La parole du vent
Le Lubéron. Et un orage. Il suffit finalement de peu de choses pour faire un grand roman ! En rajoutant deux couples qui habitent dans un coin un peu isolé et un chat, appelé le Hussard, qui fait le lien entre les deux et est à l'origine du récit en provoquant la découverte de ruines gauloises, vous obtenez une histoire qui n'est pas seulement peuplée de légendes mais de gens bien réels.
Olivier Mak-Bouchard tisse habilement sa toile à partir des légendes provençales. Il les distille au fur et à mesure, en parsemant son fil narratif principal pour mieux le rythmer au gré des histoires glanées des temps anciens, aussi lointains que mystérieux et emprunts de morales ou de leçons.
Ainsi en va-t-il du premier des récits mythiques, vite rejoint par les autres contes et légendes, autour du Mistral, de la naissance du Maître-Vent, de son père, le dieu gaulois Vintur, et de sa mère, membre de la tribu des Albiques.
Un soir d'orage, donc, et suite à un glissement de terrain, le voisin du narrateur met à jour une poterie gauloise. Au lieu de faire part de cette découverte aux autorités, voisin et narrateur, sous l'égide du chat, décident de procéder eux-mêmes à la fouille. En plus de nombreux vestiges archéologiques, ils tombent sur une fontaine avec un visage de femme dont coule une source aux effets bienfaisants.
Au fil de recherches historiques, le narrateur déterre en parallèle de nombreuses légendes sur la naissance du Mistral. On peut donc suivre ce livre comme une enquête policière lancée sur les traces des origines de la Provence.
Mais les niveaux de lecture de ce livre sont plus variés que cela. La poésie du texte, de la langue d'
Olivier Mak-Bouchard, les contes repris par le narrateur, leurs implications avec le récit narratif principal, tout cela donne une dimension onirique au texte.
L'auteur joue ainsi constamment sur la confusion régnant entre rêve et réalité. Hannibal, Vintur, la Chèvre d'Or ou la femme-calcaire prennent autant de consistance que les voisins creusant la terre ou offrant anonymement le résultat de leurs fouilles au musée historique local. L'auteur joue tellement qu'il n'hésite pas à lancer à son lecteur quelques exhortations ou injonctions que le lecteur sera bien inspiré de ne pas suivre et de poursuivre, au contraire, sa lecture : « le lecteur peut décider de s'arrêter, il aura lu un joli conte de Noël provençal […] Toutes les légendes ont un fonds de vérité. […] La part du vrai, la part du faux, bien malin celui qui arrive à les démêler » ; ou ailleurs : « le lecteur peut à présent refermer ce livre : il a dû obtenir les réponses qu'il cherchait, qu'elles lui plaisent ou non. Il n'est pas obligé de s'en satisfaire, il n'est pas obligé de les prendre pour argent comptant. Il reste libre d'expliquer tout ce qui s'est passé comme bon lui semble, et s'il a une meilleure explication, grand bien lui fasse ».
Le lecteur reste ainsi libre de voir dans ce livre ce qu'il lui convient de voir ou de comprendre. L'auteur reste maître d'une seule chose au final : de la manière de raconter son histoire ou les histoires dont il s'empare pour en faire un récit mythique, enchanteur, où la part de merveilleux le dispute à la vie de ces deux voisins que tout semblait éloigner l'un de l'autre et que le destin va pourtant réunir autour d'une source aux vertus parfois contraires.
L'un des grands mérites de l'auteur est de parvenir à s'emparer d'autant de points de vue historiques à travers les légendes provençales sans perdre son fil narratif principal no ses lecteurs, le tout à travers un texte sublime, subtile et envoûtant.
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