les redouter
à craindre par-dessus tout leur présence
sur mes lieux de ponte
il y en a partout
à cause de l'arrière-saison
à cause de sa douceur
malade
je voudrais qu'ils me confondent avec la terre
et les broussailles de la colline
moi qui suis à peine humaine
désormais
cette fin du monde convient aux chauve-souris
la plage vidée des hommes
sous un soleil relique
Le corps est le plus important. Il est la tendre forme que l'on aimait. C'est la forme à jamais de l'amour. C'est pourquoi les âmes qui reviennent parfois se pencher
près de nous sur leur tombe
revêtent cette forme ancienne de leur corps
Dans la force de l'âge
écarte les cuisses pour le faune du bois de houx
et ris / oui / ris-lui au nez en les refermant
d'un coup
Eté / hiver, qui fait ça, se tapir en plein jour au fond d'un bosquet de lauriers sous la voûte pour s'apaiser du tumulte ? Si finement cachée à attendre que les hommes meurent ? (...) L'autre pèse sur ma vie, et dans la nature je deviens, pour l'ensemble des bêtes sauvages, cette espèce pesante - les coqs à ma vue s'envolent en criant dans un tel désordre d'eux-mêmes que j'attrape peur moi aussi.
Avec Antonella Anedda, Michel Deguy, Jacques Demarcq, Benoît Casas, Andrea Inglese, Sophie Loizeau, Valerio Magrelli, Claude Mouchard, Guido Mazzoni & Martin Rueff
Andrea Zanzotto est né il y a cent ans et mort il y a dix. Ce double anniversaire, marqué par d'importantes publications posthumes, Erratici, disperse e altre poésie (1937-2011 – Francesco Carbognin éd., Mondadori, 2021), Traduzioni, trapianti, imitazioni (Giuseppe Sandri éd., Mondadori, 2021) est l'occasion de nombreuses célébrations en Italie comme en France. Dans le cadre d'un colloque de trois jours, « Zanzotto europeo, la sua poesia di movimento » (25-27 novembre 2021), organisé par Giorgia Bongiorno, Laura Toppan, Andrea Cortellessa et Martin Rueff, la Maison de la Poésie accueille cette soirée exceptionnelle. Des poètes de France et d'Italie évoqueront la figure d'Andrea Zanzotto, l'importance de son oeuvre, la fécondité de son héritage.
Le programme du colloque est consultable sur le site de l'Institut Culturel Italien
À lire – Andrea Zanzotto, Venise, peut-être, trad. de l'italien par Jacques Demarcq et Martin Rueff, éd. NOUS, 2021.
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