Peut-être qu'il s'est passé quelque chose est une novella surprenante ! Tout commence avec le suicide d'une jeune fille qui a laissé pour note d'adieu “Ne cherchez pas pourquoi, personne n'est en cause”. Un journaliste s'intéresse pourtant à cette histoire, espérant en tirer un article bien juteux. Il a cinq jours pour mener son investigation et publier son texte. Durant ce court laps de temps, il va interviewer l'ensemble de son entourage et tenter de comprendre son geste.
Ce texte est très intéressant par différents aspects. Tout d'abord, il y a une vraie recherche narrative avec une mise en abîme constante de ce journaliste qui enquête, mène des entretiens et réfléchit à la rédaction de son article à sensation. On est dans sa tête et on le voit imaginer des phrases d'accroche qui rendent cette histoire banale bien racoleuse, il compense le vide abyssal de son article en balançant des références à des classiques ou à de grands auteurs, ce qui lui donne un air pédant. Mais on sent aussi très rapidement que ce suicide et cette enquête de voisinage lui renvoient au visage la monotonie de sa propre vie.
Puis ce court texte interpelle par son sujet, celui de la quête de sens, et plus précisément, comment donner un sens à sa vie. D'un côté, nous avons ce journaliste à la vie bien morne, qui tente d'exalter son quotidien en enquêtant sur le suicide de cette jeune fille, de l'autre, ces jeunes ultra connectés, qui passent leur existence sur les réseaux sociaux en quête de lien, et qui, paradoxalement, se renferment davantage sur eux-mêmes puisqu'ils communiquent moins et ne s'engagent pas vraiment émotionnellement. Les uns comme les autres se retrouvent toujours aussi seuls et c'est ce grand sentiment de solitude qui ressort de ce texte.
Enfin, il y a aussi cette campagne loin de la ville qui permettrait peut-être aux gens de se reconnecter, de s'ancrer de nouveau dans la “vraie vie” à travers cette image du kaki qui apparaît plusieurs fois dans le texte et qui renvoie le journaliste auprès de son père.
Au niveau du style, c'est un récit marqué par un parlé assez brut, franc, mais aussi très rafraichissant, l'autrice passant de descriptions très littéraires à un langage de la rue. C'est un texte qui m'a marqué par son originalité et son propos, et qui se distingue nettement de ce qu'on a pu lire auparavant en littérature chinoise.